L’engagement des hospitalo-universitaires envers leur mission et l’hôpital public reste intact malgré la perte d’attractivité de la carrière qu’il n’est plus nécessaire de démontrer et en dépit des intentions de départ volontaire et démissions qui n’ont jamais été aussi importantes. Cela a été parfaitement montré par le baromètre HU publié fin décembre 2023 par l'école de management de Normandie, qui exprime le sentiment de près de 13 % des corps hospitalo-universitaires titulaires.
Il a mis en évidence les 4 facteurs les plus à même d’inciter à démissionner : les conditions de travail et la bureaucratisation qui les empêchent d'exercer leur compétence, puis les procédures de gestion des ressources humaines et surtout les salaires avec l’absence de prise en compte des émoluments hospitaliers dans la retraite.
Le gouvernement a choisi sans concertation d’affilier les émoluments des HU à l’IRCANTEC afin d’essayer d’améliorer leur retraite. Ce choix va à l’encontre des conclusions du rapport de la Pr Catherine Uzan et des propositions syndicales qui demandaient en priorité l’intégration des émoluments dans le système des retraites de l’État (SRE) ainsi que la validation des services auxiliaires (VSA). Le choix du gouvernement s’est fait sur une solution désavantageuse en créant un régime spécial au rabais avec une perte salariale et bien moins attractif que le SRE.
Afin de justifier ce choix incompréhensible, injuste et inéquitable entre les générations et les grades, le gouvernement a décidé de mettre en ligne une foire aux questions (FAQ) qui se révèle largement maquillée pour mettre en avant le nouveau "produit".
Ce régime n’est pas plus homogène que l’existant. Il entraîne une dissociation des rémunérations avec deux employeurs, l’État et le CHU, pourtant fraction de l’État. De plus, il s‘agit d’une caisse de retraite complémentaire pour les non-titulaires alors que les HU, fonctionnaires d’État, sont titulaires et reçoivent une pension via le SRE, dispositif fondamentalement différent d’une retraite versée par une « caisse » à laquelle le salarié cotiserait pendant sa période d’activité. La situation imposée par le gouvernement va à l’encontre de l’indissociabilité des rémunérations et de la mission HU, maintes fois jugée par le Conseil d’État.
Les simulations proposées dans la FAQ sont trompeuses, car elles concernent uniquement les futurs nouveaux nommés au 1er septembre 2024 et ne tiennent absolument pas compte des HU en poste qui ne verront aucun bénéfice réel, ou insignifiant, sur leur retraite, faute d’avoir cotisé. En revanche, ils seront assurés d’être immédiatement pénalisés par une baisse de leurs émoluments hospitaliers à la suite des cotisations obligatoires.
La simulation propose en effet d’uniformiser le taux de remplacement des HU avec celui des PH qui est évalué à 44 % dans la FAQ
Cette simulation est biaisée à plusieurs titres. La revendication légitime des HU n’est pas de se comparer au taux de remplacement des PH, mais d’avoir la juste reconnaissance de l’intégralité de leur mission HU dont leur engagement hospitalier. Plutôt qu’une comparaison avec les collègues PH qui relèvent d’un régime différent non-fonctionnaire d’État, il est simplement légitime d’aspirer au même niveau que certains hauts fonctionnaires de rang similaire aux HU quoique de formation moins longue.
Le calcul de 44 % de taux de remplacement simulé pour les PH ne tient pas compte des primes, gardes et astreintes qui viennent ajouter, et cela est pleinement justifié, un nombre significatif de points IRCANTEC, ce qui de fait entraîne en réalité des taux de remplacement supérieurs à 50 % de l’ordre de 55 %. Cette complémentaire vient en ajout de la retraite de base de la caisse nationale d’assurance vieillesse. D’ailleurs, du point de vue réglementaire, cette caractéristique soulève pour les HU une question : comment être seulement affilié à un régime complémentaire sans retraite de base, de surcroît à un taux réduit ?
