Actualités : Résumé de congrès JACC 2025

Publié le 29 sept. 2025 à 14:18
Article paru dans la revue « FDVF-RJD - La Revue des Jeunes Dermatologue » / FVDF-RJD N°3

Peau et transplantation
Pr Sarah Guegan

Risque de cancer cutané chez le patient greffé

Le nombre de patients transplantés ne cesse d'augmenter, tout comme leur espérance de vie. En 2025, le cancer cutané reste le plus fréquent des cancers survenant après la greffe avec un risque multiplié par 46 à 65 de carcinome épidermoïde cutané (CEC) devant les carcinomes basocellulaires (CBC) (RR: 5 à 10) et les mélanomes (RR: 2-3).
Ces chiffres semblent être en diminution suite à l'arrêt de l'azathioprine, l'utilisation accrue des inhibiteurs de mTOR et l'arrivée d'immunosuppresseurs moins oncogènes comme le bélatacept.

Mesure préventives

Le nicotinamide serait efficace chez l'immunocompétent (Chen et al, NEJM 2016), mais sans bénéfice prouvé chez le greffé (Alien et al, NEJM 2023). L'acitrétine 10 mg/j a également un effet préventif démontré (Que et al, JAAD 2018) bien qu'uniquement suspensif. Enfin, le praticien peut s'aider du score SUNTRAC afin de stratifier le risque de cancer cutané de ses patients (Gomez-Thomas et al, JAMA Derm 2023).

Immunothérapie et greffe d'organe

Traditionnellement exclue chez les greffés en raison du risque de rejet, l'immunothérapie fait l'objet de nouvelles approches :
• Carroll et al, Lancet Oncol 2022 : anti-PD1 en monothérapie, 53 % de réponses (CEC), mais 2 rejets précoces.
• Schenck et al, ASCO 2022 : stratégie adaptative avec nivolumab ± ipilimumab ; résultats mitigés, 2 rejets sur 6.
• Hanna et al, JCO 2024 (CONTRAC-1) : cemiplimab + mTOR + corticoïdes 46 % de réponses, aucun rejet, mais la surveillance de l'ADN circulant semble peu informative.
• Méta-analyse ASCO 2025 (Al Zyoud) sur 330 greffés : 49 % de CEC, 21 % de mélanomes, 17 % d'autres cancers cutanés, 3 % de Merkel. Les réponses thérapeutiques étaient de 25 % pour les mélanomes et de 49 % pour les CEC (équivalent à la population non greffée).

Vaccination HPV chez les patients transplantés
Dr Johan Chanal

Recommandations vaccinales (Calendrier vaccinal 2025)

Le vaccin Gardasil 9 (non vivant) est recommandé à partir de 9 ans chez les candidats à une transplantation d'organe solide. La vaccination est d'autant plus efficace qu'elle est réalisée précocement. Initialement recommandée jusqu'à 19 ans révolus, la nouvelle recommandation de la HAS (mai 2025) autorise un rattrapage jusqu'à 26 ans, sans distinction de sexe ni d'orientation sexuelle. Les patients immunodéprimés, notamment les transplantés, sont les premiers concernés par cette stratégie de rattrapage.

Réponse vaccinale chez les transplantés

La réponse immunitaire peut être légèrement diminuée selon le type de greffe et d'immunosuppression, mais la séroconversion reste fréquente. Il persiste une incertitude sur la durabilité de la protection selon le type d'immunosuppression.
En l'absence de contre-indication et vu l'innocuité du vaccin, la vaccination est toujours recommandée.

Risques liés au HPV chez les transplantés

Les transplantés présentent un risque élevé de développer des condylomes (lésions bénignes) ou des lésions de haut grade (HSIL) pouvant évoluer vers un cancer. L'immunodépression favorise la persistance du virus et la progression des lésions.

Dépistage et surveillance

De nombreuses études montrent que les patients ignorent l'existence de leurs lésions. L'examen clinique systématique est donc indispensable, y compris pour les organes génitaux externes et la marge anale.
Les recommandations françaises proposent, pour les femmes transplantées depuis plus de 10 ans, un dépistage par test HPV 16 anal. S'il est positif, une cytologie et une anuscopie de haute résolution seront réalisées.
Les recommandations internationales (IANS) préconisent un dépistage plus large chez tous les hommes et femmes transplantés en recherchant tous les sérotypes d'HPV à haut risque.
Les mesures complémentaires à associer sont l'arrêt du tabac, la réévaluation régulière de l'immunosuppression et le changement d'immunosuppresseurs s'il majore le risque de carcinome cutané et que la situation le permet. La détransplantation réduit le risque mais reste exceptionnelle.

Recommandation prélèvement d'organes
Dr Charlee Nardin

L'Agence de la biomédecine a la charge de la régulation et de la répartition des greffons en France. Chaque patient inscrit est classé selon un système de points (score) pour établir une priorisation.

Quelques chiffres de 2023 :
• Plus de 10 000 patients en liste d'attente.
• Environ 5600 greffes réalisées.
• 869 patients sont décédés en attente de greffe.
• L'âge médian au moment de la greffe est de 55 ans.
• 23 nouveaux inscrits par jour contre seulement 17 greffes réalisées en raison d'un manque de donneurs. Ce déficit souligne la nécessité d'optimiser les critères de sélection, notamment pour les patients ayant un antécédent de cancer.

Focus sur les cancers cutanés

Cancer cutané chez le donneur Le mélanome est le cancer cutané le plus redouté en contexte de greffe :
• Risque de transmission estimé entre 74 et 80 %.
• Les mélanomes même anciens peuvent entraîner des métastases.
• Les mélanomes transmis évoluent le plus souvent vers une maladie métastatique et rapidement fatale chez le receveur.

D'après les recommandations internationales

Le mélanome malin invasif contre indique formellement la greffe. Seul le mélanome in situ peut être considéré si les autres critères sont favorables.
L'examen clinique est crucial, notamment pour détecter des lésions pigmentées suspectes. En cas de doute, le prélèvement d'organes ne sera pas réalisé.
Si un mélanome est découvert a posteriori :
• Pour un rein, il est possible d'interrompre l'immunosuppression, il faut retirer le greffon et reprendre la dialyse.
• Pour un organe vital, le receveur sera remis sur liste d'attente en urgence.

Antécédent de cancer cutané chez le receveur

La situation est moins restrictive que pour le donneur, car l'enjeu est souvent vital.
• Mélanome in situ : greffe possible sans délai particulier.
• Mélanome invasif : Le risque de récidive post-greffe varie de 0 à 19 %. Une cohorte française de 37 patients greffés après un mélanome montre un bon pronostic pour les formes in situ.

Recommandations internationales (2017–2021)
• Le seuil acceptable de survie à 5 ans après greffe a été fixé à 60 % (consensus international) ou 80 % (USA).
• Les délais d'attente avant greffe varient selon le stade du mélanome :
- Pour les stades 3A ou 3B, une greffe est envisageable sous certaines conditions.
- Les stades 3C, 3D ou 4 sont des contre-indications fortes, sauf cas exceptionnels.

Cancers cutanés en dehors du mélanome - le risque chez les receveurs

• Carcinomes basocellulaires : greffe autorisée.
• Carcinomes épidermoïdes : contre-indication à la greffe en cas de forme agressive ou métastatique.
• Sarcome de Kaposi et Carcinome de Merkel : risque accru en postgreffe. Décision au cas par cas selon le degré d'urgence.

Angèle LALLEMENT
Interne de dermatologie
à Montpellier
Présidente de la FDVF

Publié le 1759148302000