L’exercice hospitalo-universitaire : complexe ou unique ?

Publié le 20 Dec 2024 à 16:21
Article paru dans la revue « CFE CGC / Espace Santé au Travail » / CFE-CGC N°72

Le statut hospitalo-universitaire peut sembler complexe de prime abord. Il est surtout unique, et comme il concerne peu de professionnels (0.25 % des fonctionnaires d'État), il est souvent mal connu. Nous vous proposons ici un rapide tour d'horizon de l'exercice hospitalo-universitaire et des enjeux actuels.

Les hospitalo-universitaires (HU) regroupent tous les personnels, titulaires ou non, ayant une mission unique de soin, d'enseignement et de recherche dans les universités et les établissements de santé, notamment les CHU (centres hospitaliers universitaires). La mission unique permet d'évoluer au cours de la carrière dans les différentes fonctions avec une vision transversale indispensable à la cohérence du système de santé sur les trois valences suivantes : soin, recherche et formation. La complexité des organisations de l'hôpital, de l'université et des structures de recherche s'accumule pour rendre cette mission difficile à remplir. Sont des hospitalo-universitaires titulaires les professeurs (PU-PH : professeurs des universités – praticiens hospitaliers) de médecine, d'odontologie et de pharmacie, au nombre de 4500 environ en France, et les maîtres de conférences – praticiens hospitaliers (MCU-PH), au nombre de 2000 environ 1.

Alors que le nombre d'étudiants en médecine a triplé depuis 30 ans et qu'il est prévu de former encore plus d'étudiants en santé dans les années à venir pour contrer le défaut d'accès aux soins, le nombre de hospitalo-universitaires titulaires (PU-PH et MCU-PH) s'est réduit. Le déficit chronique dure depuis près de 30 ans puisqu'en 1996, on comptabilisait au total 7811 hospitaliers et universitaires titulaires en médecine, pharmacie et odontologie 2, soit une baisse totale de 14,5 % des effectifs sur cette période ! Parallèlement, le nombre d'étudiants et d'internes à former en médecine a pratiquement triplé avec une baisse de 2,3 % du nombre de HU titulaires en médecine. Le nombre de CHU a augmenté, de nouvelles disciplines ont été créées et des postes ont été affectés à la médecine générale. L'encadrement a donc considérablement diminué, ce qui risque de se poursuivre en cas d'augmentation future du nombre d'étudiants à former.

En outre, on note une vague inédite de départs volontaires des HU titulaires ces dernières années 3, 4, et un manque certain d'engouement des plus jeunes pour les carrières HU. En effet, si ces carrières apparaissent passionnantes, elles sont d'accès particulièrement long et difficile. Les HU s'inquiètent donc dû criant et récent manque d'attractivité de leur métier, qui menace la qualité du dossier : l'hôpital face au défi de la complexité de la formation des étudiants en santé, ainsi que l'excellence des soins et de la recherche médicale dans notre pays. Sans HU, pas de CHU ni de faculté de médecine ni de développement de la recherche en santé ! L'inquiétude des HU se traduit par une hausse considérable des mises en disponibilité (+133,7 %) et une cessation d'activité avec un départ à la retraite plus précoce. L'activité au-delà de l'âge légal de départ à la retraite a reculé de 68,6 % sur la période 2006-2016. L'application d'une réforme des retraites spécifique aux HU, imposée sans aucune négociation avec la mise en place d'une cotisation obligatoire à l'IRCANTEC au 01/09/2024 et la baisse de la rémunération correspondante ne peut qu'aggraver ce malaise.

Alors que de multiples rapports pointent ces menaces depuis plusieurs années6, et que Le SHU, membre de l'INPH, a multiplié les alertes auprès des pouvoirs publics7, la réponse concrète du gouvernement reste insuffisante.

Le SHU attend donc du gouvernement actuel des mesures fortes pour, d'une part, stopper l'hémorragie de départs des HU, et d'autre part, pour que les plus jeunes aient de s'engager dans des carrières HU.