Certes, il y a une avancée sur la reconnaissance de la fonction de soins et des émoluments hospitaliers comme salaire, mais il y a tromperie à affirmer que le taux de remplacement de 44 % est une mesure d’attractivité pour les carrières HU. Ce n'est pas un progrès, mais tout au plus une ébauche de rattrapage très partiel et un risque de désengagement. Le baromètre HU rappelle que 31,4 % des HU envisagent de quitter leur poste : l’écart entre l’engagement et le salaire, notamment pour les plus jeunes, vient en premier comme cause d’insatisfaction.
À ce jour, l’estimation des HU qui ont souscrit au régime d’abondement facultatif est de 50 % chez les MCU-PH et 70 % chez les PU-PH avec un taux de cotisation loin du plafond de 12 %. La suppression de ce régime va entraîner instantanément une baisse de salaire liée aux prélèvements obligatoires pour la moitié des MCU-PH et près du tiers des PU-PH qui ne cotisent pas à un PERP ou PER à points. Les HU qui y cotisent verront eux aussi une baisse de salaire, laquelle serait en partie seulement compensée par la diminution des cotisations volontaires aux PERP ou PER devenus moins attractifs. Ils subiront également une augmentation de leur fiscalité et une diminution de la possibilité de capitalisation avec la disparition de ce régime.
Dans tous les cas, il y aura donc une baisse de salaire obligatoire, ce qui, sans augmentation compensatoire simultanée des échelons, est totalement inacceptable. Il s’agit là d’un repoussoir pour l’attractivité des carrières HU, quelles que soient les générations, majorées pour les plus jeunes, posant l’inéluctable question de l’avenir de la formation des professionnels de santé en France.
Les réponses présentées dans la FAQ omettent de dire qu’il y aura aussi une diminution de la pension du SRE, suite à la loi retraite. Le recul de l’âge légal de 62 à 64 ans, couplé à l’augmentation du nombre de trimestres nécessaires va entraîner de facto une perte de la possibilité de surcote de 2 ans lorsque les départs à la retraite se font tardivement, ce qui est le cas pour la majorité des HU (66 ans et 9 mois). Les HU étant titularisés en moyenne à 37 ans pour les MCUPH et 44 ans pour les PU-PH, il sera totalement impossible d’acquérir 172 trimestres (43 ans) pour une retraite à taux plein dans la fonction publique d’État ce qui réduit d’autant le taux de remplacement maximum de 75 % du salaire indiciaire des six derniers mois des fonctionnaires, le ramenant à un niveau de l’ordre de 40 à 50 % en fonction de l’âge de titularisation.
La Validation des Services Auxiliaires (VSA) réalisée après titularisation offrait une possibilité de compenser les carrières courtes. Cela était possible jusqu’en 2013 et fait partie des propositions du groupe d’attractivité HU de juillet 2021. Il s’agit d’une revendication majeure du SHU et c’est la mesure priorisée en premier dans le rapport de la Pr Catherine Uzan, demande qui a été tout bonnement et sèchement refusée par le gouvernement qui l’a balayée d’un trait.
Le mépris avec lequel le gouvernement affirme solutionner le problème de la faible retraite des HU, en faisant fin de leur engagement est inadmissible. Imposer, sous la bande-annonce de savants calculs, une simpliste bascule des faibles moyens consacrés à l’abondement vers un taux réduit d’IRCANTEC sans compensation des charges sociales aggrave le sentiment d’injustice. Quant à l’attractivité, enterrée sans autre forme de procès, elle ne peut être restaurée par ce dispositif régressif.
L’émotion suscitée par cette mesure malgré les incroyables moyens de communication mis en œuvre pour désinformer les HU entraîne plus que jamais le maintien de leur revendication d’une affiliation au SRE sur la totalité de leurs rémunérations, au vu de leur engagement au sein des établissements de santé et des UFR et de l’indissociabilité de leurs fonctions. Le dossier de la retraite HU n’est pas clos !
Pr Guillaume CAPTIER
Président du SHU