Actualités : La pré-habilitation en gériatrie

Publié le 18 nov. 2024 à 08:54
Article paru dans la revue « AJG / La Gazette du jeune gériatre » / AJG N°37

La pré-habilitation, qu'est-ce que c'est_?

La pré-habilitation a pour objectif d'améliorer les capacités fonctionnelles des patients avant une prise en charge médico-chirurgicale.

Classiquement, la pré-habilitation vient compléter le parcours de soins du patient sur la période pré-opératoire qui sera poursuivie pendant la période péri-opératoire par la Réhabilitation Améliorée Avant Chirurgie, ou RAAC, puis en post-opératoire par la réhabilitation.

Elle a été bien étudiée dans certains domaines précis, comme par exemple la prise en charge des cancers du poumon. Il a en effet été démontré qu'une augmentation des capacités respiratoires en pré-chirurgie était associée à une diminution de la morbi-mortalité post-opératoire (1).

Il en est de même pour le travail des amplitudes articulaires en pré-chirurgie, qui améliore les capacités fonctionnelles de patients opérés d'une prothèse de genou (2) ; ou encore les exercices de rééducation périnéale avant une prostatectomie qui diminuent le risque d'incontinence urinaire par la suite (3).

Aujourd'hui, la grande majorité des programmes de pré-habilitation concernent les prises en charge chirurgicales, et environ la moitié des programmes s'intéresse à des prises en charge oncologiques.

Malgré cette grande hétérogénéité des programmes, la plupart ont un impact positif sur la morbi-mortalité postopératoire, mais également sur la récupération fonctionnelle, ce qui semble être tout à fait intéressant pour nos patients âgés.

Il existe malheureusement très peu d'études s'intéressant aux programmes de pré-habilitation en population gériatrique. Nous pouvons imaginer extrapoler certains de ces programmes pour les patients âgés, en l'adaptant aux caractéristiques gériatriques, pour en faire un programme personnalisé et multimodal.

 

La construction d'un programme de pré-habilitation «_sur mesure_» pour les personnes âgées

La construction d'un programme de pré-habilitation doit donc prendre en compte le type de procédure prévue (chirurgie, traitement médical, radiothérapie, …) avec leurs caractéristiques propres (difficultes post-opératoires attendues, durée du traitement, etc.).

Mais les programmes de pré-habilitation doivent également prendre en compte la population concernée.

Lorsqu'il s'agit d'une population gériatrique et donc très hétérogène, les caractéristiques propres de chaque patient sont à prendre en compte afin d'adapter le programme d'activité physique, mais aussi d'y intégrer une prise en charge mutlimodale (nutritionnelle, psychologique, sociale, etc.).

Par ailleurs, pour les patients âgés, l'objectif principal sera, outre la diminution de la morbi-mortalité, le maintien des capacités fonctionnelles, afin de préserver l'autonomie.

Voici quelques exemples des principales modalités d'un programme de pré-habilitation physique à prendre en compte chez la personne âgée :

 • Le type d'exercice : Il conviendra de proposer à la fois des exercices en endurance (marche, vélo) qui permettent d'augmenter la VO2 max, les capacités cardiovasculaires, de diminuer la masse grasse et de contrebalancer la perte de la densité osseuse liée à l'âge. Mais également des exercices en résistance (renforcement musculaire) qui augmentent la qualité musculaire, ainsi que la force et la puissance.

 • La durée, l'intensité et la fréquence : Dans la littérature spécifique du patient âgé, il a été démontré que c'est l'alternance de phases de travail et de repos qui, si la fréquence de ces phases est respectée, conduit à une phase de surcompensation, au décours de laquelle la personne âgée améliore ses capacités physiques. Une autre donnée est importante à intégrer chez le sujet âgé, c'est le fait que la phase de repos soit allongée, on parle de « récupération retardée ». Cette récupération retardée n'est pas la même pour tous les sujets âgés (elle dépend des capacités physiques initiales, mais aussi de l'intensité de l'exercice) (4).

L'intensité de l'exercice est également un facteur important à prendre en compte car contrairement aux idées reçues, il faut travailler à une intensité suffisante (par rapport aux capacités initiales) pour avoir une réponse positive. La durée totale du programme est également à définir (en général 4 à 6 semaines minimum) en fonction des caractéristiques du patient et de son parcours de soins (urgence du traitement par exemple).

 • La supervision, la tolérance et l'adaptation : La supervision du patient au cours du programme permet d'évaluer la tolérance du patient, et de proposer une adaptation si nécessaire. Toutefois les programmes supervisés nécessitent le plus souvent des déplacements au sein d'une structure hospitalière qui peuvent être fatigants pour les patients âgés ; à l'inverse, les programmes non supervisés limitent parfois la participation du patient.

