
Dans les stades localement avancés et métastatiques, le traitement de première ligne quand une mutation de l'EGFR est mise en évidence repose sur l'osimertinib, inhibiteur de tyrosine kinase (TKI) de troisième génération. Cette pratique repose sur les résultats de l'étude FLAURA publiée en 2018 ayant évalué l'osimertinib versus le gefi tinib ou l'erlotinib (TKI de 1e génération). L'osimertinib améliorait la survie sans progression (18,9 mois vs 10,2 mois ; HR=0,46 [0,37-0,57] ; p< 0.001) et la survie globale (38,6 mois vs 31,8 mois ; HR=0,799 [0,64-0,96] ; p=0,0462) avec une meilleure efficacité sur les lésions cérébrales et un meilleur profil de tolérance (3).
Cependant, la majorité des patients présenteront une évolutivité tumorale avec un pronostic alors sombre. La question de l'intensification thérapeutique en 1ère ligne demeure en enjeu thérapeutique majeur. L'année passée a été marquée par les résultats très attendus d'études de phase 3 évaluant des combinaisons thérapeutiques en 1ère ligne. De nouvelles stratégies thérapeutiques sont également en développement pour les lignes ultérieures.
Première ligne thérapeutique
Deux études de phase 3 ont été récemment conduites en 1ère ligne chez les patients atteints d'un CBNPC localement avancé ou métastatique, avec une mutation commune de l'EGFR : FLAURA 2 et MARIPOSA.
Flaura 2 : étude de phase 3 randomisant osimertinib versus osimertinib
plus chimiothérapie (4)
L'étude FLAURA 2 est une étude contrôlée, randomisée, en ouvert, dont l'objectif était d'évaluer l'efficacité en 1ère ligne de l'association d'une chimiothérapie à l'osimertinib contre un traitement par osimertinib seul. Des métastases cérébrales pouvaient être présentes au diagnostic si celles-ci étaient neurologiquement stables (asymptomatiques ou stables à 2 semaines de l'arrêt de la corticothérapie). L'objectif principal était la survie sans progression (SSP) selon les investigateurs.
Les patients étaient randomisés entre de l'osimertinib 80mg en monothérapie, ou 4 cycles de chimiothérapie par platine-pémétrexed associée à l'osimertinib puis un entretien par pémétrexed et osimertinib.
De juin 2020 à décembre 2021, 550 patients ont été randomisés. Les groupes étaient comparables, avec 62 % de femmes, 37 % de patients avec un score OMS à 0, 64 % de patients d'origine asiatique, et 40 % de patients avec des métastases cérébrales au diagnostic.
Les données d'efficacité sur l'objectif principal ont été publiées dans le New England Journal of Medicine, après un suivi médian de 19,5 mois dans le bras osimertinib-chimiothérapie et 16,5 mois dans le bras osimertinib. La SSP était significativement plus longue dans le groupe osimertinib – chimiothérapie, évaluée à 25,5 mois versus 16,7 mois dans le groupe osimertinib seul (HR 0,62 [95% IC, 0.49- 0.79] ; p0,001
Cependant, la survenue d'eff ets indésirables de grade ≥3 était de 75 % dans le bras amivantamab-lazertinib versus 43 % dans le bras osimertinib. Il est rapporté la survenue plus fréquente d'évènements thromboemboliques dans le bras amivantamab-lazertinib (37 % vs. 9 %), nécessitant le recours à une anticoagulation préventive durant les 4 premiers mois de traitement. Les eff ets indésirables cutanéomuqueux étaient fréquents, parfois invalidants, avec 11-15 % des patients présentant des paronychies et/ou des rashs cutanés de grade 3. Des réactions à la perfusion, majoritairement grade 1-2, survenait dans 60 % des cas lors des premières injections. Les données préliminaires de survie globale, encore largement immatures, retrouvent un taux de survie à 24 mois à 74 % vs. 69 % dans le bras contrôle.
À ce jour, il n'y a pas d'accès en France à l'association amivantamab-lazertinib dans cette indication.
Quelles nouvelles strategies en 2ème ligne ?
Lorsqu'un patient progresse en cours de traitement par osimertinib, une nouvelle biopsie doit toujours être réalisée quand cela est possible, pour rechercher le mécanisme de résistance. Si celle-ci est non réalisable, une biopsie liquide peut être réalisée. Il est important de rappeler qu'environ 15 % des patients présenteront une transformation histologique. Actuellement, la stratégie de 2e ligne repose sur l'administration d'une chimiothérapie à base de sels de platines, possiblement associée à un traitement par anti-VEGF (bévacizumab). L'immunothérapie n'a pas de place chez ces patients. L'inclusion dans un essai thérapeutique doit toujours être envisagée, du fait de nombreuses thérapeutiques en développement.
