Actualités : Glioblastome : une clinique subtile justifiant l’importance de l’IRM

Publié le 27 mai 2025 à 10:57
Article paru dans la revue « AJG / La Gazette du jeune gériatre » / AJG N°38

Vous recevez dans vos lits de MCO un patient de 85 ans, admis aux urgences pour chute avec traumatisme crânien, a priori sans perte de connaissance initiale. La chute est survenue de manière inexpliquée le 3 mars : il est retrouvé au sol par son épouse. Elle le décrit éveillé à son arrivée, grimaçant, sans décortication ni décérébration. Il aurait chuté en arrière au regard des plaies retrouvées au niveau occipital gauche, mais présente une totale amnésie des faits.

Anamnèse récente

L'épouse mentionne un déclin cognitif fluctuant depuis 9 mois environ, avec un diagnostic de trouble neurocognitif mixte d'Alzheimer et vasculaire (MMSE à 23/30 en janvier).

Il présente aussi un déficit progressif neurologique à type de faiblesse des membres supérieur et inférieur droits, avec un déficit de proprioception prédominant à droite depuis 2 mois, ainsi que des troubles de la vision, avec probables héminégligence et dysmétrie.

Fin décembre, on note un changement important dans le comportement du patient coïncidant avec la majoration de la MEMANTINE : altération de l'état général, régression psychomotrice, désorientation, somnolence, instabilité à la marche avec traumatismes des membres, difficultés d'habillage, problèmes d'inattention et lenteur. Tout ceci entraînant des chutes à répétition.

Dans ses antécédents, on note un méningiome temporal droit traité en 2000, opéré par Gamma Knife en 2011, et persistant en temporal interne droit avec des signes de leucoaraïose modérée sur une IRM 6 mois auparavant ; un diabète de type 2 ; une cardiopathie ischémique stentée et hypertensive ; un mélanome du coude gauche pris en charge chirurgicalement ; un cancer de prostate traité par prostatectomie et radiothérapie. Une néphrectomie droite en contexte de néoplasie est aussi rapportée.

En termes d'autonomie :

ADL : 4/6 - Autonome pour : Transferts, Aller aux WC, Alimentation - Doit être aidé pour : Toilette 0.5, Habillage 0.5, Continence 0

IADL : 2/8 - Autonome pour : téléphone et budget - Doit être aidé pour : ne conduit pas depuis 4-5 mois quand il allait faire un accident ; n'a jamais fait cuisine, lessive ou ménage, fait les courses avec son épouse car ne peut plus conduire.

Aux urgences

Le patient est Glasgow 15, hypertendu à 188/81 mmHg, normocarde à 91 bpm, sature à 95 % en air ambiant. La glycémie capillaire est à 1,35 g/l.

Cliniquement, il est orienté dans le temps et dans l'espace, présente un déficit hémicorporel droit avec une hémiparésie de la main droite, une hémiplégie complète du bras et du membre inférieur droits, avec un réflexe cutanéo-plantaire indifférent et des céphalées modérées. Il existe une plaie occipitale gauche. Le reste de l'examen est sans particularité.

Le bilan biologique ne retrouve pas de syndrome inflammatoire biologique, pas d'anémie, plaquettes à 156 G/l, troponines à 10ng/mL.

L'ECG est sinusal, le TROD COVID est négatif et le Quick test est positif.

Un scanner cérébral est réalisé retrouvant :

Un hématome intra-parenchymateux frontal gauche précentral, mesurant 25 x 16 mm, entourée d'un liseré d'œdème péri-lésionnel.

Une hémorragie sous arachnoïdienne pariétale bilatérale.

Un hématome sous-cutané pariétal gauche de 7 mm d'épaisseur.

On note l'apparition d'un syndrome de masse pariéto-occipital droit, mesurant environ 4,8 x 4,2 cm, prenant le contraste après injection, montrant des signes d'hyperperfusion, associé à de multiples prises de contraste avoisinante pariéto-occipitale nodulaires centimétriques et infracentimétriques et un œdème péri-lésionnel minime en regard.

Enfin, il existe un minime effet de masse sur le ventricule latéral droit ainsi qu'une lésion tempo ro-polaire droite de 13 mm, prenant le contraste.

Un avis neurochirurgical est pris : métastases cérébrales diffuses, saignement d'une métastase frontale gauche. Pas d'indication neurochirurgicale.

Un avis neurologique est pris : lit strict avec contrôle tensionnel par protocole d'Urapidil pour une TAS maximale à 150 mmHg. Indication à un scanner de contrôle à 48h et une IRM complémentaire sans urgence. Pas d'anticoagulation préventive dans l'inter valle. Pas de nécessité d'hospitalisation en neurologie.

La plaie est suturée et le patient est transféré dans le service de médecine gériatrique pour la suite de la prise en charge.