 À l'instar de la prise en charge gériatrique, qui est le plus souvent une prise en charge multidisciplinaire, le programme de pré-habilitation pour les personnes âgées doit permettre de prendre en compte le patient dans sa globalité. Au programme d'activité physique, il devra donc être ajouté une prise en charge multimodale : nutritionnelle, sociale, psychologique, environnementale, de l'entourage.

En pratique, deux exemples de programmes de pré-habilitation

Un exemple de parcours pré-habilitation au sein d'un hôpital de jour (HDJ)

Hôpital de Villefranche-sur-Saône

Au sein de l'hôpital de Villefranche-sur-Saône, un programme de pré-habilitation avant une chirurgie abdominale lourde a vu le jour ces dernières années.

Ce programme a lieu au sein de l'HDJ de rééducation.

Le repérage des patients pouvant bénéficier de pré-habilitation (dépendant de l'âge, des comorbidités mais aussi de la lourdeur de la chirurgie proposée) a lieu au cours de la consultation avec le chirurgien.

Le patient, et son aidant, rencontrent ensuite une infirmière dédiée qui leur explique le déroulement du programme, leur donne des conseils nutritionnels.

Ils sont ensuite reçus par un moniteur d'activité physique adaptée qui effectue des tests physiques (TUG, test de marche, grip test) et leur remet un livret d'exercices à faire à domicile.

Deux choix sont proposés au patient : un programme supervisé au sein de l'hôpital de jour, 3 séances hebdomadaires en moyenne, proposant une prise en charge multimodale (APA, kiné, psychologue, assistante sociale, diététicien, etc.) ou un programme à domicile avec un kiné libéral.

L'objectif est à terme d'élargir ce programme à d'autres prises en charges chirurgicales dans un premier temps, et pourquoi pas médicales par la suite.

Un exemple de programme d'activité physique, en autonomie, au domicile du patient

Programme CREATE

Le programme québécois CREATE, développé par le Dr Mylène Aubertain-Leheudre est un programme simple, adapté et spécifique d'activité physique.

Il a été développé suite à un constat : l'activité physique au cours des prises en charges oncologiques a fait ses preuves, mais elle reste peu pratiquée et peu prescrite par les médecins.

Il se met en place très facilement : Au cours de la consultation pré-thérapeutique avec l'oncologue ou l'hématologue, le patient est informé des bénéfices de la pratique d'une activité physique, au même titre que des autres traitements, pour la prise en charge de son cancer. Il rencontre par la suite un moniteur d'activité physique qui effectue quelques tests et lui présente un programme de 10/15mn à effectuer quotidiennement à domicile. Les aidants sont également présents au cours de cette consultation afin de les impliquer dans la prise en charge. Ce programme est ensuite prescrit par le médecin.

Il existe 6 programmes différents, adaptés aux conditions de base du patient, allant du patient alité au patient pratiquant une activité physique régulière. À ce programme d'activité physique est également ajouté un objectif de marche, personnalisé également.

Avant chaque séance le patient évalue sa fatigue et en fonction adapte le programme du jour.

Actuellement évalué au cours des traitements oncologiques et hématologiques, les résultats préliminaires sont prometteurs, il pourrait très bien être pensé pour un programme de pré-habilitation.

Pour l'Association des Jeunes Gériatres, 
Dr Louise ANDRÉ 
Gériatre,  Hôpitaux Nord-Ouest Villefranche-sur-Saône

 Bibliographie

1. Cavalheri V, Granger C. Preoperative exercise training for patients with non-small cell lung cancer. Cochrane Database of Systematic Reviews [Internet]. 2017 [cité 27 oct 2024];(6). Disponible sur : https://www.cochranelibrary.com/cdsr/doi/10.1002/14651858.CD012020.pub2/full

2. Does preoperative physiotherapy improve outcomes in patients undergoing total knee arthroplasty? A systematic review - Vasileiadis - 2022 - Musculoskeletal Care - Wiley Online Library [Internet]. [cité 27 oct 2024]. Disponible sur : https://onlinelibrary-wiley-com.ezproxy.univ-catholille.fr/doi/10.1002/msc.1616

3. Quirk H, Rosario DJ, Bourke L. Supportive interventions to improve physiological and psychological health outcomes among patients undergoing cystectomy: a systematic review. BMC Urol. déc 2018;18(1):1-17.

4. Fell J, Williams AD. The Effect of Aging on Skeletal-Muscle Recovery from Exercise: Possible Implications for Aging Athletes. Journal of Aging and Physical Activity. 1 janv 2008;16(1):97-115.

 

Publié le 1731916460000