
La réforme du 3ème cycle
La réforme du troisième cycle (R3C) (2017) a été conçue par les instances dans une optique de professionnalisation de la formation médicale. L'objectif était d'inciter à l'exercice en tant que spécialiste dès l'obtention du Diplôme d'Etudes Spécialisées (DES). Ainsi, certaines disciplines ont proposé d'allonger la durée de leur internat afin d'adapter la formation à l'évolution des pratiques. Par ailleurs, les anciens DESC (DES complémentaires) sont devenus soit des nouveaux DES, comme l'allergologie ou l'infectiologie, soit des FST (formations spécialisées transversales) comme la cancérologie adulte ou la pharmacologie clinique. Le nombre de DES existants est passé de 31 à 44 répartis en 13 DES chirurgicaux d'une durée de 6 ans pour la plupart et 31 DES médicaux (14 DES de 4 ans, 16 DES de 5 ans, un DES de biologie médicale de 4 ans).
Les formations spécialisées transversales
Les options et les formations spécialisées transversales (FST) sont conçues pour apporter des compétences supplémentaires aux étudiants en complément de celles acquises dans le cadre de leur DES. Les options sont propres à un DES spécifique, accessibles uniquement aux internes du DES. Les FST, au nombre de 26, sont communes à plusieurs DES. Un interne du troisième cycle ne peut suivre qu'une seule option ou FST. La durée est d'un an. Les FST prolongent d'un an les DES dont la durée initiale est de 4 ans. Pour les DES de 5 ou 6 ans, la FST est incluse dans la maquette initiale et ne rallonge pas l'internat. En théorie, tous les étudiants inscrits en DES peuvent prétendre à la réalisation d'une FST en fonction de leur projet professionnel. Toutefois, au sein de chaque DES, la maquette publiée au journal officiel propose une sélection restreinte de FST à accessibilité préférentielle. En dermatologie, il s'agit par exemple de la cancérologie adulte, l'allergologie et la pharmacologie.
Commission de suivi de la r3c
Le suivi de la R3C est assuré par une mission ministérielle désignée conjointement par la Direction générale de l'offre de soins (DGOS) et la Direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESIP). Cette mission s'appuie sur un comité de suivi composé de représentants des étudiants et des enseignants. La FDVF a été créée en partie pour répondre à ces questions de représentation. Elle participe au comité de suivi pour le DES de dermatologie-vénérologie. Ce comité examine les propositions d'allongement des maquettes, la création de nouvelles FST et options, ainsi que les ajustements mineurs des maquettes des DES, options et FST. Ces propositions sont ensuite soumises à l'arbitrage de conseillers ministériels puis examinées par la Commission nationale des études en maïeutique, médecine, odontologie et pharmacie (CNEMMOP), puis présentées au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) avant d'être publiées au Journal Officiel.
Création d'un questionnaire pour sonder les internes en dermatologie
On comprend donc que le suivi de la R3C passe par des discussions et des réajustements réguliers. Dans un souci de représentativité objective et documentée, la FDVF a sollicité ses adhérents du 20 novembre 2024 au 24 janvier 2025. Un questionnaire a été élaboré par l'association Futurs Dermato-Vénérologues de France (FDVF), conjointement avec le Collège des Enseignants en Dermatologie de France (CEDEF) (relecture par le Pr Caroline Gaudy et le Pr Annick Barbaud), et adressé aux internes et jeunes dermatologues. Celui-ci nous a permis de faire un état des lieux de la formation théorique et pratique des FST accessibles aux internes de dermatologie. Le moment est également opportun car les premières promotions de la R3C de 2017 ont actuellement terminé leur formation et commencent leur exercice.
Nous espérons nous appuyer sur les données recueillies pour identifier des pistes d'amélioration de la formation initiale et nourrir nos échanges non seulement avec les instances de la dermatologie mais aussi celles d'autres disciplines. Ce support pourrait ouvrir une discussion pour modifier les textes en vigueur.
Population du questionnaire
Notre population cible était de 688 répondants potentiels (inscrits au DES de dermatologie et vénérologie de 2017 à 2023). Parmi eux, notre échantillon est composé de 251 personnes ayant répondu au questionnaire, soit 36 % de participation.
Notons que le nombre exact d'inscrits en FST depuis leur création n'est connu ni du CEDEF ni de la FDVF car il est propre au comité de pilotage des FST de chaque université et que celles-ci ne sont pas tenues de communiquer les inscriptions aux collèges des différentes spécialités. Cependant, grâce aux remontées de nos référents locaux, nous estimons ce nombre à moins de 100 inscrits parmi lesquels 49 ont répondu au questionnaire. Leur participation serait donc de 50 %.
La représentativité territoriale et dans le temps était assurée. En effet, les répondants provenaient de toutes nos subdivisions, avec un nombre de réponses proportionnel au nombre d'internes par subdivision. Toutes les promotions étaient représentées (cf. Fig. 1). À cet égard, nous tenons à remercier les référents locaux de l'association qui ont permis la diffusion large de cette enquête. Ils sont les garants de la représentativité de la FDVF à l'échelle nationale.

