Actualités : Témoignage d’une association paramédicale - L’ergothérapie au sein de l’équipe pluridisciplinaire du centre SLA

Publié le 11 août 2025 à 18:48
Article paru dans la revue « AJPO2 - La revue des jeunes pneumologues » / AJPO2 N°6

En France, la quasi-totalité des personnes atteintes de SLA est accompagnée par les 22 centres spécialisés appelés “centre SLA”, rattachés au CHU des métropoles. L'objectif principal de ces centres est d'anticiper la dégradation inéluctable de l'état de santé de la personne afin de lui offrir la meilleure qualité de vie, et de fin de vie, de participer à la recherche sur la pathologie ainsi que de former et faire le lien avec les acteurs de terrain qui accompagnent les patients au quotidien.

Dans le cadre des centres SLA, l'accompagnement en ergothérapie s'inscrit dans une démarche pluri et interdisciplinaire dans l'objectif de prendre en charge la personne dans sa globalité et sa singularité. Le rôle de l'ergothérapeute dans ce contexte va être de permettre à la personne de continuer à réaliser ses activités de vie quotidienne de la façon la plus autonome et le plus longtemps possible au travers de la mise en œuvre de plusieurs leviers d'action liés à l'optimisation de ses capacités, des modalités de réalisation de ses activités et de l'aménagement de son environnement. S'inscrivant également dans une perspective palliative, l'ergothérapeute va contribuer au maintien du confort de la personne tout au long de l'évolution de la pathologie.

Rôles et missions de l'ergothérapeute

L'ergothérapeute est un professionnel de santé qui fonde sa pratique sur le lien entre l'activité humaine et la santé (cf. Arrêté du 05 juillet 2010)1. L'objectif de l'ergothérapie est de maintenir, de restaurer et de permettre la réalisation des activités de vie quotidienne de manière sécurisée, autonome et efficace. L'ergothérapeute contribue ainsi à prévenir, réduire ou supprimer les situations de handicap, en tenant compte des capacités, des habitudes de vie et de l'environnement des bénéficiaires.

1. https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000022447668/

L'ergothérapeute s'adresse à tout public de la naissance à la fin de vie et met en œuvre, selon la situation et les besoins, les typologies d'actes suivants :

Rôles et missions de l'ergothérapeute

La SLA étant une pathologie incurable sans récupération possible des fonctions perdues, l'action de l'ergothérapeute va être ciblée sur les leviers de réadaptation. L'objectif principal est ainsi d'accompagner les pertes des différentes fonctions motrices, principalement par la mise en place de compensations (matérielles et humaines) et l'aménagement de l'environnement.

Dans ce but, l'ergothérapeute évalue la situation de handicap de la personne et ses répercussions sur son autonomie dans les activités de vie quotidienne en tenant compte du caractère évolutif de la maladie. Il s'appuie en cela sur les bilans cliniques réalisés par les autres professionnels de santé (neurologue, pneumologue, orthophoniste…) et réalise un entretien avec le patient et ses proches aidants en ciblant les capacités/incapacités dans les activités de vie quotidienne, l'environnement social, matériel, physique de la personne, ses habitudes de vie, ses attentes et ses besoins. Ce recueil de données peut être complété par des bilans spécifiques (positionnement, mobilité…).

L'évaluation ergothérapique est patient centré. L'ergothérapeute guide la personne dans l'évaluation de sa situation. Cette démarche est particulièrement adaptée dans le cadre de la SLA car la mise en place progressive des aides techniques de compensation (fauteuil roulant, aide technique aux transferts…) est souvent perçue comme un marqueur de l'évolution de la pathologie et du handicap. Cette évolution est donc souvent psychologiquement difficile à accepter pour la personne. En rendant celle-ci actrice de l'identification de ses problématiques et de la définition du plan d'intervention, la démarche ergothérapique facilite la mise en place des compensations, perçue alors comme levier d'action et de résolution de problème.

Dans l'idéal et dans la mesure du possible, l'évaluation ergothérapique est réalisée in situ (au domicile et/ou sur le lieu d'activité professionnelle). Elle se base sur des mises en situation de vie quotidienne. Ces analyses d'activité permettent à l'ergothérapeute d'identifier les composantes sur lesquelles il est nécessaire d'agir (capa- cités, environnement, matériel) afin de permettre le maintien de l'autonomie dans les activités priorisées par la personne. Ces mises en situation in situ permettent également de réaliser un état des lieux de  l'aménagement des lieux de vie (espace de vie ou de travail non adapté), des ressources humaines disponibles ou susceptibles de l'être (aidants familiaux, auxiliaires de vie, aides ménagères, IDE…) et des besoins non couverts.

