
La session a débuté par une présentation du Dr Aubertain-Leheudre, directrice du laboratoire de la fonction musculaire de Montréal puis une table ronde avec le Dr Aubertain-Leheudre, le Pr Laurent Bosquet, directeur du laboratoire MOVE à la faculté des sciences du sport de Poitiers, le Dr Laurent Malisoux, chef du service de recherche Activités physiques, Sport et Santé de Luxembourg et Thomas Chassin, coordinateur Sport Santé dans la Vienne.
Il a été rappelé que le cancer, et notamment la cachexie induite, de même que les traitements qui en découlent sont responsables d'une perte de masse maigre. Il est prouvé que ce déclin de masse musculaire précipite le décès. En effet, il existe un cercle vicieux où l'asthénie induit une sédentarité, responsable d'un déconditionnement physique, lui-même à l'origine d'une atrophie musculaire qui induira au moindre effort une fatigue.
L'activité physique adaptée permet de diminuer la fatigue et d'améliorer la survie (même sans diagnostic de cancer).
La table ronde a permis d'aborder le sujet de la lutte contre la sédentarité avec une 1ère étape qui consiste à réapprendre à bouger, le mieux étant de répéter des activités de faible intensité plusieurs fois dans la journée lors de la reprise. Selon l'OMS « chaque pas compte ».
Il faut noter que pour un réel bénéfice des séances d'APA en pré-traitement oncologique, il faut en réaliser au moins les 80 % recommandées, le tout étant médié par l'adhésion que les patients ont au programme.
Pour cela, on peut avoir recours à de la télé-préhabilitation, qui est un moyen acceptable et réalisable pour motiver et réaliser un suivi des patients, favorisant ainsi leur récupération fonctionnelle.
En per-traitement oncologique, les séances d'APA sont réalisables, permettant un maintien de la santé physique ainsi qu'une amélioration de la force musculaire et de la qualité de vie. L'APA pendant la chimiothérapie permet de diminuer les effets indésirables liés au traitement de même que la fatigue.
En post-traitement, l'APA limite le déclin fonctionnel, surtout à 1 an.
Les facteurs facilitant l'activité physique sont la motivation intrinsèque, le soutien social, l'utilisation d'objectifs conçus et personnalisés. Les facteurs limitants sont le mauvais état de santé, les conditions météorologiques défavorables et le manque de soutien émotionnel. Il a été créé au Canada un outil pour établir un programme adapté aux patients qui s'intitule CREATE. À noter que le sport santé n'est toujours pas pris en charge par la CPAM mais que davantage de mutuelles acceptent de le prendre en charge sur un temps limité.
L'APA se fait sur prescription médicale, via divers dispositifs : PEPS en Nouvelle-Aquitaine. Après un premier entretien et un bilan complet composé de divers tests, le patient est ensuite orienté sur le territoire vers la structure la plus adaptée, et bénéficie d'un suivi présentiel à 1 an et téléphonique à 2 ans.
Actualités en hématologie lymphoïde chez le sujet âgé
Le protocole de traitement du myélome le plus courant en 1ère ligne est l'association Lenalidomide +
Dexaméthasone + Daratumumab. Pour discuter l'introduction d'un traitement chez le sujet âgé, on utilise le score de l'IFM se basant sur l'âge, l'ECOG et le score de Charlson. Il semblerait que quelle que soit la présence ou non d'une fragilité, il y a toujours un
bénéfice à administrer le Daratumumab seul (Lenalidomide étant moins bien toléré, ne pas administrer la Dexaméthasone peut permettre d'au moins limiter une partie des effets indésirables et donc d'améliorer en partie la qualité de vie). Une autre ligne de traitement par Isatuximab (anti-CD38) + Bortezomib peut se discuter, tout comme l'association Isatuximab + Lenalidomide + Dexaméthasone. Le problème du Bortezomib est la nécessité d'une administration toutes les semaines.
Enfin, l'ajout d'un anticorps bi-spécifique semble difficilement envisageable chez la personne âgée en raison d'effets indésirables importants.
Concernant la leucémie lymphoïde chronique (LLC), il a été rappelé que les principaux marqueurs pronostiques sont la classification de Binet, le statut IGHV muté, la présence d'une anomalie de TP53 et la présence d'un caryotype hypercomplexe avec plus de 5 anomalies. Les patients symptomatiques le sont sur une insuffisance médullaire progressive, une splénomégalie volumineuse ou progressive ou symptomatique, des adénopathies volumineuses (au moins 10cm) ou progressives ou symptomatiques, une progression de la lymphocytose avec augmentation de plus de 50 % sur 2 mois ou temps de doublement inférieur à 6 mois (avec lymphocytes supérieure 30G/L), une cytopénie auto-immune ne répondant pas aux corticoïdes, des signes généraux.
