Actualités : Retour sur les JASFGG 2024

Publié le 28 mai 2025 à 09:25
Article paru dans la revue « AJG / La Gazette du jeune gériatre » / AJG N°38

Du 25 au 27 novembre 2024, avaient lieu à Paris les 44e journées annuelles de la Société Française de Gériatrie et Gérontologie. Voici les résumés d'une sélection de sessions, par un groupe d'internes et un jeune gériatre bordelais !

Immunothérapie dans la maladie d'Alzheimer :

recommandations FCM/SFGG en pratique

En introduction, le Pr SOTO MARTIN (Toulouse) nous a annoncé que l'agence européenne du médicament est revenue sur sa décision et recommande d'accorder une AMM au Lecanemab dans le traitement de la maladie d'Alzheimer (MA) à un stade débutant.

Le Dr DELRIEU (Toulouse) nous a présenté les recommandations émises par la fédération des centres mémoires (FCM) pour l'utilisation du Lecanemab dans la MA. Ils préconisent une utilisation chez les patients atteints de troubles neurocognitifs (TNC) mineurs ou majeurs d'intensité légère (MMSE supérieur à 22), de réaliser systématiquement une ponction lombaire pour la recherche des biomarqueurs ainsi qu'un génotypage ApoE. Ils déconseillent d'utiliser le Lecanemab chez les patients homozygotes ApoE4 ou traités par anticoagulant ou présentant des lésions vasculaires à l'imagerie cérébrale.

Le Pr LILAMAND (Paris) a réalisé un focus sur les patients âgés atteints d'une MA : les patients âgés et très âgés atteints de MA sont et seront de plus en plus nombreux. Dans les essais cliniques, le Lecanemab n'est pas moins efficace chez le sujet âgé même si nous manquons de données de vie réelle.

Le Dr VILLAIN (Paris) nous a ensuite expliqué comment gérer les Amyloid-related imaging abnormalities (ARIA) en pratique. Elles représentent l'effet indésirable principal des immunothérapies. Elles sont le plus souvent asymptomatiques mais 1 % d'entre elles sont sévères (confusion, convulsion, troubles de la vigilance, pouvant entraîner des séquelles à long terme voire le décès). Leur incidence est maximale entre le 3e et le 12e mois de traitement. La FCM recommande la réalisation d'une IRM avant la 3e, la 5e, la 7e, la 14e et la 27e perfusion.

Enfin, le Pr SACCO (Nice) a traité du parcours de soin des patients âgés, et notamment tous les défis qui nous attendent du diagnostic jusqu'au suivi des patients.

Prise en charge des symptômes psycho-comportementaux des maladies neurocognitives : nouvelles recommandations nationales

Le Pr Maria SOTO (Toulouse) a rappelé l'ampleur du travail accompli pour l'élaboration des nouvelles recommandations, publiées le 21 septembre 2024 (Journée mondiale de la maladie d'Alzheimer !). Les symptômes psycho-comportementaux (SPC) sont fréquents dans les maladies neuro-cognitives (Alzheimer, Parkinson, Corps de Lewy), impactant la qualité de vie des patients et des aidants. Leur évaluation repose sur des outils comme l'Inventaire Neuropsychiatrique (NPI) et l'échelle Cohen-Mansfield (CMAI). Les SPC les plus fréquents sont l'apathie (49 %), la dépression (42 %) et l'agitation (40 %).

Les interventions non médicamenteuses restent la première ligne thérapeutique : musicothérapie, activité physique adaptée (réduction de l'agitation), thérapies multisensorielles (stimulation cognitive) et surtout la formation des aidants, démontrée plus efficace que les psychotropes.

En deuxième intention, les traitements pharmacologiques sont utilisés avec prudence. Pour l'agressivité, les antipsychotiques atypiques sont recommandés : Aripiprazole (meilleure tolérance), Risperidone (seul ayant l'AMM dans la maladie d'Alzheimer), Olanzapine (en dernier recours) et Quétiapine. Les ISRS (Citalopram, Escitalopram) sont privilégiés pour l'agitation anxieuse, avec des benzodiazépines en complément si nécessaire. En cas d'échec, la Sertraline ou un antipsychotique atypique peuvent être envisagés. L'acide valproïque et la gabapentine sont utilisés pour la déambulation sévère.

Le Dr Pascal SAIDLITZ (Toulouse) a abordé la gestion des crises comportementales, en insistant sur l'approche non médicamenteuse. En cas de crise sévère, les benzodiazépines (Midazolam : demi-vie la plus courte, Lorazépam) sont à privilégier, le Diazépam étant à éviter. Certains antipsychotiques (Risperidone, Loxapine, Halopéridol) peuvent être utilisés en cas d'échec et la Clozapine et la Quétiapine peuvent être utilisés par extension dans les cas de trouble du comportement majeur.

Enfin, le Pr Frédéric Blanc (Strasbourg) a détaillé la prise en charge des symptômes de la maladie à Corps de Lewy et apparentés : réduction des agonistes dopaminergiques, recours au Donépézil, Rivastigmine ou Clozapine pour la prise en charge des hallucinations et des délires. En cas de troubles du sommeil paradoxal, la mélatonine à libération immédiate ou le Clonazépam sont indiqués. Pour la dépression, la Sertraline ou la Venlafaxine sont recommandées, tandis que la catatonie répond au Lorazépam.

Insuffisance cardiaque en gériatrie, enjeux diagnostiques et traitements

Les Dr Amaury Broussier (Paris) et Anne Sophie Boureau (Nantes), ont ensuite fait un point sur les traitements de l'IC chez le sujet âgé.

Dans l'IC à FEVG préservée, ils nous ont rappelé l'importance des inhibiteurs du SGLT2 qui préviennent les réhospitalisations des plus de 75 ans. Un mot a été dit sur la finerenone, mais pour le moment on dispose de trop peu de données chez les sujets âgés.

