
Mme Le Pr Mammar et le Dr Caillet nous rappellent sur cette session l'importance de l'évaluation pré-thérapeutique onco-gériatrique, formulée de nouveau cette année par l'ASCO et confirmée par une étude danoise randomisée étudiant l'impact de l'évaluation onco-gériatrique approfondie. Cette étude évaluait 7 domaines de fragilité et ne retrouvait pas d'impact significatif sur le nombre d'hospitalisation par exemple mais retrouvait que cette évaluation augmentait l'adhésion des patients à leur(s) traitement(s) et améliorait donc leur devenir.
Les autres études citées lors de cette session rapportent qu'une altération de plusieurs facteurs nutritionnels augmente le risque de décès à 1 an, de même qu'un handgrip altéré est associé à une plus grande fréquence de cancer colorectal, au sexe féminin, à un âge supérieur à 70 ans et un IMC bas.
On retrouve également dans ces études que le déclin cognitif a un impact pronostique dans le cancer colorectal : en l'absence de troubles neurocognitifs (TNC) les patients sont davantage éligibles à une chimiothérapie. En cas de TNC on note moins de découvertes de métastases (probablement par des explorations complémentaires limitées). À noter enfin que dans ce contexte de TNC, une hypothèse rapporterait que la baisse d'acétylcholine diminuerait la croissance du cancer.
Concernant la chirurgie, le G8 (< ou = à 14) de même que le score de Clavien-Dindo (> ou = à 1) sont prédictifs de complications post-opératoires notamment dans le cancer colorectal et les cancers urologiques (3). Un score de Charlson élevé (> ou = à 2) est lié à un risque de toxicité important dans les cancers bronchiques non à petites cellules, de même que l'avancée dans les traitements avec accumulation des chimiothérapies et surrisque de toxicité à partir de 4 cycles et plus de chimiothérapie (toxicité modérée) (4). Pour la toxicité sévère, on la retrouve principalement en cas d'hypoalbuminémie, d'ECOG-PS > 1, de CISR G > 12 et d'anémie > à 10g/dl (à l'inverse du TUG < 20 et du sexe féminin associés à moins de risque de toxicité sévère).
Il y a eu ensuite une mise au point sur l'oncologie de la personne âgée.
En urologie, pour les cancers urothéliaux métastatiques, il a été mis en évidence une amélioration de la survie globale en première ligne métastatique avec Enfortumab-Vedotin + embrolizumab. Pour les formes localisées, il a été retrouvé un bénéfice au Nivolumab en adjuvant (post cystectomie) pendant un an ou au Durvalumab en néoadjuvant en association avec Cisplatine-Gemzar puis en adjuvant seul (amélioration de la survie globale).
Pour le cancer du rein, une amélioration de la survie sans progression et de la survie globale ont été retrouvées avec le Pembrolizumab adjuvant en post-opératoire. Concernant les cancers coliques métastatiques non résécables, un allègement des thérapeutiques a été pensé, avec ou sans mutation RAS présente, au profit d'un traitement associant 5FU + Panitumumab permettant de diminuer les doses de traitements tout en ayant moins d'effet indésirable (lié donc à l'absence d'Oxaliplatine dans ce schéma).
À noter par ailleurs une survie similaire si 5FU seul vs 5FU + Aflibercept. En cas de cancer colique MSI, il est possible de proposer une immunothérapie seule (Pembrolizumab) avec meilleure réponse qu'une association bi-chimiothérapie + thérapie ciblée.
Pour les cancers gynécologiques, pour les cancers de l'endomètre avec un statut dMMR, une nette amélioration de la survie a été constatée si l'on associe du Dostarlimab à un Carboplatine – Taxol en première ligne.
Pour le cancer du sein localisé, on privilégie maintenant la désescalade de la radiothérapie avec un hypofractionnement sans surrisque de toxicité même lorsque l'on irradie les aires ganglionnaires. Si présence d'un cancer du sein RH+/HER2- rester prudent sur l'administration des anti-CDK4/6 car même s'il existe un bénéfice au stade métastatique, peu de sujets âgés sont inclus dans les études. Enfin, pour les cancers du sein triple négatif, l'ajout de Pembrolizumab en péri-opératoire permet une amélioration de la survie globale sauf chez la personne âgée.
Pour les cancers ORL, il faut utiliser l'échelle EGE (ELAN Geriatric Evaluation) pour décider le traitement le plus adapté : ELAN-FIT _ Extrem adapté (avec Carboplatine à la place de la Cisplatine) + ajout G-CSF ; ELAN-UNFIT _ pas de recommandations ; ELAN-RT (radiothérapie) _ privilégier l'hypofractionnement pour un bon contrôle dans l'ensemble de la pathologie avec moins d'effets indésirables.
Le Dr Brain est intervenu sur l'utilité des signatures génomiques dans le cancer du sein chez les plus de 70 ans. Le but des signatures génomiques est de mieux cibler les patientes pouvant bénéficier de la chimiothérapie ou hormonothérapie (MINDACT, TAILORx, RxPONDER). L'objectif est de pouvoir désescalader le niveau de traitement. L'étude ASTER 70s a randomisé l'hormonothérapie versus la chimiothérapie chez les + 70 ans considérés comme à « haut risque » après signature génomique. Ces signatures sont encore très discutées chez la personne âgée, actuellement sans réel bénéfice sur leur prise en charge. Cependant, ce n'est pas une contre-indication à l'accès aux innovations et qu'il est primordial d'inclure les patientes âgées dans les essais.
