Actualités : Réflexions sur les évolutions des lois de bioéthique

Publié le 21 juil. 2025 à 16:27
Article paru dans la revue « AGOF / Le Cordon Rouge » / AGOF N°27

La bioéthique est définie comme un champ de réflexion concernant la médecine et la recherche utilisant des parties du corps humain. Ses objectifs sont de délimiter les champs du possible en termes d'intervention de la médecine sur le corps humain dans le respect de la dignité de la personne et ainsi d'éviter toute forme d'exploitation dérivée de la médecine.

Enfonçons une porte ouverte : la science, notamment médicale, évolue vite. Plus vite que notre capacité à réfléchir aux implications de chaque découverte et notre adaptation aux nouvelles pratiques médicales. Chaque innovation est accompagnée d'un mélange d'enthousiasme et de peur, qui doivent ensuite être canalisés pour permettre d'avancer ensemble et de les rendre utilisables et utiles pour la communauté. Loin d'être exhaustif, cet article cherche à remettre en perspective pour mieux les comprendre, les évolutions éthiques dans les dernières décennies.

Tout d'abord, la genèse de la bioéthique. Il est intéressant de constater que la France a été pionnière dans la réflexion sur les enjeux des progrès médicaux, sur un mode démocratique en impliquant le grand public. De ça découle la première création d'un Comité Consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé en 1983. Telle que définie en introduction, la bioéthique a fait son entrée dans la loi française en 1994. Elles seront révisées à de multiples reprises en 2004, 2011 et 2021.

Si l'on survole l'évolution, on constate une tendance générale nette au libéralisme. En effet, s'appuyant sur une définition assez large de la santé proposée par l'OMS en 1948, on se recentre sur les besoins individuels et sur un principe à s'autodéterminer y compris dans le domaine de la santé. Les exemples les plus flagrants s'en trouvent dans le domaine de la gynécologie et de l'obstétrique. De la prise en charge de maladies d'une particulière gravité incurables au moment du diagnostic, on en vient à des questions encore plus complexes : la capacité de la femme enceinte à consentir à des soins visant un être en devenir qu'elle porte en son sein (gestes en médecine fœtale, du prélèvement jusqu'à la chirurgie in utero !), à déterminer le degré de risques qu'elle souhaite prendre pour sa propre santé durant sa grossesse (problématique des grossesses multiples), à interrompre une grossesse si le pronostic de l'enfant à naître lui paraît inacceptable même si incertain (trisomie 21, agénésie du corps calleux)… La procréation médicalement assistée a également subi de grands chamboulements avec l'ouverture de l'accès à la PMA aux couples de femmes, aux femmes seules et la levée possible de l'anonymat (comme un droit d'accès à ses origines).

Face à ces changements rapides de la société, les gynécologues obstétriciens sont particulièrement exposés à des demandes qui peuvent générer des réflexions éthiques et des conflits de valeur. En ce sens, il est intéressant de noter la remise en question de la clause de conscience à l'annonce de la constitutionnalisation de l'interruption volontaire de grossesse au premier trimestre de grossesse au premier trimestre 2024.

Loin d'être une évidence pour le public, cette disposition protège cependant des droits fondamentaux humains fixés par la loi tels que décrits par l'article R4127-47 du code de la santé publique : « Hors le cas d'urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d'humanité, un médecin a le droit de refuser ces soins pour des raisons professionnelles ou personnelles. S'il se dégage de sa mission, il doit alors en avertir le patient et transmettre au médecin désigné par celui-ci les informations utiles à la poursuite des soins » et par l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui stipule que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ». Ainsi, les législateurs se trouvent confrontés à une double contrainte de respect de l'autonomie de la patiente, revenue au centre des soins puisque la liberté est une valeur absolument centrale, et de respect de la liberté de conscience du soignant dans l'exercice de son métier. De là la limite des textes de loi et de leur interprétation dans ces contextes sensibles qui relèvent de la jurisprudence…

En tous les cas, ces débats restent passionnants à suivre dans notre société pluraliste et diverse où le respect des valeurs de chacun est un challenge au quotidien. À l'heure de la médecine participative, il est de plus en plus essentiel de mettre le dialogue au centre de nos soins et de savoir s'intéresser au parcours de chacun et aux valeurs de nos patientes.

Morgane GOETZ
Pour l'AGOF

Publié le 1753108062000