Dans tous les cas, il pourra se discuter l'introduction d'un inhibiteur des BTK (IBTK) dont la première génération est représentée par l'Ibrutinib (effets indésirables : Fibrillation atriale, HTA, saignements, diarrhées, arthro-myalgies), et dont la seconde génération est représentée par l'Acalabrutinib (EI : céphalées mais moins de FA et d'HTA) et par le Zanubrutinib (présentant moins d'effets indésirables cardiovasculaire que les autres). En cas de contre-indication par exemple aux IBTK, on peut proposer des inhibiteurs des Bcl-2 (IBCL2) dont le chef de file, le Venetoclax, est souvent responsable d'un syndrome de lyse et de cytopénies multiples, auquel on pourra ajouter un anti-CD20 type Rituximab ou Obinutuzumab.
Il faut bien entendu toujours penser dans ce type de traitement antinéoplasique aux traitements associés, à savoir prévenir les infections en vaccinant les patients (grippe, pneumocoque, haemophilus, zona, COVID19), en supplémentant si nécessaire en immunoglobulines polyvalentes, et avec un traitement prophylactique par Bactrim + Zelitrex associés à une supplémentation en vitamine B9.
Dans un troisième temps, nous avons abordé les actualités concernant le lymphome. Le R-CHOP et le R-miniCHOP restent le traitement standard des lymphomes diffus à grande cellules puisque l'ajout de l'Ibrutinib comme celui de Lenalidomide n'ont pas démontré d'efficacité supérieure.
Les CAR-T cells
Les CAR-T cells gagnent une place importante dans la prise en charge de lymphomes. Ce dernier traitement présente une bonne efficacité chez les patients âgés FIT, avec comme principaux effets indésirables un relargage cytokinique et des ICANS (syndrome de neurotoxicité associé aux cellules immunitaires effectrices) responsable notamment de syndromes confusionnels, manifestations psychiatriques et d'aphasie. Les CAR-T cells sont souvent suivies par l'administration d'anticorps bispécifiques (ciblant le CD3 des LT et un récepteur des cellules tumorales) avec une tolérance plutôt bonne chez les patients âgés.
Les CAR-T cells consistent en une modification génétique des lymphocytes T qui vont présenter des récepteurs antigéniques chimériques (les CAR), qui leur permettra de reconnaître les antigènes des cellules tumorales sans activation du TCR. Cela va induire une co-stimulation puis un signal cytokinique amplifiant l'activation du système immunitaire.
Cela aura également un intérêt pour modifier le micro- environnement tumoral via les cytokines et aura une efficacité comparable au TCR concernant l'apoptose tumorale. Une expression importante de CAR « sélectifs » va conditionner la toxicité et l'efficacité du traitement par un effet « on-target/of-tumor ».
Pour produire ces CAR-T cells, on utilise des rétrovirus intégratifs : réalisation d'une leucaphérèse, sélection des LT, modification apportée aux LT, chimiothérapie (traitement d'attente, souvent par Fludarabine + Endoxan) puis administration des LT modifiés. À noter la nécessité d'annuler l'expression du TCR endogène pour éviter une réponse allogénique de type GVH.
Un projet en cours est lesCAR-NK avec moins de cytokines et donc moins de problème de syndrome de relargage cytokinique.
Les mécanismes de résistance à ce type de traitement peuvent être liés aux CAR-T (durée de vie in vivo, accessibilité, …) ou liés à la tumeur (perte d'expression de la cible, défaut d'apoptose, micro-environnement tumoral). Les effets indésirables sont principalement le syndrome de relargage cytokinique (traité par immunomodulateurs : Tocilizumab + corticoïde), ICANS, syndrome d'activation macrophagique, syndrome infectieux (induit par le conditionnement nécessaire pour limiter le syndrome de relargage cytokinique), effet « on-target/off-target ». Un patient éligible à un traitement par CAR-T cell doit être également éligible pour aller en réanimation en cas de complications.
Neutropénies induites en onco-hématologie
Ces neutropénies peuvent être liées à une lymphodépletion, ou protractées vers J7, prolongée à J21 voire 2 mois, avec 25 % des patients présentant un profil aplasique pendant plusieurs semaines. Il existe peu de leviers dans ce contexte pour la prise en charge de ces neutropénies : il faut surtout réaliser une prévention de ces neutropénies en utilisant le score CAR-HEMATOTOX (à 0 ou 1 faible risque, à partir de 2 = haut risque).
On parle donc ici d'ICAHT (Immune effector cell-associated hematotoxicity) : si elle est non prolongée, on peut tenter l'administration d'un G-CSF. Dans le cas contraire, il faut réaliser une prévention des infections et faire un éventuel myélogramme : il arrive parfois qu'une allogreffe soit nécessaire sur destruction complète de la moelle osseuse en post-CAR-T cell.
Anémie et cancer
Par ordre de fréquence dans 40 % des cas, les anémies ferriprives sont dues à une oesophagite ou à un ulcère, une autre cause est la présence d'une lésion colique ou encore une angiodysplasie du grêle (d'autant plus fréquent en cas d'insuffisance cardiaque ou de pathologie coronarienne).
Le traitement des angiodysplasies du grêle est l'Octréotide (Sandostatine®) 10 mg LP en injection IM ou SC.
