
Une équipe du GHU Paris Saclay a inclus depuis maintenant plusieurs années l'utilisation de l'hypnoanalgésie dans leur pratique quotidienne. Ils nous expliquent le fonctionnement et l'intérêt.
Pouvez-vous nous expliquer ce qu'est l'hypnoanalgésie_?
L'hypnoanalgésie est l'utilisation de techniques d'hypnose pour soulager la douleur, en déplaçant l'attention du patient de la zone douloureuse.
L'état hypnotique est un état naturel de conscience modifiée, qui peut être induit par un soignant, et pendant lequel les perceptions sont modifiées. Le soignant crée une alliance avec le patient et fait appel à son imaginaire ainsi qu'à ses cinq sens pour détourner son attention des stimuli de l'environnement immédiat afin de soulager un symptôme. Cette technique est un outil complémentaire aux traitements existants, médicamenteux ou non.
Prenons un bref exemple : M. D, âgé de 86 ans et atteint d'une maladie à corps de Lewy, doit avoir un changement de sonde urinaire. Mais il est très agité, appréhende le soin, tient des propos persécutés et a des idées délirantes. En bougeant, il risque de déstabiliser le matériel utilisé. Il a déjà eu plusieurs infections urinaires suite à des changements de sondes qui s'étaient mal passés. En ayant recours à l'hypnoanalgésie, l'infirmière lui parle pendant le soin, détourne son attention de ce qu'elle est en train de faire et ne fait aucune allusion au soin en cours. Elle l'invite également à participer physiquement en croisant ses bras et en les maintenant croisés. Depuis lors, les sondages se font sans difficulté.
Qui peut se former à l'hypnoanalgésie?
Tous les soignants le peuvent. L'hypnoanalgésie peut être utilisée dans tous les domaines du soin : aussi bien par les aides-soignantes pour accompagner une toilette, par les infirmières ou médecins pour éviter une douleur provoquée par un soin, par un rééducateur pour lever une appréhension ou atténuer les douleurs liées à la rééducation, par des psychologues pour obtenir un état de relaxation et diminuer les angoisses…
La liste des possibilités est infinie !
Certains le pratiquent déjà sans le savoir et sans y avoir été formés.
Quel a été le parcours de formation au sein de votre hôpital_? Qui y participe_?
Un projet de pôle ayant pour but de développer la formation des paramédicaux à l'hypnoanalgésie dans les soins a été mis en place en 2019. Par la suite étendu à notre DMU (Département Médical Universitaire), ce projet a permis la formation de 149 professionnels, principalement infirmiers et aides-soignants, mais aussi de quelques médecins ou cadres de santé. Un institut de formation extérieur assure une formation initiale de 7 jours. Puis, en interne, une journée annuelle destinée aux professionnels formés est organisée pour échanger sur nos pratiques et continuer de progresser.
Les soignants sont nécessairement formés par binômes ou trinômes issus du même service de soins afin de faciliter la mise en pratique. En effet, le principal frein à l'utilisation de l'hypnose est l'appréhension de se lancer. Pourtant, les effets sont visibles très rapidement !
Sur quels domaines l'hypnoanalgésie apporte-elle un bénéfice?
Le retour des soignants utilisant l'hypnoanalgésie est unanime ! L'utilisation de cette technique permet de faciliter les soins, même chez les patients ayant des troubles cognitifs ou des troubles attentionnels.
La seule précaution d'emploi est de ne pas l'utiliser chez un patient psychotique grave, le délire en phase active empêche toute mise en relation et le travail à partir du monde interne s'en trouve empêché.
Dans les Unités de Soins de Longue Durée, ce qui prime est la réduction de la douleur ou de l'inconfort associé aux soins et la réduction de l'anxiété ou de l'appréhension d'un soin.
Cette technique est également très utile dans la communication avec le patient, pour calmer un patient agité, pour détourner l'attention d'une douleur chronique envahissante, pour induire une relaxation chez un patient ayant des troubles du sommeil ou de l'endormissement par exemple.
Il est également possible d'apprendre aux patients qui en ont besoin certaines techniques d'autohypnose, leur permettant ainsi de développer une autonomie vis-à-vis de cette pratique.
Comment intégrez-vous l'hypnoanalgésie dans les soins?
La première étape est d'utiliser une communication positive avec le patient et d'éviter certains mots chargés d'un double sens négatif (exemple : « je vais vous piquer », « accrochez-vous à la potence »). Cette modification de la communication devrait absolument être diffusée à tous nos collègues et être enseignée dès la formation initiale. Les soignants formés attachent donc une haute importance à la transmission de ces notions à leurs étudiants. Par ailleurs, l'utilisation systématique de la communication positive est aussi utile avec les entourages des patients, entre collègues ou dans nos vies personnelles.
Contrairement aux idées reçues, cela ne prend pas plus de temps qu'un soin classique. Aucun matériel ou temps supplémentaire n'est nécessaire. Un soignant peut même effectuer un soin seul tout en utilisant l'hypnoanalgésie, à condition d'être à l'aise avec la technique.
L'intérêt pour le patient est que le vécu du soin ne sera pas le même : il gardera en mémoire l'impression de bien-être. Le soin suivant s'en trouvera donc lui aussi facilité car la mémoire émotionnelle est bien présente même chez les patients âgés ayant des troubles cognitifs.
En résumé, l'hypnoanalgésie est un outil complémentaire et très bénéfique pour nos patients. Elle permet de soulager la douleur de manière naturelle, tout en offrant un accompagnement personnalisé, adapté aux besoins de chaque patient_: à utiliser sans modération_!
Pour l'Association des Jeunes Gériatres,
A. de THEZY(1), H. CHERIET(1), M NEISS(2), Médecins Gériatres
C. LESAGE(1) et K HADDOUI(1), Infirmières
C PERRUDIN(3), Cadre Supérieur de Santé
(1) Unité d'USLD, service de Médecine des Aînés, Hôpital Sainte-Périne GHU Paris-Saclay
(2) Unité de SMR, Service de gériatrie, Hôpital Paul-Brousse, GHU Paris-Saclay
(3) Gestion des moyens de remplacement paramédicaux, direction des soins et des activités paramédicales, Hôpital Ambroise-Paré, GHU Paris-Saclay

