Actualités : La Maison Perchée

Publié le 28 mai 2024 à 10:42
Article paru dans la revue « AFFEP / Le Psy Déchaîné » / AFFEP N°33


maisonperchee.org

En 2019, nous créons les bases de La Maison Perchée. Nous sommes souvent au téléphone avec d'autres jeunes, des enfants d'amis de nos parents, ou des amis d'amis. Ce sont des personnes âgées de 18 et 40 ans à qui l'on a suggéré : «  Je connais quelqu'un avec qui ça pourrait te faire du bien de parler. Il a traversé les mêmes épreuves que toi. Il a déjà été hospitalisé. Aujourd'hui, il est sorti et il va mieux ».

Ces appels se font de plus en plus nombreux, et deviennent presque ingérables. Nous cherchons comment multiplier le nombre de personnes pouvant être «  cet ami  ». Nous trouvons autour de nous des ambassadeurs d'espoir, des jeunes adultes ayant avancé sur le chemin du rétablissement. Ce sont des sources d'inspiration, car ils ont persévéré malgré un parcours chaotique. Leurs accomplissements prennent plusieurs formes : fonder une famille, avoir une vie professionnelle riche, mener à bien une vie étudiante, se battre pour obtenir son propre logement, s'épanouir dans une passion.

Ils sont stabilisés depuis un certain temps et ont découvert le désir de redonner espoir à ceux qui en manquent. Ils s'engagent alors auprès de l'association.

De l'autre côté du téléphone, des jeunes s'engouffrent. Certains sentent la crise approcher, d'autres sont sortis de l'hôpital depuis peu. Ils doutent, ils ont peur et questionnent tout du monde autour d'eux : la psychiatrie, les médicaments, leur famille, leurs rêves, leur environnement. Ils se sentent terriblement seuls et isolés.

Nous appelons ces appels téléphoniques : des « nids ». Un cocon créé entre deux jeunes adultes vivant avec un trouble psychique, où celui qui est un peu plus proche de la lumière éclaire celui qui est dans l'ombre, en partageant son écoute et son expérience.

Quatre ans plus tard, après plus de 600 nids, le projet s'est bien développé. La Maison Perchée est devenue un espace virtuel et physique, une maison en ligne et à Paris, qui permet trois missions :

  • Se retrouver entre jeunes adultes vivant avec un trouble bipolaire, borderline ou schizophrène, au sein d'une communauté non médicalisée basée sur la pair-aidance et les principes du rétablissement en santé mentale ;
  • Offrir un espace de dialogue et d'information ouvert à tous, qui accueille des équipes soignantes locales, des élus, des passants, des proches, des amateurs de cappuccino, des membres de la communauté ;
  • Promouvoir des regards croisés qui ne se feraient nulle part ailleurs, entre les personnes concernées par un trouble psychique et les institutions médicales, et réfléchir ensemble à de nouvelles pratiques en psychiatrie.

Pour mener à bien ces missions nous avons créé un collectif de pair-aidants. Les pair-aidants s'engagent bénévolement dans l'association pour devenir écoutants de nids, animer un groupe de parole, offrir un témoignage dans le monde de l'entreprise, assurer l'accueil du café parisien, etc.

Mais qui sont-ils ? Ce sont ces mêmes jeunes qui sont venus à La Maison Perchée demander de l'aide pour un nid. Ils ont participé aux différentes activités et doucement ont entamé leur parcours de rétablissement. Un jour, ils se sont sentis prêts à redonner ce qu'ils avaient reçu.

Être prêt à s'engager lorsque l'on vit avec un trouble psychique constitue un véritable défi. Cela exige une présence assidue, une fiabilité à toute épreuve. Cela demande aussi de savoir anticiper et prévenir si l'on ne se sent pas bien. À La Maison Perchée, nous faisons

confiance aux pair-aidants en leur offrant la possibilité de prendre des responsabilités. Quand une personne est allée au bout de sa mission, c'est une grande victoire pour tout le monde.

Notre rôle, outre l'aspect opérationnel, consiste à fournir les outils nécessaires pour devenir pair-aidant. Parce que bien sûr, cela s'apprends. Nous n'offrons pas de formation diplômante à la pair-aidance, comme les licences et diplômes universitaires de Médiation en Santé Pair. Mais nous initions aux compétences nécessaires pour pratiquer la relation d'aide en psychiatrie (écoute active, entretien motivationnel, gestion de la contagion émotionnelle, formuler son savoir expérientiel…).

Les pair-aidants ici ne sont pas des professionnels et c'est cela qui est inspirant. Ce sont des personnes qui ont pris énormément de recul sur leur trouble, sur la gestion de leur vie quotidienne, et sur le milieu médical. Ils ont appris à se raconter, à écouter et à répondre aux questions et aux jugements avec bienveillance. Ils peuvent aussi rechuter, faire un pas de côté, être absents, ou être fatigués.

À La Maison Perchée, la pair-aidance peut devenir une vocation, mais c'est d'abord un tremplin dans son propre parcours de rétablissement. Servir pour se rétablir.

Avant d'être une pratique conceptualisée et enseignée, la pair-aidance c'est avant tout l'engagement à vouloir s'entraider entre êtres humains. Sur un pied d'égalité. La conviction que l'on peut tous passer de l'ombre à la lumière, de la lumière à l'ombre et qu'un regard ou une courte conversation peuvent avoir beaucoup d'impact.

Dans le cadre de l'hôpital, la pair-aidance peut être une invitation à… sortir de l'hôpital ? Aller prendre un café et rencontrer des personnes qui ne sont plus des patients. Sans blouse, sans verticalité, sans objectif de soin, peut-être juste celui de « prendre soin ». Prendre soin de sa propre humanité et de celle des autres. Car l'alliance thérapeutique se pratique aussi en dehors du champ médical, en faisant société.

Malgré les immenses difficultés des hôpitaux et du personnel soignant dûs au manque de budget et de temps, peut-être, y a t-il des endroits, des moments pour s'engager différemment. S'engager, en faisant le choix de ne pas laisser les préjugés ou la fatigue entacher la confiance dans la capacité d'autrui à écrire sa propre histoire. S'engager à préserver son humanité dans les moments difficiles. S'engager à ne jamais arrêter de travailler ensemble, de chercher du sens et des solutions.

Et pourquoi pas, juste, s'engager à prendre un café.

 

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