Cette analyse croisée va permettre la coconstruction du plan d'intervention, basé sur le principe « SMART »2 et les quatre typologies d'actes citées plus haut.

Généralités sur l'accompagnement ergothérapique auprès des patients atteints de SLA

Les objectifs en ergothérapie pour l'accompagnement des personnes présentant une SLA sont fixés en concertation avec les médecins et l'équipe pluridisciplinaire. Ils concernent la compensation des pertes d'autonomie dans les activités de vie quotidienne et surtout leur anticipation. Dans ce contexte, les enjeux de la réadaptation sont le plus souvent centrés autour des objectifs suivants :

La mise en place d'aides techniques3 et technologiques4 de compensation pour les activités de vie quotidienne : les préconisations d'aides techniques et technologiques sont formulées sous forme de cahier des charges indiquant les spécificités techniques du matériel requis. Les essais sont conduits par l'ergothérapeute en lien avec la personne et ses aidants et le distributeur des solutions5. Ils permettent de valider l'adéquation du produit aux besoins de la personne avant que l'ergothérapeute établisse la prescription ou la fasse établir par le neurologue ou le MPR lorsqu'une validation médicale est requise.

Les préconisations d'aménagement de l'environnement et aides humaines. À la suite de l'évaluation du domicile que l'ergothérapeute peut être amené à réaliser, il rédige des préconisations d'aménagements circonstanciés et des suggestions de modifications du bâti (avec plans et mesures). Il est également amené à quantifier et qualifier les besoins en aide humaine. Ces préconisations sont communiquées aux différents acteurs permettant leur mise en œuvre : assistante sociale, artisans et financeurs (MDPH, ANAH…).

La prévention par la formation aux gestes et postures (notamment pour les transferts, les déplacements, le positionnement au fauteuil et au lit) et la prévention des chutes.

Le lien, l'information et la formation des aidants (familiaux et/ou prestataires) et des partenaires de proximité sur les conséquences de la pathologie sur le fonctionnement de la personne et l'impact sur les activités de vie quotidienne (services de soins à domicile, ESMS, SMR, MAS, EMER, revendeurs de matériel médical, distributeurs de solution de Communication Alternative et Améliorée (CAA), artisans qualifiés…).

Toutes ces actions concourent à permettre le maintien à domicile de la personne (projet de vie de la majorité des patients SLA) et à éviter des hospitalisations liées à l'inadaptation des conditions de vie à domicile.

2. Spécifiques, mesurables, atteignables, réalistes et temporellement définis.

3. Définition du code de l'action sociale et des familles (art.D245-10) : « Les aides techniques sont tout instrument, équipement ou système technique adapté ou spécialement conçu pour compenser une limitation d'activité rencontrée par une personne du fait de son handicap, acquis ou loué par la personne handicapée pour son usage personnel, y compris pour répondre à un besoin lié à l'exercice de la parentalité. ».

4. Domotique, outil de communication alternative et améliorée (CAA) et électronique de fauteuils roulants électriques pour contrôle d'environnement et modes de conduite spéciaux lorsque l'utilisation du joystick n'est plus possible…

5. La prise en charge financière d'un fauteuil roulant électrique par la sécurité sociale est assurée après réalisation d'un essai préalable effectué par une équipe pluridisciplinaire constituée au minimum d'un médecin de médecine physique et de réadaptation aidé d'un ergothérapeute et après fourniture d'un certificat de ce médecin attestant l'adéquation du fauteuil au handicap du patient.

Intérêts de l'accompagnement ergothérapique des patients SLA avec atteinte respiratoire

À l'apparition des signes d'atteinte respiratoire, en complément de la mise en place de la VNI par les pneumologues, il accompagne le patient dans l'adaptation de ses activités du quotidien afin de promouvoir une meilleure gestion de la fatigue engendrée par la dyspnée (modification de l'intensité ou de la nature de l'activité, mise en place d'aides techniques et humaines…). Cet accompagnement au changement des habitudes de vie en vue et des modalités de réalisation des activités est essentiel dans le maintien de la qualité de vie de la personne.

