
Les néoplasies myéloïdes secondaires reliées au traitement (Therapy-related myeloid neoplasms ou t-MN), comprenant les syndromes myélodysplasiques (t-SMD) et les leucémies aiguës myéloïdes (t-LAM), ont émergé comme des complications tardives significatives après la thérapie par cellules CAR-T. Nous avons rétrospectivement analysé 539 patients atteints de lymphome B traités par thérapie CAR-T anti-CD19 (axi-cel, tisa-cel, liso-cel ou brexucel) dans quatre centres français (Lyon, Lille, St-Etienne et Caen). Les incidences cumulées des t-MN ont été estimées en traitant la rechute ou le décès comme des risques compétitifs. Des analyses univariées et ajustées par score de propension (Propensity score matching ou PSM) ont été réalisées pour évaluer les facteurs de risque, en tenant compte de l'âge et du nombre de traitements antérieurs comme covariables. Après un suivi médian de 25 mois, l'incidence cumulée des t-MN était de 4,5 % à 2 ans (95% CI, 2.8 – 6.9), et l'incidence projetée à 4 ans de 10 % (95% CI, 6.4 – 15). Les t-MN étaient principalement des t-SMD (64,3 %) et des t-LAM (35,7 %) avec des risques cytogénétiques élevés. La survie globale médiane après le diagnostic de t-MN était de 4,5 mois. Après analyse univariée, un âge avancé (HR 1,04 ; p inférieure à 0,01), un volume globulaire moyen (VGM) élevé (HR 1,10 ; p inférieure à 0,01) et un grade ICANS élevé (HR 1,33 ; p=0,04) étaient associés à un risque accru de t-MN. Après ajustement par PSM, le VGM et le grade ICANS restaient des facteurs de risque significatifs. Les CAR-T avec comme domaines de co-stimulation le CD28 (axi-cel et brexu-cel) montraient une tendance vers un risque accru de t-MN (HR 2,15 ; p=0,09) sans atteindre le seuil de significativité. Une analyse NGS rétrospective a révélé que 85,7 % des cas de t-MN présentaient des mutations préexistantes avant l'infusion de CAR-T, principalement TP53 (50 %). Cette étude met en évidence les t-MN comme une complication tardive grave du traitement CAR-T cell anti-CD19. Le VGM avant lymphodéplétion et le grade ICANS ont été identifiés comme des facteurs de risque majeurs. La sélection clonale, en particulier des clones mutés TP53, pourrait être à l'origine du développement des t-MN. Des études supplémentaires sont nécessaires pour élucider le rôle des produits CAR-T et des cytokines dans la pathogenèse des t-MN.

Incidence des t-MN avec le décès et la rechute traités comme des risques compétitifs.

Dr Nicolas GAZEAU
CCA, Service d'allogreffe et de thérapie cellulaire au CHU de Lille

