Il tousse docteur, on lui donne du sirop ?

Publié le 10 May 2022 à 13:50

RECOMMANDATION AFSSAPS 2010 :
PRISE EN CHARGE DE LA TOUX CHEZ LE NOURRISSON DE MOINS DE 2 ANS

Combien de nourrissons a-t-on vu aux urgences avec des sirops ou des suppositoires contre la toux sur conseil de leur pharmacien ou prescription de leur médecin de ville ?
Pourtant la plupart les anti-tussifs sont contre-indiqués chez les moins de 2 ans.
Des recommandations très claires sont parues en 2010 éditées par l’AFSSAPS et sont toujours d’actualité.

Recommandation AFSSAPS 2010
Une part importante de la prise en charge consiste à rassurer les parents et à leur expliquer tout simplement pourquoi leur enfant tousse :
On définit une toux comme aiguë si elle dure moins de trois semaines. Au-delà, on parle de toux subaiguë puis chronique. La toux constitue un réflexe naturel de défense de l’organisme qu’il convient de respecter et qui est liée le plus souvent à une simple infection virale des voies respiratoires (rhinopharyngite, bronchite). Dans la majorité des cas, la toux disparaîtra dans un délai maximal de 10 à 14 jours. Dans certains cas, elle pourra régresser plus lentement en 3 à 4 semaines sans pour autant être liée à une complication, qu’il conviendra cependant d’éliminer.

Comment prend-t-on en charge cette toux ?
Aucune spécialité utilisée dans la toux chez le nourrisson n’a démontré qu’elle diminuait la durée et l’intensité des épisodes de toux ; de plus, ces spécialités présentent dans certains cas des effets indésirables.

=> IL N’Y A PAS LIEU DE PRESCRIRE UN ANTI-TUSSIF CHEZ LE NOURRISSON

La prise en charge repose sur des mesures hygiéno-diététiques :

  • Désobstruction nasale pluriquotidienne au sérum physiologique en cas d’encombrement nasal.
  • Eviction de l’exposition au tabac (ne pas fumer au domicile y compris dans une autre pièce que celle où dort le nourrisson).
  • Hydratation régulière du nourrisson et limitation de la température à 19-20°C dans la chambre.

Pas de médicaments docteur ?
Les antipyrétiques peuvent éventuellement être prescrits en cas de fièvre associée et mal supportée.

MAIS :

Les bronchodilatateurs inhalés ne sont pas recommandés chez un nourrisson non asthmatique.

Les antibiotiques sont non seulement sans effet, et susceptibles de développer des résistances à n’importe quel stade de l’évolution d’une rhinopharyngite simple. Ils sont également inefficaces sur la durée de la toux dans cette situation.

Les corticoïdes par voie générale ou par voie inhalée ne sont pas recommandés en cas de toux aiguë en rapport avec une rhinopharyngite, une pharyngite, une laryngite non dyspnéïsante, une trachéite, une bronchite, et au cours du premier ou du deuxième épisode de bronchiolite aiguë du nourrisson.

Les antisécrétoires gastriques sont sans effet en l’absence d’un reflux gastro-oesophagien clairement identifié

ET DANGER !!
Les médicaments par voie orale, inhalée, nasale ou en application cutanée contenant des dérivés terpéniques (ex : camphre, eucalyptol, etc.) sont contre-indiqués chez les nourrissons et les enfants âgés de moins de 30 mois en raison de leur risque neurologique, en particulier convulsivant.

Même pas de la kiné ?
Il n’est pas nécessaire de prescrire de la kinésithérapie respiratoire chez un nourrisson présentant une toux aiguë liée à une infection banale des voies respiratoires, non compliquée (à discuter en cas de bronchiolite).

Et le sirop contre la toux ?
Depuis le 29 avril 2010, les spécialités mucolytiques (acétylcystéine, carbocistéine), mucofluidifiantes (benzoate de méglumine : FLUISÉDAL®) et l’hélicidine sont contre-indiquées chez le nourrisson (moins de deux ans) en raison du risque de majoration de l’encombrement bronchique.

Les sirops antitussifs centraux à base d’opiacés, sont contre-indiqués chez les nourrissons en raison de leur effet dépresseur respiratoire.
La prise de miel n’est pas recommandée chez les enfants de moins d’un an : risque de botulisme.

Les autres antitussifs étant sur le point d’être contre-indiqués en 2010
Des travaux étaient en cours en 2010 devant conduire à contre-indiquer les antihistaminiques H1 de première génération utilisés dans le traitement symptomatique de la toux chez le nourrisson regroupant des phénothiazines (prométhazine RHINATHIOL®, alimémazine THÉRALÈNE® et oxomémazine), la chlorphéniramine, le pimétixène CALMIXÈNE® et le fenspiride PNEUMOREL®. Ceci en raison des effets indésirables rapportés dans cette tranche d’âge, de l’effet sédatif et de dépression respiratoires qui pourrait être délétère en cas d’encombrement bronchique et du fait que ces médicaments n’ont pas clairement fait la preuve de leur efficacité. La contre-indication des antihistaminiques H1 était déjà effective ou sur le point de l’être au Canada, Etats-Unis, Royaume-Uni et dans plusieurs autres pays européens.

Il était, en outre, envisagé en 2010 de contre-indiquer le fenspiride chez le nourrisson.

De même toutes les spécialités suppositoires terpéniques chez les enfants de moins de 30 mois, et chez les enfants, quel que soit l’âge, ayant des antécédents de convulsion fébrile ou de crise d’épilepsie en raison de leur risque potentiel de convulsions et/ ou d’équivalents convulsifs.

Et depuis 2010 ?
Les antihistaminiques H1 de première génération ont été contre-indiqués chez le nourrisson.

Le fenspiride (qui est aussi un antihistaminique H1) a également été contre-indiqué chez l’enfant de moins de 2 ans.
Les spécialités suppositoires terpéniques chez les enfants de moins de 30 mois aussi.

Et pour finir : demandez aux parents s’ils savent ce qu’est l’hélicidine…

Daphnée Piekarski
Article paru dans la revue “Association des Juniors en Pédiatrie” / AJP n°15

Publié le 1652183441000