Résultats
Réaliser ou ne pas réaliser une FST ?
La majeure partie des répondants (n=202) n'ont pas réalisé de FST pendant leur internat, pour trois raisons principales :
1. Ne pas allonger l'internat (61,9 %) ;
2. Pas d'intérêt dans le cursus (31,2 %) ou pour l'activité future, qu'elle soit libérale (42,1 %) ou hospitalière (21,8 %) ;
3. Ne pas rajouter une 6e année d'internat après un M2 (8,4 %).
Concernant ceux ayant réalisé une FST pendant leur internat (n=49), les raisons avancées sont illustrées sur le diagramme ci-dessous (Fig.2).

FST « cancérologie de l'adulte »
Sans aucun doute, la FST la plus fréquemment réalisée est la FST « cancérologie de l'adulte » (n= 43). La majorité des répondants ont considéré être satisfaits de leur formation (61,3 %) avec une note attribuée de 4/5 ou 5/5.
Une demande de formation en présentiel La formation théorique actuelle comporte des cours nationaux communs (en présentiel) avec les internes de phase socle du DES de Cancérologie d'une part, et des cours de cancérologie communs aux autres spécialités d'autre part (en distanciel) avec des cours plus spécifiques à l'onco-dermatologie. La formation théorique proposée était considérée par 53,1 % des répondants comme suffisante pour leur exercice futur. Toutefois, la majorité des répondants (69 %) n'ont pas identifié de thématique manquante au sein de cette formation. Les cours nationaux spécifiques étaient davantage plébiscités que les cours du tronc commun (Fig.3).

Les thématiques signalées comme manquantes par 31 % des répondants étaient : soins de support/soins palliatifs, toxicités cutanées des traitements anticancéreux, effets indésirables des traitements anticancéreux.
Des cours d'onco-dermatologie (cours spécifiques) en présentiel (plutôt que le format actuel en distanciel) sont plébiscités par 61,9 % des répondants. La grande majorité (73,8 %) n'est pas prête à prendre en charge les frais financiers que cela occasionnerait (transports, logement). Notons que, depuis cette enquête, le CEDEF a annoncé organiser la tenue du 1er séminaire d'onco-dermatologie à la Maison de la Dermatologie les 11 et 12 septembre 2025. Ce séminaire sera accessible à tous les internes et obligatoire pour les inscrits en FST. Le financement des frais serait assuré cette année par le CNCEM (collège national des enseignants de cancérologie). En effet, dans un souci d'égalité d'accès, il paraît inenvisageable, à notre sens, que ce séminaire ne bénéficie pas d'un financement pour les internes inscrits en FST dès lors qu'il est obligatoire de s'y rendre. Le contenu du séminaire devrait être adapté et comportera notamment une session sur les toxicités cutanées des traitements anticancéreux.
Une plus grande flexibilité dans la formation pratique
Concernant les stages, 73,8 % des répondants ont réalisé un stage en oncologie médicale (50 % en centre de lutte, 50 % en CHU). Cette formation pratique a été jugée comme suffisante pour l'exercice futur pour 66,7 % des répondants. La grande majorité (78,8 %) a considéré avoir progressé dans la prise en charge de leurs patients atteints de cancers.
Concernant le stage de radiothérapie, 78,6 % en ont réalisé un (50 % en centre de lutte, 50 % en CHU). Ici encore, 75 % se sont sentis suffisamment formés pour leur exercice futur. Seulement 28,6 % des répondants ont eu la possibilité de réaliser un stage « couplé » répartis entre 3 mois en radiothérapie et 3 mois dans une autre discipline. Pourtant, 78,6 % auraient souhaité réaliser ce format. Les couplages souhaités par les inscrits figurent ci-dessous (Fig. 4). Les freins à ce couplage étaient le refus du coordinateur de FST ou l'absence de terrain de stage existant sous ce format.
Si vous souhaitez ou avez réalisé une modalité 3 mois / 3 mois, quel(s) couplage(s) aimeriez-vous avoir / avez-vous eu ? 42 réponses

Près de la moitié (40,5 %) des répondants aurait souhaité pouvoir réaliser deux stages non consécutifs pour valider la FST et 9,5 % auraient voulu la validation rétroactive d'un stage. La moitié s'est positionnée en faveur du format actuel avec deux stages consécutifs. Nous en retenons une demande de plus grande flexibilité dans la réalisation des stages.
Nos résultats démontrent que les internes ont considéré avoir acquis les compétences génériques des textes officiels (Fig.5). La FST « cancérologie de l'adulte » va probablement bénéficier de la mise en place du séminaire présentiel, avec l'ajout d'un cours qui manquait sur les toxicités cutanées des traitements anticancéreux et la possibilité de tisser du lien entre internes et dermato-oncologues. Notons qu'il faudra veiller à pérenniser le financement du déplacement (transports, logement). Il nous semble indispensable d'inciter les coordinateurs locaux de FST à mettre en place des stages couplés 3 mois / 3 mois pour la radiothérapie.

