L’infirmier(e) en santé au travail
L’infirmier(e) en santé au travail est une fonction qui existe depuis très longtemps bien que ce professionnel de santé ait été longtemps présent dans les grandes entreprises ou établissements.
Son rôle était déjà multiple (L’exercice infirmier en santé au travail. Résultats d’une enquête par questionnaire : Documents pour le médecin du travail - INRS) :
- Acteur des urgences et des premiers secours dans l’entreprise.
- Actions de formation : PRAP et SST, formation aux risques professionnels, aux postes de travail.
- Fonction d’animateur de sécurité.
- Participation aux enquêtes AT.
- Relai et assistante du médecin du travail. u Responsable de la tenue du registre des accidents bénins voire en responsabilité de déclaration des accidents du travail.
- Soupape de sécurité en jouant un travail d’écoute des salariés en toute confidentialité (sas de décompression indispensable).
- Etc.
Dr Christian EXPERT
Expert confédéral CFE-CGC – Santé - Travail et Handicap
Pourcentage d'infirmières réalisant « souvent » ou « très souvent » des actions en milieu de travail
Source : INRS- 06-2009- Documents pour le médecin du travail
SIE : Services Interentreprises
SA : Services autonomes
EA/SIE : Entreprises adhérentes à un SIE
L’étude de 06/2009, antérieure à la réforme 2011-2012 (http://www.inrs.fr/media.html?refINRS=TF%20181 : L’exercice infirmier en santé au travail. Résultats d’une enquête par questionnaire : Documents pour le médecin du travail - INRS 06/2009) montrait le haut niveau de formation avec compétences multiples des infirmiers en entreprises (34,7 % en Services autonomes et 23,9 % pour les infirmiers exerçant dans une entreprise adhérente à un service interentreprise).
La réforme de 2011-2012 a permis de déverrouiller l’entrée des infirmiers en santé au travail dans les SIST en leur donnant un statut officiel et leur ouvrant la porte au suivi médical mais dans le seul cadre des entretiens infirmiers (suivi intermédiaire quand l’agrément autorisait à dépasser la limite des 2 ans pour la périodicité des examens médicaux d’aptitude réalisés par les médecins du travail. La loi travail de 2016 et le décret de décembre 2016 ont ouvert vraiment la porte aux infirmiers les intégrant pleinement dans « l’équipe des professionnels de santé » des SIST avec la réalisation des visites d’information et de prévention (embauches et périodique) pour les salariés non soumis à des risques particuliers (aptitude) réalisables par tous les professionnels de santé (médecins du travail, infirmiers, internes en santé au travail ou collaborateurs médecins...). Les membres de l’équipe des professionnels de santé ont des missions communes (visites d’information et de prévention, réalisation de fiches d’entreprise, études de postes et des conditions de travail, actions de formation et d’information sur les risques professionnels, les addictions..., participation au CHSCT directement ou par délégation pour les non médecins du travail ou collaborateurs médecins) et des actions spécifiques (visites d’aptitude, animation et coordination de l’équipe pluridisciplinaire dédiées aux médecins du travail).
Si l’entrée des infirmiers dans les SIST a été source de réticences voire de rejets de la part de certains médecins du travail en 2011-2012, la situation s’est globalement apaisée avec le concours mixte de l’apprentissage du travailler ensemble et du principe de réalité (pénurie médicale).
Un principe fondamental
Pour le suivi médical, les médecins du travail et les infirmiers du travail travaillent en coopération et en complémentarité. L’idée même de concurrence doit être bannie, cette idée entravant l’action elle-même.
Chacun œuvre en indépendance dans le champ de ses compétences avec un guide le protocole de coopération médecin/infirmier et un pilier essentiel : le respect mutuel du travail de chacun.
Missions et compétences
Missions
Les missions dévolues aux services de santé au travail sont définies aux articles L4622-2, L4622-3 et L4622-8 du code du travail.
La mission fondamentale et exclusive d’éviter toute altération de la santé des travailleurs est de la responsabilité des Services de Santé au Travail.
L’équipe pluridisciplinaire constitue l’opérateur, les infirmier(e)s en sont membres.
Le médecin du travail lui a un rôle propre dans la mission définie à l’article L4622-2 et un rôle très particulier puisque c’est lui qui anime et coordonne l’équipe pluridisciplinaire. C’est lui qui assure la responsabilité d’ouverture du dossier médical et qui définit selon le protocole de coopération les périodicités du suivi médical (salariés sans risques particuliers, salariés sans risques particuliers mais avec suivi spécifiques et les salariés exposés à un ou des risques particuliers).
Article L4622-2
Les services de santé au travail ont pour mission exclusive d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail. A cette fin, ils :
Article L4622-3
Le rôle du médecin du travail est exclusivement préventif. Il consiste à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant leurs conditions d’hygiène au travail, les risques de contagion et leur état de santé, ainsi que tout risque manifeste d’atteinte à la sécurité des tiers évoluant dans l’environnement immédiat de travail.
