
Les diplômes universitaires d'immuno-oncologie : une formation à la croisée des spécialités où le dermatologue a toute sa place
L'immuno-oncologie s'impose aujourd'hui comme une révolution thérapeutique dans la prise en charge des cancers. Bien que l'immunothérapie soit devenue omniprésente en médecine, c'est en dermatologie qu'elle a pris sa source et elle continue de s'y développer. La gestion dermatologique des toxicités a également toute sa place en oncologie.
Plusieurs universités françaises ont ainsi mis en place des Diplômes Universitaires d'immuno-oncologie (DU-IO), ouverts notamment aux dermatologues curieux de développer cette expertise. Nous vous proposons ici un petit tour d'horizon non exhaustif de ces formations novatrices.
Grâce au témoignage de nos référents, nous avons recensé un DU-IO à l'Institut Gustave Roussy à Paris, à Lille, Toulouse, Bordeaux et Montpellier.

Pour le Pr Lambotte, la création du DU-IO est la suite logique de la consultation de médecine interne ouverte en 2006 à l'Institut Gustave Roussy (IGR), où il a été aux premières loges pour constater et prendre en charge les nouvelles toxicités intrigantes induites par les immunothérapies innovantes de l'équipe d'oncodermatologie du Pr Robert. Se sont, par la suite, mis en place un réseau de spécialistes d'organes en 2015, un registre de pharmacovigilance en 2016, une RCP immunotoxicités en 2016, et enfin cette formation en 2017.

À Montpellier, celle-ci a été pensée comme une "boîte à outils" pédagogique pour aider les professionnels à mieux appréhender les traitements d'immunothérapie et leurs conséquences. Dr Alexandre Maria, interniste et coordinateur de la formation, explique que la création de ce DU suit la constatation que, malgré un réseau d'experts bien en place sur le territoire, le meilleur moyen de prévenir les complications est de sensibiliser les soignants eux-mêmes aux potentiels effets secondaires de ces traitements. Particularité locale : la formation est renforcée sur les syndromes paranéoplasiques qui s'expriment souvent sur la peau.

À Lille, la démarche est similaire. Le Pr Laurent Mortier insiste sur la nécessité d'une réflexion élargie et la complémentarité interdisciplinaire : "Nous avons voulu créer un DU intégrant plusieurs spécialités d'organes dans l'objectif d'aborder l'immunothérapie sous tous ses aspects, des mécanismes biologiques jusqu'à la gestion clinique des toxicités".
Ouvert aux médecins toutes spécialités confondues, aux paramédicaux et aux chercheurs, l'organisation du DU varie selon les villes (plus chronophage à Montpellier où il est en présentiel uniquement, alors qu'un format hybride existe à Lille et à Paris), mais les modalités de validation sont assez similaires : QMCs, rédaction d'un mémoire et stage pratique, le tout dans des ambiances se voulant toujours bienveillantes.
Le regard des internes
À Montpellier : une immersion totale en immuno-oncologie
Angèle Lallement
Imaginez qu'il est presque 2h du matin, en août 2022. Je viens d'être appelée pour une entrée en oncologie. Concentrée sur mon observation, je ne remarque pas tout de suite l'affiche orange et rouge qui propose de participer au DU d'immuno-oncologie.
D'abord étonnée, puis vexée (on se serait bien gardé de placarder les affiches en dermatologie ?), je suis finalement intriguée… et m'inscris la semaine qui suit !
Six mois plus tard, ce nouveau domaine façonne ma pratique quotidienne. J'ai échangé avec des soignants et chercheurs passionnés et j'ai découvert à quel point la dermatologie est en première ligne sur ces questions. Attention, si vous aimez l'interdisciplinarité et les cas complexes, vous risquez de tomber dans la marmite de l'immunotoxicité comme moi !
À Lille : un décloisonnement des spécialités
Manon Dubois
Lors de mon internat à Lille, j'ai eu l'opportunité de suivre ce DU et cela a changé ma vision de la dermatologie. Au départ, je pensais que l'immuno-oncologie était une discipline très éloignée de mon quotidien… Mais en réalité, la dermatologie est partout dans ce domaine ! Nous sommes souvent en première ligne pour diagnostiquer les toxicités cutanées des immunothérapies et nos connaissances peuvent être cruciales pour une prise en charge rapide et adaptée. Le DU m'a permis de mieux comprendre les traitements et d'affiner ma pratique.
Bonne nouvelle : selon les encadrants, l'impact de ces formations se ressent déjà au quotidien, après seulement quelques promotions
Le Pr Lambotte rappelle que l'absence de formation en immuno-toxicités des précédentes générations d'oncologues était responsable d'une perte de chance majeure, et se félicite d'une vraie “culture de l'immunothérapie”, comparant même cette révolution à celle de l'apparition de la trithérapie dans le VIH. Le Dr Maria observe également une amélioration de l'organisation des soins, avec "des soignants plus sensibilisés aux toxicités immunitaires, fluidifiant la prise en charge des patients. Les spécialistes d'organes gagnent en autonomie, et la RCP est désormais réservée aux cas les plus complexes."
Le Pr Mortier souligne surtout les avancées concrètes issues de la formation : suite aux premières promotions, des fiches de grades de toxicité ont été créées, désormais utilisées au quotidien dans les services.
Mais ces formations évoluent encore ! À Lille, l'idée d'un DIU national est évoqué, afin de mutualiser les compétences des différents centres. À Montpellier, on souligne le besoin de sensibiliser les médecins généralistes pour une meilleure articulation entre ville et hôpital, tandis que l'IGR souhaite mobiliser plus de personnel paramédical.
Alors, pourquoi se former à l'onco-immunologie appliquée à la dermatologie ? Vous l'aurez compris, cette formation offre une opportunité unique pour les dermatologues de mieux comprendre et maîtriser les traitements innovants qui transforment la prise en charge du cancer et d'acquérir une expertise sur les immunothérapies et leurs toxicités. En créant des opportunités de collaboration avec des oncologues, internistes et biologistes au sein d'un réseau d'experts, elle permet d'optimiser la prise en charge des patients atteints de cancers cutanés et d'effets secondaires des immunothérapies.
Pour les jeunes dermatologues hésitant encore à franchir le pas, une chose est sûre : ces DU offrent bien plus qu'une simple formation. Ils ouvrent la voie à une nouvelle façon de concevoir la dermatologie et l'oncologie, en plaçant la collaboration et l'innovation au cœur de la pratique médicale.
Enfin, comme le rappelle le Pr Mortier : "L'immuno-oncologie transforme la dermatologie. Se former à ce domaine, c'est embrasser le futur de notre spécialité." Le Pr Lambotte abonde en ce sens : “jeunes dermatologues, avancez avec l'avenir à vos côtés !”