Actualités en hématologie myéloïde chez le patient âgé
Les syndromes myélodysplasiques (SMD) ont été abordés : la biologie seule peut suffire à évoquer le diagnostic de syndrome myélodysplasique ; de ce fait il faut réserver le myélogramme pour confirmer le diagnostic s'il existe ensuite une intention à traiter le patient.
En ce qui concerne les SMD à haut risque, à la place de la chimiothérapie par Aracitidine, il est possible d'utiliser le Venetoclax (efficacité modérée si mutation KRAS/NRAS, peu efficace sur les mutations TP53). Peut s'utiliser également le Tamibarotene qui inhibe les récepteurs de l'acide rétinoïque.
Pour les SMD à faible risque, on peut proposer l'Imetelstat (inhibiteur des télomérases) mais avec un risque de thrombopénie et de neutropénie importants ou le Luspatercept (inhibiteur TGF) de bonne efficacité sur présence de la mutation SF3B1.
En ce qui concerne les syndromes myéloprolifératifs (SMP), quelques rappels sur les néoplasies myéloprolifératives (NMP) que sont notamment la leucémie myéloïde chronique (LMC), la maladie de Vaquez et la thrombocytémie essentielle (TE).
Ces NMP peuvent se présenter d'emblée sous la forme d'une myélofibrose. Il est important de rechercher pour chacune les mutations suivantes : JAK2 puis CALR puis MPL (à noter que les triples négatifs sont possibles). Il existe un risque thrombotique important, qui augmente avec l'âge, un antécédent de thrombose et avec une mutation JAK2. Le diagnostic peut se faire avec la présence de l'une des mutations, des plaquettes > 450G/L, une biopsie ostéomédullaire retrouvant une prolifération mégacaryocytaire sans augmentation des lignées granuleuse et érythroblastique, et en l'absence d'argument évoquant d'autres SMP, des SMD ou d'autres néoplasies myéloïdes. Il rappelle que l'objectif du traitement des NMP est de modifier l'histoire naturelle de la maladie, prévenir les thromboses, améliorer les symptômes et qualité de vie, de même qu'éviter les complications iatrogènes. On peut notamment utiliser des TKI (inhibiteurs de tyrosine kinase) JAK2 type Ruloxitinib associé à un anti-agrégant plaquettaire ou utiliser des traitements plus basiques type Hydroxyurée ou interféron retard (IFN pegylé). Pour la LMC, il existe des TKI de 1ère, 2ème et 3ème génération, mais il est plutôt utilisé celle de 1ère génération chez la personne âgée, à savoir l'Imatinib.
Actualité concernant les leucémies aiguës
Les leucémies aiguës promyélocytaires sont rares et traitées par ATRA (Arsenic trioxide). Le traitement de la leucémie aiguë lymphoïde est variable selon l'évaluation oncogériatrique et statut FIT/UNFIT/FRAIL (UNFIT fragile). Ce traitement va de la polychimiothérapie + TKI aux soins de supports (corticoïdes + TKI).
Enfin pour la Leucémie aiguë myéloïde, le traitement dépend également de la fragilité du patient et va d'une polychimiothérapie à une association chimiothérapie + TKI ou anti-FLT3 (Gilteritinib) ou anti-IDH1(Ivosidenib).
La greffe en onco-hématologie a été abordée à la fin de cette session. L'allogreffe se discute selon divers facteurs limitant que sont la chimiorésistance, la condition physique (âge, fragilité, comorbidités), le donneur, le risque de rechute et le risque de GVH (réaction du greffon contre l'hôte). Vient alors l'haplo-greffe à partir d‘un donneur haplo-identique. À la suite de cette greffe, le patient bénéficie de l'administration d'Endoxan à forte dose pour s'affranchir de la compatibilité HLA, mais le risque de rechute est important avec une toxicité importante également faisant perdre au patient âgé le bénéfice de cette greffe. Il a alors été travaillé l'administration uniquement en pré-greffe de Busulfan puis Treosulfan permettant un bon conditionnement à la greffe, avec une bonne tolérance chez le patient âgé. L'Endoxan a également été testé en post-greffe à plus faible posologie avec une bonne prévention du GVH et moins de mortalité post-greffe.
Recommandations vaccinales
Pr Paillaud nous a rappelé les facteurs de réactivation du virus VZV (immunosuppression, antécédents familiaux, traumatisme physique, cancer, âge avancé, comorbidités) et les conséquences graves (notamment neurologiques) de cette infection chez le patient âgé.
Le Pr Paccalin est revenu sur les recommandations vaccinales chez nos patients âgés :
• DTPc tous les 10 ans à partir de 65 ans.
• Grippe et Covid injection possible en même temps (dans chaque bras) avec prise de paracétamol dès le 15 octobre.
• Pneumocoque Vaccin VPC20 Prevenar 20 conjugué est remboursé depuis le 01/05/2024.
• Zona Vaccin inactivé = vaccin recombinant qui diminue le risque de zona et de risque de douleurs post-zoostérienne. Si antécédent de zona, attendre au moins 1 an entre l'infection zona et la réalisation du vaccin.
• VRS : recherche en cours.
Ne pas oublier la vaccination des soignants !
Pour l'Association des Jeunes Gériatres,
Écriture : Amélie BOINET, Ludovic ROBBE
Relecture : Rafaelle ROTH, Lucrezia Rita SEBASTE