Concernant l'IC à FEVG réduite, ils nous ont rappelé l'importance de la titration progressive à dose maximale tolérée des « 4 fantastiques » à un mois de l'événement cardiaque (bisoprolol, spironolactone, inhibiteurs de SGLT2 et IEC/sartan ou sacubitril-valsartan). La tolérance est toujours à rechercher, notamment tensionnelle, avec une nécessité de réaliser une décroissance des posologies des traitements si la systolique est inférieur à 100-110 mmHg.

Puis les Dr Cécile Bernard (Marseille) et Emmanuelle Berthelot (Paris) nous ont parlé d'IC et soins palliatifs. Il a été mis en lumière que trop peu de patients insuffisants cardiaques ont accès aux soins palliatifs et sont au courant que leur pathologie est grave. Il est donc important de communiquer entre spécialités, avec les patients et familles, intégrer les soins palliatifs dans l'IC du sujet âgé, et ne pas hésiter à les contacter dès que les hospitalisations viennent à se répéter ou que les symptômes deviennent réfractaires aux traitements, pour aider à établir le projet de fin de vie.

Néphro-gériatrie – Maladies rénales et cardiaques : liaisons dangereuses

En introduction, la Dr Marion Pépin (Paris) a rappelé la difficulté que représente l'évaluation clinique de la volémie en gériatrie. Elle a donc mentionné l'existence d'outils paracliniques pouvant aider le clinicien dans sa démarche, et notamment l'arrivée de l'échoscopie pleuro-pulmonaire, qui semble prometteuse, pour l'évaluation de la congestion pulmonaire. Avec pour avantages la rapidité de formation pour les cliniciens, la rapidité de réalisation au lit du malade (de l'ordre de 3-4 minutes !), et l'amélioration du délai diagnostique et ainsi la rapidité de prise en charge. Il manque encore des essais pour établir l'impact que l'échoscopie a réellement en pratique sur des critères comme la mortalité et la durée d'hospitalisation.

Le Dr Cédric Villain (Caen) a ensuite fait un état des lieux sur l'anticoagulation en situation de maladie rénale chronique (MRC) sévère à terminale, rappelant la fréquence de cette situation chez nos patients ainsi que celle des événements cardio-vasculaires liés. Il a cité les dernières recommandations américaines des sociétés savantes faisant évoluer les seuils-limites de débit de filtration glomérulaire (DFG) permettant l'utilisation (à posologie adaptée) des anticoagulants oraux directs avec un DFG < 30 ml/min, en faisant un choix “raisonnable” dans l'anticoagulation de ces patients. D'autres essais sont en cours de réalisation, visant à valider leur utilisation pour les DFG inférieur à 15 ml/min.

Pour terminer, le Dr Nans Florens (Strasbourg) a traité des syndromes cardio-rénaux, rappelant que les deux organes partagent des similitudes physiopathologiques (mécanismes inflammatoires, dysfonctionnement endothélial, …) résultant de facteurs de risque communs (hypertension, diabète, sédentarité, …), et des traitements concordants (inhibiteurs du SGLT2, du système rénine-angiotensine-aldostérone, …). De ce fait, chaque épisode de décompensation aiguë d'un des deux organes, doit nous faire évoquer un potentiel impact chronique sur l'autre.

Intelligence artificielle – Quels enjeux pour la gériatrie ?

En introduction, le Pr Jean-Baptiste Beuscart (Lille) a rappelé quelques définitions pour ne pas confondre : big data (quand le nombre de variables multiplié par le nombre d'individus étudiés est supérieur à 10 millions), réutilisation de données (faire des statistiques sur beaucoup d'individus, mais avec peu de variables) et intelligence artificielle (IA). Cette dernière est définie comme « la recherche sur les moyens de doter les systèmes informatiques de capacités intellectuelles comparables à celles des êtres humains, ou de les imiter. Mais il a rappelé que : « le gazon artificiel, c'est pas du gazon ! ». Il a ainsi décrit plusieurs écueils, dont le fait que tout système, même très perfectionné, donnera toujours des résultats de mauvaise qualité si on lui fournit des données de mauvaise qualité (« garbage in, garbage out ! »). Il a également évoqué les enjeux éthiques, de responsabilité et de sens critique des utilisateurs : quand elle n'est pas contrôlée, l'IA attaque systématiquement les droits fondamentaux humains. Rappelons aussi son impact environnemental massif, qui devrait inciter à une utilisation raisonnée.

Charlotte Havreng-Thery (Paris) a ensuite décrit l'apport des méthodes de machine learning pour la médecine préventive en gériatrie, en citant par exemple une étude de prédiction de la progression de la maladie d'Alzheimer par analyse du langage (Amini et al, Alzheimer's and Dementia 2024).

Enfin le Pr Joel Belmin (Paris) a traité des défis de l'IA générative pour la rédaction de documents scientifiques, et sa supervision. Actuellement, les étudiants utilisent l'IA pour la rédaction de leurs documents (mémoires, etc.) dans plus de 50 % des cas (Enquête Compilatio 2023). Ceci pose des questions fondamentales autour de la potentielle réduction de l'esprit critique et des capacités rédactionnelles, avec un risque jugé fort pour les étudiants et jeunes professionnels. Et nécessite une prise de conscience et une formation spécifique de leurs encadrants.

 

Oriane ACKAH-MIEZAN, Claire CORBINEAU, Adélaïde COTHENET,
Chloé ETCHEGOYEN, Florent GUERVILLE, Nicolas LAMARQUE,
Apolline MANSEAU & Marie POUSSEAU
Pôle de Gérontologie Clinique, CHU de Bordeaux

Publié le 1748417147000