
Un peu d'histoire
Venant du Grec ancien « ergon » (activité) et « therapeia » (soin), la spécialité d'ergothérapie porte dès son origine la notion d'activité au premier plan. Introduite dans le nord des États-Unis au début du XXème siècle, l'« Occupational therapy » est d'abord organisée autour des hôpitaux psychiatriques par des infirmières ciblant l'action pour améliorer la santé et la réadaptation au travail. C'est à l'issue de la Seconde Guerre Mondiale et sous l'impulsion de l'OMS que l'ergothérapie fait sa place en Europe, avec la création de la Fédération Mondiale des Ergothérapeutes (WFOT) en 1952, puis des deux premières écoles françaises, à Nancy et Paris. Parmi les dates clés, il pourra être noté l'instauration du Diplôme d'État en 1970, et l'obtention du droit de prescription des aides techniques, plus récemment, en 2022-2023. Selon la WFOT, l'objectif principal de l'ergothérapie est de permettre aux personnes de participer aux activités de la vie quotidienne.
Notions générales
La maladie de Parkinson est une maladie dégénérative chronique avec une perte de neurones dopaminergiques au niveau des noyaux gris centraux (ou ganglions de la base) qui ont une portion motrice, une portion associative (orientée vers la cognition) et une portion limbique (orientée vers les émotions). Les différentes déficiences vont donc entraîner plus de limitation d'activité et davantage de restrictions de participation qui vont placer l'ergothérapie au cœur de la prise en charge des patients parkinsoniens.
Dans cette maladie neurodégénérative avec atteintes motrices et non motrices multiples, l'environnement du patient va être mis à l'épreuve et la conservation de ses propres repères va devenir un enjeu majeur. Le domicile est en effet le lieu avec le plus de points de repères connus, son maintien y est d'autant plus important. Le travail en ergothérapie aura pour objectif d'anticiper et de faire face aux différentes contraintes imposées par une maladie dynamique, au sein d'un environnement personnel et unique à chaque patient.
Plus en détail
Une fois le diagnostic initial effectué et le traitement instauré, le patient entre souvent dans une période dite de « lune de miel » au cours de laquelle le médicament permet un équilibre avec un bon contrôle des symptômes.
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, l'ergothérapie peut dès à présent s'avérer intéressante. En effet, des évaluations du domicile qui prennent en compte les patients parallèlement à la Classification Internationale du Fonctionnement - CIF (déficience supérieur à activité supérieur à participation) permettent de prendre connaissance des habitudes, difficultés et ressources propres à chaque patient en vie réelle. Ces interventions vont permettre une prise en charge plus précoce permettant non seulement de repérer des problématiques « occupationnelles » et donc susceptibles de passer inaperçues lors de bilan hospitalier, mais aussi de poursuivre plus longtemps les activités physiques et cognitives. Ce maintien des activités et donc de leurs bénéfices favorise la transmission dopaminergique in situ, mais c'est surtout le meilleur moyen d'éviter le déconditionnement et de faire travailler le patient dans des tâches écologiques complexes. Aussi, l'adaptation pure du logement rend possible une meilleure prévention des chutes, que ce soit en retirant le tapis dans un couloir ou en ajoutant un tapis antidérapant dans la douche par exemple.
Peu à peu les symptômes se majorent ensuite avec l'évolution de la maladie et la tolérance vis-à-vis du traitement. Les troubles, qu'ils soient moteurs ou non, limitent davantage le patient et l'ergothérapeute doit cibler sa prise en charge en fonction des situations de vie quotidienne pour éviter de mettre à mal l'autonomie des patients.
En ce qui concerne le freezing par exemple, il peut tout à fait se manifester uniquement lors de certaines situations. Dès lors, il convient de les repérer pour proposer des solutions adaptées. L'ergothérapeute peut en effet être amené à conseiller le changement d'un seuil de porte afin de faciliter son passage, ou bien à modifier le motif au sol dans une pièce. De même, il peut construire avec le patient des schémas de réflexion pour décomposer en étapes simples une situation plus complexe, comme le passage d'un rebord de douche source de freezing par exemple : « avancer d'abord en face de celui-ci, s'arrêter, attraper la barre d'appui, passer le pied droit de l'autre côté, passer le pied gauche également ». Il est utile d'ailleurs d'inciter le patient à s'exercer avec une répétition mentale avant la réalisation vraie. On conseille de réaliser les demi-tours en « arc-en-ciel » afin de réduire le freezing et les chutes, c'est-à-dire de chercher volontairement à décrire un plus grand rayon de courbure que le pivot unique autour d'un pied. De nombreux dispositifs sont développés pour lutter contre le freezing, on peut citer par exemple les appareils de stimulation visuelle type Skywalk® qui tracent une ligne au sol avec un laser déclenché lorsque le patient fige, ou les déambulateurs type Gemino® qui intègrent le laser à l'aide technique.