Plus précisément, les revendications portent en particulier sur les deux points suivants :

1-Une meilleure retraite de l'État

Les HU titulaires appartiennent à la Fonction publique de l'État. Du fait des nombreux et ardus prérequis pour être nommés, ils deviennent fonctionnaires à un âge tardif (44 ans en moyenne pour les PU-PH et 37 pour les MCU-PH). Le montant de leur retraite était donc jusqu'à présent en moyenne égal à 30 % de leur dernière rémunération, ce qui est très inférieur à la moyenne des fonctionnaires d'État. Cette injustice durait depuis 1958 !

La décision récente du gouvernement d'affilier les HU à l'IRCANTEC ne correspond pas au scénario plébiscité par les syndicats8, comme indiqué dans le rapport Uzan de 20236. Cela dissocie la rémunération hospitalière de celle de l'université et dégrade le statut de fonctionnaire d'État.

Le SHU demande :

• Le retrait immédiat du décret n° 2024-767 du 8 juillet 20249 instaurant une retraite complémentaire à l'IRCANTEC sur les revenus hospitaliers des HU ; 

• L'ouverture de négociations pour l'intégration de l'ensemble de la rémunération des HU dans le système de retraite de l'État des fonctionnaires ; 

• Et le rétablissement de la possibilité de validation des services auxiliaires, qui permet de prendre en compte les fonctions exercées avant titularisation dans la durée totale de cotisation dans leur carrière de fonctionnaire.

2-Une absence de baisse de salaire

L'affiliation à l'IRCANTEC s'est automatiquement accompagnée d'une baisse de 5,21 % de la rémunération, alors que la rémunération des HU a déjà baissé (en euros constants) de près de 20 % depuis 30 ans10. Cette affiliation entraîne une perte annuelle brute moyenne de 2232 € pour les MCUPH et de 2628 € pour les PU-PH, soit plus de 70K€ et 95K€ pour une carrière de MCU-PH et PUPH respectivement. Le choix du gouvernement de faire cotiser des fonctionnaires d'État à une caisse complémentaire de non-titulaires au lieu du système de retraite de l'État est contestable et entraîne une dévalorisation de la carrière HU au cours de la vie active pour une retraite hospitalière au rabais. De fait, la mise en place d'une retraite complémentaire hospitalière, retraite qui n'avait pas été instituée depuis la création du statut HU en 1958, est un affront pour les HU !

Le SHU demande donc :
L'ouverture de négociations interministérielles hospitalo-universitaires pour une revalorisation de la carrière et une retraite digne à la hauteur de l'engagement des HU.

Pr Céline PULCINI
Pour le SHU (Syndicat des Hospitalo-Universitaires)

Pr Guillaume CAPTIER 
Pour le SHU (Syndicat des Hospitalo-Universitaires)

1. https://www.cng.sante.fr/sites/default/files/media/2023-04/Recap_HU_2023_VF.pdf.

2. DGRH A1-GESUP, évolution des HU de 1996 à 2016.

3. https://www.cng.sante.fr/sites/default/files/media/2024-07/bilan_hu_2024_vf.pdf.

4. https://www.le-shu.fr/wp-content/uploads/2023/12/SALVESHUVF.pdf.

5. Donnée CNG 2024. 

6. https://www.le-shu.fr/wp-content/uploads/2023/09/Rapport-retraites-HU-Uzan-2023-08042023.pdf 7. https://www.le-shu.fr.

8. https://sante.gouv.fr/professionnels/se-former-s-installer-exercer/article/un-regime-de-retraite-ameliore-pour-les-professionnels-hospitalo-universitaires.

9. Relatif à l'assiette et aux taux de cotisations des personnels hospitalo-universitaires titulaires affiliés à l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques.

10. https://conferencedesdoyensdemedecine.org/wp-content/uploads/2023/12/AHU2023_10_propositions.pdf.

Publié le 1734708089000