Actualités : Découverte - Importance de l’odontologie médicolégale pour l’histoire

Publié le 23 août 2024 à 12:02
Article paru dans la revue « UNECD - Union Nationale des Etudiants en Chirurgie Dentaire » / UNECD N°8


Histoire de l'odontologie médico-légale

On retrouve dans l'histoire de nombreux exemples d'odontologie médico-légale avant même que cette spécialité n'existe. Les dents sont un excellent moyen de reconnaître des personnes importantes ou à qui l'on souhaite offrir une sépulture décente, surtout si celles-ci ont été défigurées. Aujourd'hui, la discipline a gagné ses lettres de noblesse, notamment grâce au Dr Oscar Amoëdo y Valdes. Le nom de ce chirurgien-dentiste cubain a traversé l'histoire pour la publication de son livre « L'art dentaire en médecine légale » issu de sa thèse de 1898, reconnu comme une référence dans ce domaine (Aux origines de l'odontologie médico-légale de Xavier Riaud).

Nous allons voir dans cet article que l'odontologie médico-légale sert principalement à identifier les personnes retrouvées à partir de leur dossier dentaire mais aussi à obtenir des informations sur une personne, son mode de vie et qui elle était.

Cas historiques concrets  : l'évolution

Dans un premier temps, nous pouvons constater que la discipline de l'odontologie médico-légale a une grande importance pour l'étude de l'évolution telle que nous la pratiquons aujourd'hui. L'archéologie permet la mise au jour de restes humains d'origines et de périodes diverses que nous pouvons ensuite étudier pour mieux comprendre leur mode de vie. L'étude du tartre dentaire d'homo sapiens primitifs et de Néandertaliens ayant vécu à la même période montre un « partage génétique » à savoir une hybridation entre les deux espèces (Autopsies des morts célèbres). Cette découverte est particulièrement intéressante car elle éclaire d'un nouveau jour la transition qui a pu avoir lieu entre ces deux espèces. Alors qu'auparavant il a toujours été admis que l'évolution d'homo sapiens avait entraîné la disparition de l'espèce Néandertal, plus rudimentaire, ces constatations nous poussent désormais à supposer qu'homo sapiens aurait plutôt «  absorbé  » Néandertal par sa plus grande capacité à se défendre, se tenir debout, chasser et exploiter ses apports caloriques. Cette découverte change l'un des paradigmes admis sur la préhistoire (Autopsies des morts célèbres).

Cas historiques concrets  : identification dans les grandes catastrophes

Dans un deuxième temps, nous allons maintenant observer le premier cas d'identification odonto-légale ayant reçu l'aval de la justice et ayant permis des identifications officielles dans le cadre d'une grande catastrophe. 

Suite à l'incendie du Bazar de la Charité, 124 personnes périssent brûlées vives dont la duchesse de Bavière et d'Alençon Sophie-Charlotte Auguste. La présence de cette personnalité illustre pour l'époque a sans doute contribué à motiver les services publics à rechercher une manière d'identifier la trentaine de corps restant non identifiés le lendemain du drame. Dans la cohue, les gens se sont déplacés et ont perdus leurs effets personnels, la plupart des corps ont été grandement abimés par le feu. Il est donc décidé de faire appel aux chirurgiens-dentistes des victimes pour qu'ils identifient les soins réalisés dans la bouche de leurs patients.

Le dentiste Isaac Davenport avait reçu en consultation 17 fois la duchesse. Il conservait des fiches destinées à suivre précisément l'état dentaire de ses patients, les pertes dentaires mais aussi les soins et opérations réalisés. Grâce à cela, il a pu rejeter la première identification réalisée par les médecins légistes sur la duchesse avant d'identifier le vrai corps. Son travail a été le premier travail médico-légal avalisé par la justice française. D'autres dentistes ont eu le même succès ce jour-là, le Dr Charles Godon, en plus d'avoir participé aux identifications a énormément contribué à la propagation des mérites de la conservation des données de ces patients pour l'identification des personnes.


Cas historiques concrets : Adolf Hitler et Eva Braun

Après avoir vu l'utilité de l'odontologie médico-légale dans les grandes catastrophes, nous allons la voir dans un cas historique concret, l'identification formelle d'Adolf Hitler et de sa femme, Eva Braun. En effet, à partir de 1944, Hitler vit dans son bunker avec ses proches, reclus et en 1945, ils se suicident collectivement avant de voir leurs corps brûlés.

La mort du führer n'est alors pas officielle et il faut pouvoir en attester, ou non afin de savoir s'il doit être recherché. Les soviétiques récupèrent les squelettes et l'appareil dentaire de Hitler. Celui-ci portait une prothèse dentaire fixée maxillaire et mandibulaire en raison de son état dentaire très détérioré (Histoire de la médecine bucco-dentaire).

Or on dispose aujourd'hui des archives dentaires du dentiste et de l'assistante dentaire d'Adolf Hitler ainsi que de radiographies réalisées après l'opération Walkyrie ce qui permet de confirmer officiellement la mort du führer sans prélèvement ADN aucun. (Autopsies des morts célèbres).

L'attestation de véracité se fait sur l'identification de la prothèse en elle-même qui est concordante avec les dépositions citées précédemment, mais aussi sur le fait que la prothèse a visiblement été portée. On observe des traces d'usure importante, liées notamment au fait qu'Hitler était un homme stressé, qui bruxait énormément mais aussi un grand dépôt de tartre dans lequel on ne retrouve pas de fibre carnée mais des molécules chimiques médicamenteuses comme de l'argile, ce qui corroborent le régime végétarien et les médicaments argileux contre les brûlures d'estomac pris par cet homme (Au Cœur de l'Histoire).

Il est intéressant de constater que l'étude des dents restantes d'Hitler permet aussi de prouver l'utilisation du cyanure dans le cadre de son suicide, même si l'usage de ce poison n'est certainement pas exclusif (Au Cœur de l'Histoire).

Conclusion

De nos jours, un dentiste spécialisé en odontologie médico-légale peut être appelé dans les enquêtes en cours et dans les autopsies afin de compléter l'équipe multidisciplinaire mise en place si ses compétences sont requises. Les connaissances modernes permettent de reconnaitre des empoisonnements, de différencier les types de morsures, d'identifier des personnes et leurs habitudes de vie… l'évolution de cette discipline a donc permis de grandes avancées pour la criminologie et comme nous en avons parlé dans cet article, l'histoire en générale. Lorsque le temps passe, les dents restent parfois les seuls témoins d'un passé que les chirurgiens-dentistes, éclairés de nouvelles lumières peuvent décrypter.

Bibliographie

• Aux origines de l'odontologie médico-légale de Xavier Riaud. 
• Arte : pourquoi a-t-on les dents tordues ? 
• Autopsie des morts célèbres de Philippe Charlier et David Alliot. 
• Histoire de la médecine bucco-dentaire de Xavier Riaud. 
• Au Cœur de l'Histoire : que nous apprend l'étude du crâne d'Hitler ? interview de Philippe Charlier par Virginie Girod.

Publié le 1724407331000