FST maladies allergiques
Les résultats présentés sont limités par le faible nombre de répondants (6 internes) : la FDVF comme le CEDEF ne sont, à ce jour, pas en mesure de donner le nombre exact d'inscrits en FST « maladies allergiques » parmi les internes de dermatologie entre 2017 et 2023. Nos échanges avec nos référents locaux nous font estimer ce nombre à moins de 15 internes sur ces 7 années.
Parmi les 6 répondants effectifs, 80 % ont estimé ne pas être suffisamment formés pour l'exercice futur de l'allergologie à l'issue de la FST, bien que 80 % considèrent avoir progressé dans la prise en charge de leurs patients.
Une formation théorique à structurer et homogénéiser sur le territoire
Les résultats concernant la formation théorique sont insatisfaisants, sous réserve d'un faible nombre de répondants. Il ressort de notre enquête l'absence de cours organisé à l'échelle nationale. Au niveau régional et local, les cours sont le plus souvent dispensés dans le cadre de la capacité d'allergologie ou du DES d'allergologie. Le public de la FST « maladies allergiques » ne bénéficie donc pas de cours obligatoires. Il n'y a pas de cadre précis et uniformisé au national pour l'obtention de cette FST. La validation des acquis génériques prévus par les textes officiels ne semble ainsi pas clairement obtenue. Plus précisément, on note les faibles taux de réponses positives obtenues concernant la maîtrise des éléments de compétences suivants :
Tronc commun :
• Être capable de prendre en charge en autonomie complète un patient ayant une allergie selon les modules et la discipline exercée (33 %).
• Mener des investigations ou des traitements spécifiques (induction de tolérance, immunothérapie, biothérapie) (33 %).
• Pathologies cutanées : prendre en charge une photodermatose (16 %).
• Allergènes cutanés : faire un bilan photoallergique (16 %).
Hypersensibilité médicamenteuse :
• Mettre en œuvre une induction de tolérance aux chimiothérapies et biothérapies (50 %).
• Réaliser une consultation d'allergo-anesthésie avec les tests cutanés qui l'accompagnent (16 %).
Une formation pratique manquant également de flexibilité
Tous les répondants ont réalisé 2 stages consécutifs de 6 mois. Toutefois, la moitié (50 %) aurait préféré un format couplé 3 mois / 3mois. Les répondants étaient satisfaits de l'organisation en 2 stages consécutifs (la validation rétroactive d'un stage n'était pas plébiscitée) mais 33 % seraient néanmoins favorables à la réalisation d'un stage pendant la phase de consolidation (docteur junior). Par contraste avec l'oncologie, la formation pratique d'allergologie apparaît comme une opportunité de réaliser un stage hors subdivision (33 % des répondants). 66 % des répondants déclaraient être globalement satisfaits de leurs stages (attribution d'une note de 4/5 ou 5/5).
En conclusion, la FST maladies allergiques bénéficierait de la mise en place de cours nationaux sur le modèle de la FST cancérologie de l'adulte. Par ailleurs, une plus grande flexibilité dans la réalisation des stages (validation d'un stage pendant la phase de consolidation) participerait peut-être à son attractivité.
Après échange avec le Pr Barbaud, nous prévoyons 2 perspectives encourageantes :
• Tentative de donner accès aux cours nationaux du DES d'allergologie (dispensés par cycles de 2 ans) aux inscrits en FST.
• Réalisation d'une vidéo de présentation de la FST maladies allergiques avec les modalités de réalisation, le contenu pédagogique attendu et les intérêts à la réaliser. Mise en ligne prochaine sur notre site internet.
Fruit d'un travail conjoint avec le CEDEF, cette enquête permet de partager au comité de suivi de la R3C une demande de flexibilité dans l'organisation des stages, la satisfaction des étudiants concernant la formation théorique en FST « cancérologie de l'adulte », avec une demande de cours spécifiques en présentiel, et la nécessité apparente de structurer et homogénéiser la formation théorique en FST « maladies allergologiques ». Ce travail sera un support pour les prochaines discussions à venir.

Olivier PHILIP
Docteur Junior en Dermatologie à Lille
VP Représentation et formation 2024-2026

Mariam DERIOUICH
Interne en Dermatologie à Caen
VP Représentation et formation
2024-2026
Références
1. Mouthon L, Clavelou P. Réforme du troisième cycle des études médicales en France. La Presse Médicale Formation. 1 avr 2024;5(2):97-107