L'amivantamab a également été évalué chez les patients en rechute après un traitement par osimertinib, il s'agit de l'étude MARIPOSA-2.
Mariposa-2 : étude de phase 3 évaluant l'ajout de l'amivantamab et d'un tki anti-egfr à la chimiothérapie (2)
L'étude de phase 3 MARIPOSA-2 a étudié l'ajout de l'amivantamab et du lazertinib à la chimiothérapie, après échec de l'osimertinib, chez les patients atteints d'un CBNPC avec mutation commune de l'EGFR. Un total de 657 patients a été randomisé dans 3 bras : doublet amivantamab-chimiothérapie (n=131), triplet amivantamab-lazertinib-chimiothérapie (n=263) et chimiothérapie seule (n=263). Devant des toxicités hématologiques limitantes, le protocole a été modifié dans le bras triplet afin que les patients ne reçoivent le lazertinib qu'une fois la chimiothérapie par carboplatine terminée. L'objectif principal était la SSP après relecture par un comité indépendant.
Figure 2 : Courbes de survie sans progression selon un comité indépendant,
adaptées de l'article de Passaro A. et al, Ann Oncol, 2024
Les premiers résultats ont été publiés récemment. Les médianes de SSP étaient de 8,2 mois [95% IC, 6,8-10,9] dans le bras amivantamab-chimiothérapie, 8,3 mois [95% IC, 7,1-9,9] dans le bras amivantamab-lazertinib-chimiothérapie et 4,2 mois [95% IC, 4-4,5] dans le bras chimiothérapie. En comparaison au bras chimiothérapie seule, les combinaisons de traitements permettent une amélioration significative de la SSP avec des HR à 0,41 [95% IC, 0,30-0,54] pour le bras doublet et 0,38 [95% IC, 0,30- 0,48] pour le bras triplet.
Les premiers résultats ont été publiés récemment. Les médianes de SSP étaient de 8,2 mois [95% IC, 6,8-10,9] dans le bras amivantamab-chimiothérapie, 8,3 mois [95% IC, 7,1-9,9] dans le bras amivantamab-lazertinib-chimiothérapie et 4,2 mois [95% IC, 4-4,5] dans le bras chimiothérapie. En comparaison au bras chimiothérapie seule, les combinaisons de traitements permettent une amélioration significative de la SSP avec des HR à 0,41 [95% IC, 0,30-0,54] pour le bras doublet et 0,38 [95% IC, 0,30- 0,48] pour le bras triplet.
Figure 2 : Courbes de survie sans progression selon un comité indépendant, adaptées
Concernant les critères de jugements secondaires, l'efficacité sur la SSP intracrânienne était également significative, à 12,8 mois dans le bras triplet, 12,5 mois dans le bras doublet versus 8,3 mois dans le bras chimiothérapie (HR à 0,58 et 0,55 respectivement). Le taux de réponse était également meilleur avec les combinaisons de traitements : 64 % avec le doublet, 63 % avec le triplet et 36 % avec la chimiothérapie. Ces premiers résultats font entrevoir de nouvelles stratégies thérapeutiques possibles, bien que ces combinaisons ne soient pas encore disponibles en France actuellement.
ConclusionDepuis la publication de l'étude FLAURA, tous les patients présentant un CBNPC localement avancé ou métastatique avec une mutation classique de l'EGFR recevaient de l'osimertinib en première ligne. L'ajout en 1ère ligne d'une chimiothérapie à base de sels de platine et de pémétrexed semble être une option prometteuse pour certains patients. En parallèle, l'arrivée d'un schéma sans chimiothérapie, associant l'amivantamab au lazertinib, se positionne comme une 3ème option. L'enjeu majeur réside dans la sélection des patients : chez qui intensifi er cette 1ère ligne thérapeutique ? Quel schéma choisir, entre FLAURA-2 et MARIPOSA ? L'identifi cation de biomarqueurs serait nécessaire. De plus, la gestion de la toxicité est en enjeu majeur pour le patient et sa qualité de vie, et va nécessiter un apprentissage des praticiens, notamment concernant l'amivantamab. L'actualisation des données sur la survie globale sera très attendue.
L'inclusion dans des essais thérapeutiques doit être privilégiée, en 1ère ligne et lors des lignes ultérieures. De nouvelles drogues sont en développement sur les lignes ultérieures, telles que les chimiothérapies couplées à un anticorps, ou les thérapies ciblées anti-MET.
Dr Angélique LECLERC
Docteur Junior,
Pneumologie
CH Saint Nazaire
Relecture
Dr Elvire PONS-TOSTIVINT
MCU PH, Oncologie médicale
CHU Nantes
Bibliographie