Article L4622-8
Les missions des services de santé au travail sont assurées par une équipe pluridisciplinaire de santé au travail comprenant des médecins du travail, des collaborateurs médecins, des internes en médecine du travail, des intervenants en prévention des risques professionnels et des infirmiers.
Ces équipes peuvent être complétées par des assistants de services de santé au travail et des professionnels recrutés après avis des médecins du travail. Les médecins du travail animent et coordonnent l’équipe pluridisciplinaire.
Compétences
Le médecin du travail est un médecin spécialiste dont le titre est enregistré en particulier à la DDASS, au Conseil de l’Ordre des Médecins et à la DIRECCTE.
Son rôle exclusivement préventif est défini à l’article L4622-3 du code du travail, il anime et coordonne l’équipe pluridisciplinaire. Il est le seul (avec les collaborateurs médecins placés sous sa responsabilité) à délivrer des aptitudes, des inaptitudes, à formuler des propositions d’aménagements de postes de travail, de formation, de mutation.
Il est le gardien du dossier médical en santé au travail et responsable du suivi médical des salariés (définition des périodicités, prescription des examens complémentaires nécessaires à la détermination de l’aptitude.
L’infirmier (e) est diplômé d’Etat, enregistré à la DDASS, et inscrit au Conseil de l’Ordre des infirmiers.
Il est soumis comme les médecins, à un code de déontologie qui lui est propre (Décret n° 2016-1605 du 25 novembre 2016 portant code de déontologie des infirmiers)
Il a des compétences définies par le Code de Santé Publique (Décret dit infirmier. Décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004).
Le décret définit et délimite les compétences de l’infirmier et distingue deux notions :
- La notion de rôle propre.
- La notion de prescription et de protocoles.
Ce qui relève du rôle propre de l’infirmier n’est pas subordonné à une prescription du médecin ou à l’élaboration d’un protocole.
Ce rôle propre est limité en santé au travail.
Chapitre I, Exercice de la profession.
Section 1, Actes professionnels.
Article R. 4311-1
L’exercice de la profession d’infirmier ou d’infirmière comporte l’analyse, l’organisation, la réalisation de soins infirmiers et leur évaluation, la contribution au recueil de données cliniques et épidémiologiques et la participation à des actions de prévention, de dépistage, de formation et d’éducation à la santé. Dans l’ensemble de ces activités, les infirmiers et infirmières sont soumis au respect des règles professionnelles et notamment du secret professionnel. Ils exercent leur activité en relation avec les autres professionnels du secteur de la santé, du secteur social et médico-social et du secteur éducatif.
Article R. 4311-2
Les soins infirmiers, préventifs, curatifs ou palliatifs, intègrent qualité technique et qualité des relations avec le malade. Ils sont réalisés en tenant compte de l’évolution des sciences et des techniques. Ils ont pour objet, dans le respect des droits de la personne, dans le souci de son éducation à la santé et en tenant compte de la personnalité de celle-ci dans ses composantes physiologique, psychologique, économique, sociale et culturelle :
- De protéger, maintenir, restaurer et promouvoir la santé physique et mentale des personnes ou l’autonomie de leurs fonctions vitales physiques et psychiques en vue de favoriser leur maintien, leur insertion ou leur réinsertion dans leur cadre de vie familial ou social ;
- De concourir à la mise en place de méthodes et au recueil des informations utiles aux autres professionnels, et notamment aux médecins pour poser leur diagnostic et évaluer l’effet de leurs prescriptions ;
- De participer à l’évaluation du degré de dépendance des personnes ;
- De contribuer à la mise en œuvre des traitements en participant à la surveillance clinique et à l’application des prescriptions médicales contenues, le cas échéant, dans des protocoles établis à l’initiative du ou des médecins prescripteurs ;
- De participer à la prévention, à l’évaluation et au soulagement de la douleur et de la détresse physique et psychique des personnes, particulièrement en fin de vie au moyen des soins palliatifs, et d’accompagner, en tant que de besoin, leur entourage.
Article R. 4311-3
Relèvent du rôle propre de l’infirmier ou de l’infirmière les soins liés aux fonctions d’entretien et de continuité de la vie et visant à compenser partiellement ou totalement un manque ou une diminution d’autonomie d’une personne ou d’un groupe de personnes. Dans ce cadre, l’infirmier ou l’infirmière a compétence pour prendre les initiatives et accomplir les soins qu’il juge nécessaires conformément aux dispositions des articles R. 4311-5 et R. 4311-6. Il identifie les besoins de la personne, pose un diagnostic infirmier, formule des objectifs de soins, met en œuvre les actions appropriées et les évalue. Il peut élaborer, avec la participation des membres de l’équipe soignante, des protocoles de soins infirmiers relevant de son initiative. Il est chargé de la conception, de l’utilisation et de la gestion du dossier de soins infirmiers.
