
« La médecine personnalisée, en particulier dans le domaine de l'immunothérapie, représente l'un des plus grands progrès de la médecine moderne, offrant la possibilité de traiter les cancers de manière plus ciblée, plus efficace et avec moins d'effets secondaires » d'après James P. Allison, lauréat du prix Nobel de physiologie ou médecine en 2018, un des fondateurs de l'immunothérapie contre le cancer.
C'est dans cette ligne que s'inscrit MULTIR, projet de recherche européen multi-cancers ayant pour ambition la prédiction de la réponse à l'immunothérapie. Une belle promesse qui pourrait révolutionner la médecine de demain.
La genèse du projet multir au travers du parcours de Pr boussemart
Aujourd'hui oncodermatologue au CHU de Nantes, spécialisée dans le mélanome et coordinatrice comblée du projet européen MULTIR, Pr Lise BOUSSEMART a accepté de partager son expérience pour la deuxième édition de la Revue des Jeunes Dermatologues. Elle fait partie des pionniers de ce projet innovant.
C'est dans les hôpitaux parisiens puis à Villejuif en Centre de Lutte contre le Cancer à Gustave Roussy qu'elle a appris le métier en tant qu'interne et post-interne. Par la suite, elle exerce pendant 5 ans en tant que MCUPH au CHU de Rennes avant de devenir PU-PH au CHU de Nantes en 2020. Aux côtés de Pr Brigitte DRENO, elle codirige l'équipe de recherche INSERM. C'est à cette occasion que Pr BOUSSEMART a pu s'épanouir avec une liberté totale dans ses thématiques de recherche et notamment créer l'essai clinique HELIOPREDICT.
Qu'est-ce que cet essai clinique ? Financé par la région Pays de la Loire, HELIOPREDICT vise à créer par intelligence artificielle un algorithme prédictif de la réponse des cancers cutanés aux traitements systémiques. En effet, l'observation pratique de la dermatologie montre que plus l'héliodermie des patients est prononcée, plus la charge mutationnelle du cancer cutané est élevée. Or, bien que la charge mutationnelle soit déjà un biomarqueur prédictif reconnu de la réponse aux anti-PD-1, elle n'est pas accessible en pratique courante. HELIOPREDICT analyse donc la photographie de la peau péri-cicatricielle du cancer cutané afi n de prédire la réponse aux anti PD-1 versus thérapies ciblées.
L'appel à projet HORIZON 2020 Mission Cancers a, par la suite, propulsé cet algorithme sur le plan international grâce au projet MULTIR.
Un outil d'aide théranostique pour prédire la réponse à l'immunothérapie
L'ambition de prédire la réponse oncologique avant même l'initiation du traitement semble inatteignable. C'est pourtant l'espoir vers lequel tend le projet MULTIR.
Une sélection de 17 centres académiques et privés a été réalisée, impliqués sur 4 ans et dans 12 pays différents. Ils ont été recrutés sur leur expertise dans des domaines variés tels que l'immunothérapie des cancers, la génétique, la transcriptomique, la protéomique, l'intelligence artificielle, l'éthique, l'expérience-patient et la communication grand public. L'objectif commun est le développement d'un outil d'aide théranostique prédisant la réponse à l'immunothérapie des cancers fondé sur leur analyse moléculaire extensive et l'IA. Les cancers concernés actuellement sont le mélanome, le cancer bronchique et le cancer de vessie. L'extension du projet sur 4 ans a permis de déployer HELIOPREDICT dans de nombreux centres français, aussi bien dans des CHU, des CH que dans des CLCC, et de proposer, bien au-delà de la simple prise de photographie clinique, l'établissement de la « carte d'identité moléculaire » du cancer de chaque patient.
MULTIR analysera les données de milliers de tumeurs et une partie de ces données anonymisées sera mise à disposition en libre accès pour les chercheurs du monde entier.
Depuis quelques années, le domaine de l'oncologie dermatologique a connu de nombreuses révolutions. Le projet MULTIR représente encore une avancée majeure dans la personnalisation de l'immunothérapie, en combinant expertise multidisciplinaire et technologies de pointe telles que l'intelligence artificielle et l'analyse moléculaire.
« Si on m'avait dit, petite fille, qu'un jour je participerais à un projet visant à améliorer la prise en charge des cancers grâce à la formation d'un tel consortium international, je n'aurais pas rêvé plus beau. J'ai vraiment une chance inouïe de mener ce projet auquel je crois avec des alliés extraordinaires, un soutien financier public solide, sans oublier les dons de patients et de leurs familles qui permettent une souplesse indispensable aux imprévus inhérents à la recherche. »

Lise BOUSSEMART
PU-PH, Service de Dermatologie du CHU de Nantes,
Équipe INSERM INCIT UMR 1302, Nantes Université,
Institut de Dermatologie du Grand Ouest