
Introduction
Les myopathies nécrosantes auto-immunes (MNAI) sont une entité classée parmi les myopathies inflammatoires (MI) dont le diagnostic est avant tout histologique avec des lésions de nécrose-régénération associées à peu ou pas d'infiltrat inflammatoire (1).
Les symptômes sont généralement dominés par une faiblesse musculaire à début insidieux prédominant sur les muscles proximaux. Les femmes sont d'avantage touchées et l'atteinte est principalement musculaire, contrairement aux autres MI.
Biologiquement, le taux de créatine-phosphokinase (CPK) particulièrement élevé et l'absence de traitement conduit à une atrophie musculaire sévère et handicapante (2). À l'heure actuelle, les deux anticorps retrouvés sont les anticorps anti-signal recognition particle (SRP) et les anticorps anti-3-hydroxy-3-méthylglutaryl-coenzyme A réductase (HMGCR), ces derniers pouvant être induits ou non par la prise antérieure de statines (3).
Comme l'ensemble des MI, les MNAI peuvent être associées à un cancer et parfois également causée par une immunothérapie (4, 5).
Les MNAI à anticorps anti-HMGCR
Parmi les myopathies nécrosantes, les MNAI à anticorps anti-HMGCR est une maladie rare. La présence des auto-anticorps anti-HMGCR représente 5.5 à 7.1 % des MI selon les séries (6–8). L'apparition d'anticorps anti-HMGCR est fréquemment associée à la prise de statine (9). Néanmoins cette association est retrouvée de manière inconstante selon les séries avec une possible différence selon l'origine ethnique des patients. En effet, 44 % des patients atteints d'une myopathie à anti-HMGCR avaient été exposés aux statines dans une cohorte européenne, contre 66 % dans une cohorte américaine et 15 % seulement dans une étude chinoise (6, 10, 11).
Cette maladie auto-immune est à distinguer des myopathies toxiques en lien avec la prise de statines, qui inhibent le HMGCR, et qui s'améliorent généralement à l'arrêt du traitement (12).
Diagnostic
Cliniquement, ces myopathies se manifestent par une symptomatologie d'apparition progressive sur plusieurs mois qui peuvent être précédées par une élévation des CPK (13). Ces symptômes frustes peuvent tromper le clinicien, d'autant plus que la faiblesse musculaire peut être mise sur le compte d'une sarcopénie, fréquente chez le patient en cancérologie, et que certaines chimiothérapies peuvent causer des douleurs musculaires (14).
En cas de suspicion clinique, le bilan repose sur l'IRM musculaire, le dosage des anticorps spécifiques et l'ENMG. Dans les différentes séries, l'ENMG était pathologique chez tous les patients, y compris chez les patients asymptomatiques sur le plan musculaire (15, 16). Cet examen est donc à envisager de manière précoce.
La biopsie musculaire permet la confirmation du diagnostic, mais n'est pas indispensable en cas de positivité des anticorps spécifiques.
Traitement
Le traitement repose principalement sur l'utilisation des corticostéroïdes, parfois associés à d'autres traitements immunosuppresseurs à visée d'épargne cortisonique comme le méthotrexate ou l'azathioprine, et sur les immunoglobulines, réservées habituellement aux situations graves (17, 18). L'activation du complément a été évoqué comme intervenant dans la pathogénicité des MNAI, motivant la réalisation d'un essai de phase 2 évaluant l'efficacité du Zilucoplan (un inhibiteur de C5). Dans cette étude portant sur 27 patients, il n'a pas été constaté de différence significative sur le taux de CPK ou dans l'amélioration de l'atteinte clinique entre le groupe placebo et les patients traités par Zilucoplan (19). Cette étude portait sur un faible nombre de patients, déjà lourdement prétraités et aucun n'était atteint d'un cancer. Néanmoins ces résultats laissent supposer que l'activation du complément est secondaire à l'atteinte musculaire et non l'élément primaire de pathogénicité.
Conclusion
Les myopathies nécrosantes auto-immunes sont des pathologies rares, qui doivent néanmoins être évoqués de manière précoce même devant des symptômes musculaires frustes et peu spécifiques. En effet, le retard diagnostic majore le risque d'atteinte sévère irréversible. Devant une suspicion de MNAI, le dosage des CPK, l'ENMG (pathologique dès la phase précoce), l'IRM et le dosage des anticorps spécifiques peuvent aider le clinicien.

Par Arnaud SAILLANT
Références
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