La FOGD nécessite d'être en décubitus latéral gauche pendant 3 à 7 minutes, elle est contre-indiquée en cas de dyspnée en air ambiant ou d'oxygénothérapie.
Chez nos patients fragiles il faut donc que la personne soit compliante, qu'il n'y ait pas fracture récente du bassin ou du col pour le décubitus latéral, et bien vérifier les ntécédents pneumologiques et cardiovasculaire.
La coloscopie sous anesthésie générale dure 20 à 40 minutes, elle est facilement réalisable chez un patient en bon état général néanmoins elle nécessite 3 jours de préparation colique et le risque de perforation est plus important chez la personne âgée.
La coloscopie sans AG permet de voir le côlon gauche, sigmoïde et le rectum.
L'entéro-scanner ou l'entéro-IRM (produit de contraste à avaler) ont une bonne rentabilité si on recherche de la lésion digestive cancéreuse.
La vidéocapsule permet notamment de confirmer la présence d'angiodysplasies grêliques.
En résumé devant une anémie ferriprive chez un patient fragile le 1er examen à réaliser est la FOGD sans AG, puis à discuter une coloscopie courte sans AG ± un coloscanner. Chez un patient avec des troubles cognitifs évolués il est préférable de ne pas effectuer d'exploration, de supplémenter (IV ou PO) et traiter par inhibiteurs de la pompe à protons.
Carence martiale
Il est primordial de regarder l'évolution dans le temps du bilan martial pour ne pas passer à côté d'une carence martiale. Une ferritine élevée peut devenir anormalement normale. Il s'agit alors d'une réelle carence martiale.
À noter que la ferritine peut être augmentée artificiellement par l'hémolyse en cas de valve mécanique, ou encore en cas d'inflammation ou de maladie chronique.
Il n'y a pas de véritable seuil biologique pour diagnostiquer la carence martiale chez le sujet âgé. L'ESMO recommande d'utiliser le seuil de CST inférieure 20 % ou de ferritine inférieure 100 mg/L.
Concernant la mauvaise tolérance du fer per os, un conseil pratique est d'espacer les prises tous les 2 à 3 jours. Un traitement d'épreuve peut également être réalisé en cas d'inflammation chronique.
Carence en B12
Cette carence concerne 15 à 20 % des personnes âgées.
Cela peut s'expliquer par la maladie de Biermer, le syndrome de non-dissociation des protéines porteuses, la malabsorption, iatrogénie (IPP au long cours ++).
Une carence est certaine si le taux de vitamine B12 est inférieur à 200 ng/L. Il n'y a pas de carence si le taux est supérieur à 350 ng/L.
En cas de doute sur une carence (vitamine B12 est comprise entre 200 et 350 ng/L), il est possible de doser l'homocystéine et l'acide malonique. Il faut se méfier des hypervitaminoses en B12 liées au cancer qui masquent une carence en B12 réelle (d'où la nécessité des dosages d'homocystéinémie et d'AMM).
La supplémentation doit être de 1000μg/j per os en cas de maladie de Biermer ; 1000μg/j per os pendant 1 mois puis 100μg/semaine per os jusqu'à disparition de la cause dans les autres cas avec surveillance de la vitamine B12 régulière pour ajustement de la posologie de la supplémentation si nécessaire.
Cette session s'est terminée avec un focus sur la prise en charge de l'anémie induite par les traitements oncologiques. Le diagnostic de carence martiale est posé si : ferritinémie inférieure 800ng/ml et CST inférieure 20 % ou ferritinémie inférieure 30ng/ml et CST inférieure15 %. Il est rapporté qu'il est préférable d'utiliser une supplémentation martiale injectable. La surveillance de la ferritinémie et du CST se fait tous les 2 mois.
Pour les carences en B9, la supplémentation se fait par acide folique per os 5mg/j pendant au moins 4 mois (posologie pouvant aller jusqu'à 15mg/j). L'EPO est à débuter à 9-10g/dl d'hémoglobine et va mettre 3 semaines à être efficace (objectif de 12g/dl d'hémoglobine) : Il faut donc corriger les carences en même temps. Concernant les seuils transfusionnels, les seuils généraux sont :
• 6g/dl : pour l'anémie chronique.
• 7g/dl : pour les volumineuses splénomégalie et/ou gammapathie monoclonale.
• 8g/dl : seuil critique selon la HAS.
Pour l'Association des Jeunes Gériatres,
Écriture : Amélie BOINET, Ludovic ROBBE
Relecture : Rafaelle ROTH, Lucrezia Rita SEBASTE
Bibliographie
1. Ageing-related considerations for medication used in supportive care in cancer, Walsh et al, JGO 2024.
2. Predictive value of G8 screening tool for postoperative complications, Horiuchi.
3. Predictors of three-month mortality and severe chemotherapy-related adverse events in patients aged 70 years and older with metastatic non-small-cell lung cancer: A secondary analysis of ESOGIA-GFPC-GECP 08–02 study, Gendarme et al., JGO.

