Incertitudes de la venue au Monde, mais naissance espérée du statut de praticien hospitalier en maïeutique

Publié le 11 Jan 2024 à 13:48

 

Les maternités sont par définition des établissements dans lesquels différentes spécialités médicales cohabitent et œuvrent ensemble autour d’une thématique commune : la santé des femmes et des enfants. Quotidiennement, sages-femmes, obstétriciens, pédiatres et anesthésistes travaillent ensemble, faisant appel si besoin à d’autres spécialités (endocrinologues, généticiens, cardiologues, chirurgiens-dentistes...). La cohésion entre ces spécialités médicales est fondamentale pour prendre en charge au mieux les patientes et leurs nouveau-nés, et surtout pour intervenir dans les plus brefs délais en cas d’urgence. Pour faciliter la communication et déterminer le degré d’urgence, des codes couleurs ont été créés pour les césariennes, le délai entre la décision et la naissance en dépend (1)

Dans ces circonstances, comme dans toute autre situation critique, l’intelligence collective a fait ses preuves depuis longtemps. 

Dans les maternités, les sages-femmes coordonnent les urgences gynécologiques et obstétricales, elles veillent et alertent en cas de pathologie, puis poursuivent la prise en charge en collaboration avec les médecins et autres intervenants. Bien que près de deux-tiers des maternités aient fermé en 50 ans, un rapport récent préconise encore la fermeture de dizaines d’établissements supplémentaires, afin de recentrer l’offre de soins sur de grands plateaux techniques (2).

Cette proposition a été faite sans prise en compte de l’avis des femmes, des sages-femmes et n’est dans les faits pas réaliste. Aujourd’hui, ni les routes, ni les services d’urgence, ni les transports sanitaires ne permettent d’éloigner encore des milliers de patientes des établissements, sans risque pour la sécurité périnatale. Comme les autres professionnels de l’hôpital, nous manquons de moyens. Les conditions de travail se dégradent, les mauvais résultats de notre pays en matière de périnatalité en témoignent (3).

Quotidiennement, nous devons nous adapter aux nouvelles demandes des patientes et aux recommandations scientifiques, prônant une moindre médicalisation, tout en assurant une qualité de soins digne de notre pays. Pour rappel, 80 % des grossesses et des accouchements se passent bien, pourtant l’immense majorité des publications concernent les pathologies gravidiques. La France, contrairement à beaucoup de nos voisins européens, continue à percevoir la grossesse comme une maladie jusqu’à preuve du contraire, jusqu’à ce que l’accouchement soit passé. 

Pour la profession de sages-femmes, certaines mesures réclamées de longue date et simples à mettre en place, pourraient facilement permettre un regain d’attractivité : des droits de formation concordants avec le caractère médical de notre profession (actuellement nous n’avons droit qu’à 20 heures de formation par an), des primes de nuit adéquates (une garde de nuit est payée 10 à 26 euros de plus qu’une journée), une valorisation des week-ends travaillés (12 heures le dimanche = 45 euros), une possibilité de cumuler l’activité clinique avec l’enseignement et/ou la recherche, un salaire adapté à nos responsabilités.

L’intelligence collective par essence, est la résultante de nos valeurs collectives de solidarité, d’égalité et de responsabilité, elle ne peut exclure aucun intervenant. À défaut, l’incertitude pourrait se transformer en désespoir pour nombre d’entre nous.

Tout ceci nécessite que nous accédions au même statut que les autres professions médicales, le statut de praticien hospitalier en maïeutique. Garant de l’indépendance professionnelle, il permettrait enfin une gouvernance des unités physiologiques par les professionnels dont c’est la spécialité.

Pour conclure, l’intelligence collective par essence, est la résultante de nos valeurs collectives de solidarité, d’égalité et de responsabilité, elle ne peut exclure aucun intervenant. À défaut, l’incertitude pourrait se transformer en désespoir pour nombre d’entre nous.

(1) Code rouge : 15 minutes, code orange : 30 minutes, code vert : 60 minutes. 
(2) Rapport Planification d’une politique en matière de périnatalité en France. https://www.academie-medecine.fr/wp-content/uploads/2023/03/RAPPORT-planification-de-la-pe%CC%81rinatalite%CC%81-.pdf 
(3) Enquête nationale périnatale 2021. https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2022/sante-publique-france-partenaire-de-la-6eedition-de-l-enquete-nationale-perinatale


Camille DUMORTIER
ONSSF

Article paru dans la revue « Le magazine de l’Intersyndicat National des Praticiens d’exercice Hospitalier et Hospitalo-Universitaire » / INPH N°27

 

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