L'ergothérapeute travaille également à optimiser le positionnement assis et allongé du patient. L'évolution de la pathologie tendant en effet vers une atteinte de la tonicité axiale, cela génère un enroulement du tronc et une chute de tête en position assise. Ce trouble postural, sans être la cause de l'atteinte respiratoire, en aggrave la symptomatologie par la diminution de l'ampliation thoracique. Suite à l'évaluation posturale6, l'ergothérapeute propose ainsi des aides techniques à la posture (mesures spécifiques et options de fauteuils, coussins, dossiers et appui-tête spécifiques). Il peut également proposer des positionnements adaptés pour le lit : lit médicalisé avec relève buste électrique pour l'orthopnée, coussins de positionnement et/ou réalisation d'orthèse de nuit par un orthoprothésiste.

L'ergothérapeute permet également la mise en place d'outils de communication alternative et amélioré (CAA) indispensables au regard de la perte progressive des capacités de communication orale et en cas de pose de trachéotomie7. La mise en place d'un outil de communication permet à la personne l'expression de ses directives anticipées (souhait de mise en place de VNI et trachéotomie ou non sur le plan respiratoire). La mise en place d'un logiciel de synthèse vocale sur tablette à commande oculaire s'avère être un outil particulièrement adapté, permettant aux personnes de pouvoir contrôler un environnement informatique grâce aux mouvements des yeux (mouvements conservés le plus longtemps dans cette pathologie) pour : communiquer en direct ou à distance (sms, WhatsApp, mails…), gérer des activités numériques, son budget, rédiger et/ou réviser ses directives anticipées, etc. À titre d'exemples, au centre SLA de Toulouse, la mise en place de ce type d'outil par l'ergothérapeute a permis à des patients présentant des tétraplégies complètes et trachéotomie de maintenir l'aide et la gestion des devoirs des enfants et de perpétuer leurs activités privilégiées (peinture par l'utilisation d'un logiciel adapté, arbitrage de rugby).

Conclusion

L'accompagnement des personnes atteintes de SLA s'inscrit, dès le diagnostic, dans une démarche palliative. L'objectif de l'ergothérapeute, outre le maintien de l'autonomie, est donc axé sur le confort et la qualité de vie de la personne jusqu'à la fin de vie. Ainsi, il est impératif pour l'ergothérapeute de proposer des interventions réactives et lucides prenant en compte la rapidité d'évolution de cette pathologie, les limites financières et les délais d'attribution des dispositifs (comme les fauteuils roulants électriques ou nouvelles technologies). Certains arbitrages sont à réaliser (par exemple pour certaines options des fauteuils roulants électriques qui ne sont pas prises en charge financièrement : électronique évolutive, appui-têtes spécifiques, etc.) et nécessite de bien prendre en considération le contexte de vie global du patient et ses priorités.

L'anticipation des problématiques de réalisation des activités de vie quotidienne est primordiale. Face à l'impact psychologique fort de cette pathologie (incurabilité, situations de handicap extrême, rapidité d'évolution) sur la personne et ses aidants, l'ergothérapeute, par ses méthodes d'intervention plaçant la personne (et son entourage) au cœur de la résolution de ses problématiques, et par la maîtrise des compensations techniques et technologiques, permet le maintien de la participation (réalisation d'activités signifiantes) et de qualité de vie (du patient et de ses aidants) jusqu'à la fin de vie.

À ce titre, l'ergothérapie s'inscrit dans une démarche d'accompagnement pluridisciplinaire dont l'intérêt à été prouvé et recommandé par la Filière de Santé maladies rares Sclérose Latérale Amyotrophique et maladies du neurone moteur (FILSLAN) via le Protocole National de Diagnostic et de Soins (PNDS) qui stipule que la prise en charge en ergothérapie est « indispensable ».

6. Evaluation des troubles posturaux à l'aide de la Mesure du Contrôle Postural Assis de l'Adulte (MCPAA)

7. La nécessité d'une ventilation continue ne permet pas la mise en place d'une canule parlante faisant perdre totalement les capacités de communication orale.

Karine ABELE
Ergothérapeute DE, 
Centre SLA CHU Toulouse Purpan Hôpital Pierre
Paul Riquet Pôle Neurosciences

Fanny SOUM-POUYALET
Docteure en anthropologie sociale,ergothérapeute DE,
Directrice stratégique de l'Association
Nationale Française des Ergothérapeutes (ANFE),
Paris

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