Article R. 4311-4
Lorsque les actes accomplis et les soins dispensés relevant de son rôle propre sont dispensés dans un établissement ou un service à domicile à caractère sanitaire, social ou médico-social, l’infirmier ou l’infirmière peut, sous sa responsabilité, les assurer avec la collaboration d’aides-soignants, d’auxiliaires de puériculture ou d’aides médico-psychologiques qu’il encadre et dans les limites de la qualification reconnue à ces derniers du fait de leur formation. Cette collaboration peut s’inscrire dans le cadre des protocoles de soins infirmiers mentionnés à l’article R. 4311-3.
Article R. 4311-5
Dans le cadre de son rôle propre, l’infirmier ou l’infirmière accomplit les actes ou dispense les soins suivants visant à identifier les risques et à assurer le confort et la sécurité de la personne et de son environnement et comprenant son information et celle de son entourage :
Article R. 4311-6
Dans le domaine de la santé mentale, outre les actes et soins mentionnés à l’article R. 4311-5, l’infirmier ou l’infirmière accomplit les actes et soins suivants :
Article R. 4311-7
L’infirmier ou l’infirmière est habilité à pratiquer les actes suivants soit en application d’une prescription médicale qui, sauf urgence, est écrite, qualitative et quantitative, datée et signée, soit en application d’un protocole écrit, qualitatif et quantitatif, préalablement établi, daté et signé par un médecin :
- De produits autres que ceux mentionnés au deuxième alinéa de l’article R. 4311-9 ;
- De produits ne contribuant pas aux techniques d’anesthésie générale ou locorégionale mentionnées à l’article R. 4311-12.Ces injections et perfusions font l’objet d’un compte rendu d’exécution écrit, daté et signé par l’infirmier ou l’infirmière et transcrit dans le dossier de soins infirmiers ;
Article R. 4311-8
L’infirmier ou l’infirmière est habilité à entreprendre et à adapter les traitements antalgiques, dans le cadre des protocoles préétablis, écrits, datés et signés par un médecin. Le protocole est intégré dans le dossier de soins infirmiers.
Article R. 4311-9
L’infirmier ou l’infirmière est habilité à accomplir sur prescription médicale écrite, qualitative et quantitative, datée et signée, les actes et soins suivants, à condition qu’un médecin puisse intervenir à tout moment :
Article R. 4311-10
L’infirmier ou l’infirmière participe à la mise en œuvre par le médecin des techniques suivantes :
Rôle propre et Dossier Médical en Santé au Travail
L’ouverture et la tenue du dossier médical sont placés sous la responsabilité du médecin du travail.
Le contenu et sa protection sont soumis à des règles issues des Recommandations HAS concernant le dossier médical en santé au travail. Comme son nom ne l’indique pas l’application des recommandations est impérative pour les professionnels de santé (valeur d’arrêté technique contestable en conseil d’Etat).
Le dossier médical en santé au travail – Recommandations
Le rôle de l’infirmier s’arrête à l’examen clinique figurant page 11 des Recommandation HAS de janvier 2009.
Coopération ou délégation
Attention le terme délégation entend transferts de rôle et compétences ce QUI N’EST PAS LE CAS en Santé au travail.
Il existe une confusion fréquente entre la notion de protocole de coopération entre professionnels de santé selon l’article 51 de la loi « hôpital, patients, santé et territoires » (HPST) du 21 juillet 2009 qui implique des délégations de tâches et transferts de compétences) et les protocoles de coopération du code du travail qui n’impliquent AUCUN TRANSFERT DE COMPETENCE.
Le transfert de compétence dérogatoire au code de santé publique est possible sous réserve de déposer un dossier à l’ARS.
A notre connaissance une seule demande de ce type a été faite en Alsace concernant le suivi des travailleurs de nuit qui était alors semestriel impliquant la possibilité pour les infirmiers de se substituer au médecin du travail. Cette demande n’a jamais abouti.
Le médecin du travail dans son protocole de coopération avec les infirmiers ne DELEGUE DONC RIEN. Par contre il établit des critères de périodicité, des critères d’envoi au médecin du travail. Il peut prescrire des examens complémentaires : ECG, explorations fonctionnelles respiratoires réalisés sous sa responsabilité.
Attention l’interprétation d’un ECG, d’une audiométrie, d’une spirométrie sont de la seule compétence des médecins.
Conclusion
Médecins du travail/infirmiers appartiennent à l’équipe pluridisciplinaire animée et coordonnée par le médecin du travail.
L’infirmier a ses compétences propres, définies dans le code de santé publique. Il a l’initiative et la responsabilité d’accomplir certaines tâches dans le cadre de son rôle propre défini aux articles R. 4311-3 à 5 du code de santé publique, champ très limité en Santé au Travail.
Une partie de l’activité est placée sous la responsabilité et le contrôle du médecin du travail, MAIS l’infirmier garde son indépendance professionnelle sur la mise en œuvre des actions en se référant toutefois aux Recommandations HAS concernant le Dossier médical en santé au travail.
Article paru dans la revue « Syndical Général des Médecins et des Professionnels des Services de Santé au Travail » / CFE CGC n°57
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