Séance d'ergothérapie axée sur l'adaptation des smartphones pour les patients souffrant de tremblements. Les participants découvrent comment utiliser la commande vocale et modifier les réglages de l'écran
La triade motrice entre l'hypertonie extra-pyramidale, la bradykinésie-akinésie et le tremblement de repos est également à l'origine de nombreuses interventions en ergothérapie. En effet la dextérité peut se retrouver diminuée et entraîner certaines limitations. Il peut alors être recommandé par exemple d'installer une boule de préhension sur le volant de la voiture afin de faciliter la prise lors de la conduite automobile. L'utilisation de feuilles ou cahiers avec lignes permettant de guider l'écriture ont également un impact significatif pour limiter la micrographie. De même, l'utilisation d'un stylo à bille pour écrire permet de faire glisser la pointe plus facilement sur la feuille, tandis que des systèmes amovibles renforcent la prise autour du stylo. Le travail de double tâche en séance et en auto-exercice est aussi intéressant pour limiter le tremblement de repos dans des situations écologiques comme le fait de cuisiner en écoutant la radio, en se déplaçant dans la pièce ou en discutant avec quelqu'un. Ces activités en apparence simples sont en effet coûteuses et associent les versants cognitifs et moteurs au sein de doubles ou triples tâches (voire plus) en réalité : déplacement, réflexion, usage d'objet et écoute simultanée. La rigidité extra-pyramidale est aussi à l'origine de troubles posturaux plus ou moins marqués. L'ergothérapeute réalise un bilan postural assis et debout pour proposer des positionnements plus adaptés. L'utilisation de coussins, de correcteurs de postures ou d'aides techniques à la marche pourra se révéler pertinente. Progressivement, il sera judicieux de s'attarder sur la sécurisation des transferts par entraînement, facilitation, et/ou compensation avec matériel : le professionnel peut recommander des barres de redressement, une décomposition de séquences motrices en tâche unique, un travail de dissociation axiale et de retournement / relever du sol en séance. L'akinésie se manifeste aussi par un manque d'initiation et d'activité qui passe par un travail d'éducation thérapeutique du patient comme des proches, pour stimuler et mettre en place des routines par exemple.

Séance d'ergothérapie axée sur l'adaptation des smartphones pour les patients souffrant de tremblements. Les participants découvrent comment utiliser la commande vocale et modifier les réglages de l'écran
Dans la maladie de Parkinson, les mouvements automatiques tels que la marche ou l'écriture sont altérés. L'adaptation environnementale lors de la marche par l'utilisation d'un indiçage rythmique auditif a montré une amélioration significative sur la vitesse de marche et la longueur de pas notamment. L'ergothérapeute peut aussi entraîner le patient à prendre conscience de l'action en cours pour cibler volontairement son attention sur cette tâche normalement automatique afin de pallier les difficultés exprimées. L'évolution de la pathologie étant dynamique, l'ergothérapeute doit adapter ses propositions au cours du temps : il peut évoquer progressivement différentes aides techniques en fonction de l'aggravation du syndrome parkinsonien. Néanmoins, il doit réfléchir avec les fluctuations motrices puisque le même malade le même jour peut se trouver plus ou moins capable en fonction du moment par rapport à la prise de traitement, tout en gardant le même environnement : il faut donc anticiper et adapter les aides techniques dans le domicile. On note d'ailleurs que l'usage d'aides techniques type déambulateurs est à retarder dans la mesure du possible pour privilégier les dispositifs type cannes, qui continuent de solliciter les réactions d'équilibre antéro-postérieur, luttant ainsi contre la rétropulsion.
Par ailleurs, les performances cognitives des patients peuvent aussi être altérées, et ce d'autant plus que les troubles du sommeil ou anxio-dépressifs sont présents. Le travail d'ergothérapie se concentre alors à faciliter l'organisation quotidienne des patients avec l'usage d'agendas manuscrits ou téléphoniques, ces derniers ayant l'avantage de pouvoir mettre en place des alarmes si besoin. Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) vont aussi pouvoir favoriser la prise de conscience du trouble et du schéma conduisant au déconditionnement et à l'isolement. Des professionnels sont parfois formés aux TCC. Les exercices de mémoire, lecture, ou raisonnement permettent ainsi de préserver l'autonomie des patients. Le travail cognitif et de l'écriture est réalisé à la fois par les orthophonistes et ergothérapeutes, mais ces derniers se concentrent davantage sur la manière de faire plus que sur le résultat pur. De plus, tous les patients ne sont pas forcément suivis par les deux professionnels donc l'ergothérapeute peut être le seul à agir dans ce domaine, surtout dans un premier temps.