En médecine gériatrique, l'examen neurologique retrouve un score de Glasgow à 15/15 : patient orienté dans le temps et dans l'espace, faiblesse musculaire aux membres supérieur 3/5 et inférieur droits 1/5, champ visuel gauche imperceptible, nerfs crâniens III, IV et VI intacts, nerf accessoire droit en déficit (le patient n'a pas pu relever l'épaule droite). Il reste capable de dévier la tête à gauche mais sans résistance, avec notion d'une difficulté chronique préexistant au niveau C5.

La prise en charge regroupe : optimisation des ACSOS en phase aiguë, tentative de mobilisation pas kinésithérapie fonctionnelle et adaptation de l'environnement par ergothérapeute.

Absence de progression clinique, favorable ou non.

À quoi pensez-vous ?

Compte-tenu de ses antécédents et des métastases décrites, recherche d'un cancer primitif métastatique d'emblée ? Probable atteinte cognitive et troubles du comportement dans ce contexte d'évolution de lésions cérébrales ? Évaluation gériatrique standardisée afin d'évaluer la pertinence d'un futur traitement par le prisme de l'oncogériatrie ?

Voici les examens complémentaires déjà prévus par l'équipe des urgences :

Contrôle du scanner cérébral à 48h : Apparition d'un hématome sous-dural fronto-pariétal gauche mesurant 12 mm en épaisseur maximale d'allure non chronique. Absence de signe d'engagement ou d'hydrocéphalie. Stabilité de l'hématome intraparenchymateux frontal supérieur gauche pré-central, mesurant 25 x 16 x 19 mm et de l'hémorragie sous arachnoïdienne frontal bilatérale.

IRM cérébrale du 10/03 : Prise de contraste anfractueuse, développée aux dépens de la région pariétale droite, notamment une lésion de 30 x 34 mm, associant multiples prises de contraste satellite du même lobe, nette atteinte corticale notamment cingulaire postérieur, net infiltrat hyper FLAIR adjacent aux prises de contraste, associant atteinte corticale et sous-corticale, non en faveur d'un œdème vasogénique, plutôt de nature tumorale, gliome de haut grade multifocal ? Lésion secondaire en deuxième intention.

Perte de substance cortico-sous-corticale, en région temporo-polaire droite, sur site opératoire, associant une prise de contraste d'11 mm, non en faveur d'une dilatation anévrismale, récidive locale ? Lésion de novo ?

Par ailleurs, évolution naturelle d'un hématome subaigu précoce, sans traduction suspecte formelle, frontal supérieur / cingulaire antérieure gauche.

Lame d'hémorragie sous-arachnoïdiennes frontales supérieures bilatérales.

Contamination hémorragique intraventriculaire dé clive a minima.

Réalisation d'une RCP avec neurologues et neuro-chirurgiens le 14/03/2024 suite aux résultats de l'IRM :

 Diagnostic d'un glioblastome de haut grade, sévère, et à risque de progression rapide. Risque de complication à type d'épilepsie, de troubles de la vigilance, de troubles de la déglutition, …

Décision collégiale d'un passage en soins palliatifs devant l'absence de sanction thérapeutique envisageable.

 Entretien auprès de la famille, avec annonce diagnostique et explication du projet établi avec soins de conforts exclusifs. Décision commune d'organiser un retour à domicile avec mise en place d'une HAD Soins Palliatifs pour permettre un accompagnement adapté.

Décès à domicile le 25 mai.

Points de réflexion

Ce patient, de haut niveau socio-culturel et ancien historien, a présenté un déclin cognitif rapidement progressif associé à des troubles locomoteurs mis sur le compte de troubles neurocognitifs mixtes évolutifs.

A priori, l'IRM cérébrale de septembre ainsi que le scanner cérébral réalisé aux urgences n'objectivaient pas de lésion responsable du tableau clinique.

Cependant, 6 mois plus tard, en mars, on mettait en évidence un glioblastome à l'IRM cérébrale. Le délai pour une prise en charge thérapeutique active était malheureusement dépassé.

Ce type de patient bénéficie souvent d'un contrôle scannographique cérébral car demandé par les équipes de neurologie/neurochirurgie, mais plus rarement d'une IRM de par la difficulté d'accessibilité, les délais de réalisation et la priorisation vers d'autres patients estimés parfois plus éligibles. Néanmoins, dans cette situation, le scanner (et son interprétation) ne mettait pas du tout en évidence cette lésion, pourtant extrêmement grave, engageant malheureusement le pronostic vital à court terme.

 

Ce cas clinique met ainsi en évidence l'importance de prendre en plus considération la place de l'IRM cérébrale dans la prise en charge de nos patients, malgré de fréquentes difficultés d'accès et disponibilité.

Pour l'Association des Jeunes Gériatres
Dr Marine OECHSLIN
Assistante spécialisée Médecine Gériatrique - CHU Carémeau NÎMES (30)
Relecture par
Dr Floriane BRIL

Publié le 1748336227000