La télésurveillance des patients avec un cancer fait l’objet de travaux depuis plus de 10 ans. Elle a pour ambition d’améliorer la prise en charge en permettant une détection précoce de symptômes déclarés par le patient pour une prise en charge optimale. Les outils numériques type ePROMS (electronic patient’s reported outcomes measures) sont les outils de choix pour permettre la transmission des symptômes du patient à l’équipe de soin avec déclenchement d’alertes si certains critères de sévérité ou d’évolutivité des symptômes sont réunis au travers d’algorithmes.
Elle a fait l’objet de 8 études randomisées positives avec, selon les études, un bénéfice sur la qualité de vie, la satisfaction des patients, l’amélioration des symptômes, la dose-intensité de traitement, la réduction des hospitalisations et la survie chez des patients en cours de traitement et/ou en situation de cancers avancés. Ces principales indications sont la gestion des effets secondaires des traitements, l’optimisation des soins de support, l’aide à la détection de rechute ou de complications en phase post-thérapeutique et l’optimisation des soins palliatifs. L’organisation des établissements est un élément déterminant et requiert notamment la présence d’infirmière de coordination pour la gestion des alertes et un temps médical dédié.
Plus d’une vingtaine de logiciels sont disponibles et des critères de qualité, sécurité et de fonctionnalité ont été élaborés au travers de recommandations de l’European Society of Medical Oncology (ESMO).
Mots clé : ePROMs, télésurveillance, parcours de soins.
Take home message
La télésurveillance a montré son intérêt pour les patients avec un cancer avancé et/ou en phase de traitement quel que soit le primitif et le traitement et en phase de surveillance.
Le logiciel utilisé devrait être un dispositif médical classe 2a, permettant de suivre tous les cancers, tous les traitements, avec des algorithmes validés, à jour des stratégies thérapeu-tiques et non modifiables par le médecin, avec des questionnaires patients validés.
Elle n’a de sens qu’avec une organisation spécifique de l’établissement et nécessite des ressources dédiées telles qu’une infirmière de coordination et un temps médical de gestion des alertes.
Des actes de télésurveillance doivent être créés pour financer les nouvelles organisations et permettre l’usage de ces outils à grande échelle.
L’Institut National du Cancer propose dans sa stratégie décennale 2021-2030 l’accès de la télésurveillance à tous les patients éligibles et les premières recommandations internatio-nales ont été publiées en avril 2022 par l’ESMO.
Principes de fonctionnement
La télésurveillance est un des domaines de la télémédecine. Les autres domaines sont la télé-consultation, la télé-expertise, la télé-assistance et la régulation médicale et ne seront pas abordés ici. Elle repose sur les PROs (patient’s reported outcomes) définis par tout rapport sur l’état de santé d’un patient qui provient directement du patient sans interprétation de la réponse du patient par un clinicien ou toute autre personne.
Le principe repose donc sur la déclaration par le patient lui-même de ses symptômes au travers d’applications digitales via des questionnaires qu’il reçoit à intervalle régulier par SMS ou email ou via des robots téléphoniques vocaux qui « mesurent » ses symptômes et sont appelés des « electronic patient reported outcome mea-sures » ou ePROMs. Les données sont en général analysées et filtrées par des algorithmes qui analysent les symptômes selon diff érents critères comme la sévérité, l’évolution ou l’association de symptômes entre eux et déclenchent une alerte vers l’équipe médicale qui prendra contact directement avec le patient et l’orientera si besoin vers une consultation, des examens complémentaires ou des prescriptions spécifiques. (1) Figure 1
Figure 1. Principe de la télésurveillance par ePROMs.
Historique de la télésurveillance en oncologie
Les ePROMS ont été créés par deux voies de recherche indépendantes qui ont fini par converger.
La première était issue d’une volonté d’améliorer la prise en charge des symptômes de patients induits par la chimiothérapie habituellement sous-déclarer par les patients et souvent sous-estimés par les médecins (2, 3, 4, 5).
La télésurveillance par ePROMs telle qu’elle se développe aujourd’hui a fait l’objet de la première étude randomisée publiée en 2016. Nous reviendrons en détail sur les études cliniques dans le chapitre suivant.
La seconde approche est issue d’une analyse mathématique de la dynamique tumorale et de la relation hôte-tumeur avec la démonstration du caractère peu prévisible de l’évolution de la maladie liée à la sensibilité aux conditions initiales (ou eff et papillon) caractéristique des systèmesdynamiques régis par la théorie du Chaos (6,7). Cette théorie déterministe indique qu’une faible variation dans un des paramètres du système peut aboutir à des évolutions très différentes, rendant l’évolution imprévisible à long terme. Les travaux ont montré que l’hôte (le patient et donc ses symptômes) était une variable riche en informations sur la dynamique globale et l’idée de s’intéresser à la dynamique des symptômes accompagnant une rechute s’est avéré pertinent cliniquement, permettant de montrer que des signaux faibles issus de ces symptômes suivis régulièrement pouvaient être détectables 6 à 8 semaines avant le diagnostic de récidive de cancer du poumon à l’imagerie systématique (8-10).
Les 2 approches de télésurveillance des symptômes par ePROMs pendant et après traitement de cancer ont depuis fait l’objet de plusieurs études cliniques.
Études cliniques
- Études de suivis intensifs (avec ou sans ePROMs)
Plusieurs études prospectives randomisées se sont intéressées à l’intérêt d’un suivi « intensif » de patients avec un cancer et ont montré un bénéfice en survie globale avec ou sans ePROMs.(Tableau 1).