Un dernier élément essentiel bien que souvent méconnu, est le travail d'adaptation des activités dans la journée pour s'adapter aux fluctuations et à la fatigue. Il consiste à identifier dans la journée les activités réalisées par les patients et la fatigue qu'ils ressentent, mais aussi à identifier les horaires dits ON et OFF, afin de proposer une réorganisation des journées et une modification des activités (utilisation d'aides techniques, adaptation des ustensiles par exemple). Le but est de préserver de l'énergie pour les activités qui apportent du plaisir. Par exemple, en présence d'une importante akinésie en phase OFF, le temps d'habillage peut être excessivement long et fatigant. Nous préconisons dans ce cas d'adapter les vêtements, d'utiliser des techniques de déblocage moteur et de modifier l'horaire d'habillage et de toilette pour en réduire le temps et la pénibilité. Cette réorganisation et adaptation des activités est très efficace.
Où trouver les ergothérapeutes en France ?
Ils travaillent pour la plus grande majorité dans des structures de soins (hôpitaux, cliniques et SSR) au sein desquelles leur prise en charge est comprise dans le forfait hospitalier. Il existe souvent des équipes d'hospitalisation à domicile de rééducation (HAD-R) au sein des SSR. En règle générale, il n'y a pas de remboursement par la Sécurité sociale pour un exercice libéral. Il existe parfois un remboursement par certaines mutuelles et/ou caisses de retraite (accessible pour des prises en charge en cabinet mais aussi au domicile), notamment dans le cadre d'affections de longue durée comme la maladie de Parkinson, il est alors recommandé d'avoir une prescription médicale pour en bénéficier. Depuis l'été 2023, les ergothérapeutes sont autorisés à prescrire certains dispositifs médicaux (allant du lit médical à la canne simple – liste complète disponible sur le site de l'Assurance maladie), sous réserve d'une prescription médicale initiale indiquant la prise en charge en ergothérapie et dans le respect des procédures prévues.
En bref
Dans l'accompagnement et la prise en charge des patients atteints de maladie de Parkinson, l'ergothérapie joue une place centrale afin de permettre aux personnes de conserver autant d'activités et donc d'autonomie que possible, en s'adaptant au fur et à mesure de l'évolution et des fluctuations de cette pathologie dynamique.
En effet, en facilitant l'environnement, le risque de complications médicales est amoindri (chutes notamment), l'activité physique (avec ses bienfaits propres) est maintenue plus longtemps, et les fonctions cognitives (par le maintien des interactions sociales) sont mieux conservées : la charge générale de la pathologie sur le vécu quotidien est ainsi améliorée. Si le patient et son éducation thérapeutique sont au cœur de la prise en charge, celle-ci doit impérativement comprendre l'éducation des proches en parallèle car les bienfaits des activités physiques ou cognitives résident dans leur régularité. L'entourage (en plus d'être souvent un aidant important dans les stades plus avancés) peut ainsi jouer un rôle lorsque la discipline personnelle est difficile à conserver.
Je remercie vivement Fabrice NOUVEL (Ergothérapeute au CHU de Nîmes) pour son aide et sa participation à la rédaction de cet article !
Landry DARLEY
Références
• https://www.franceparkinson.fr/ (Association France Parkinson).
• https://wfot.org/ (World Federation of Occupational Therapists).
• https://anfe.fr (Association Nationale Française des Ergothérapeutes).
• Collège de Médecine Physique et Réadaptation, 8ème édition, Elsevier Masson.
• The role of occupational therapy in Parkinson's disease. Doi : 10.1016/j.soin.2023.12.023. Fabrice Nouvel, CHU Nîmes. REVUE « Soins » Vol 69 - N° 883 P. 33-36 - mars 2024.
• Charret, L. et Thiébaut Samson, S. (2017). Histoire, fondements et enjeux actuels de l'ergothérapie. Contraste, N° 45(1), 17-36.
• https://doi.org/10.3917/cont.045.0017 https://www.has-sante.fr/jcms/c_2038173/fr/maladie-de-parkinson-et-syndromes-apparentes-techniques-etmodalites-de-la-prise-en-charge-non-medicamenteuse-des-troubles-moteurs
• Ghai S, Ghai I, Schmitz G, Effenberg AO. Effect of rhythmic auditory cueing on parkinsonian gait: A systematic review and meta-analysis. Sci Rep. 2018 Jan 11;8(1):506. doi: 10.1038/s41598-017-16232-5. PMID : 29323122 ; PMCID : PMC5764963.