
Parmi les causes très rares, la microangiopathie thrombotique tumorale pulmonaire (MTTP) se caractérise par l'embolisation de cellules tumorales dans la vascularisation pulmonaire. Ceci est à l'origine de l'activation de la cascade de coagulation avec formation de caillots de fibrine et apparition d'une prolifération de l'intima des parois des vaisseaux sanguins. Cette cascade provoque une augmentation des pressions artérielles pulmonaires avec un impact direct sur le cœur droit aboutissant à une insuffisance cardiaque droite sévère. Les symptômes rapportés par les patients sont principalement une dyspnée d'évolution rapidement progressive associée à une oxygénoréquérance importante et des signes d'insuffisance cardiaque droite (orthopnée, œdèmes des membres inférieurs). Cette étiologie d'hypertension pulmonaire est classée dans le groupe 5 de l'OMS (2).
Dans la littérature (3,4), les néoplasies gastriques sont les causes les plus fréquentes et la pathologie conduit au décès des patients dans les semaines suivant l'apparition des symptômes. Le plus souvent, le diagnostic de MTTP est posé en post mortem, après l'autopsie des patients. Cependant, de rares cas de diagnostic ante mortem ont pu être faits. Cette pathologie représente un enjeu diagnostic de par sa sévérité et sa rapidité d'évolution.
Nous rapportons ici le cas d'une patiente de 52 ans, présentant un tableau compatible avec une MTTP dans le cadre d'un cancer du col utérin.
Description du cas
Une patiente de 52 ans a été hospitalisée en réanimation puis en pneumologie pour un sepsis sévère avec oxygénorequérance sur une dermohypodermite du périnée non nécrosante d'évolution favorable après antibiothérapie. Elle présentait comme principaux antécédents un carcinome épidermoïde du col utérin localement avancé traité par une radiochimiothérapie en réponse complète depuis 2 ans mais avec une récidive oligométastatique locorégionale authentifiée quelques semaines avant l'hospitalisation. Elle avait également une cardiopathie ischémique avec pose de stents 2 ans auparavant sans altération de la fonction venticulaire gauche.
À l'interrogatoire, la patient rapportait une dyspnée chronique ancienne de stade 1 mMRC, mais avec une aggravation rapide dans les 2 mois précédant l'hospitalisation. Malgré la bonne évolution clinique sur le plan du sepsis à point de départ cutané, la patiente gardait une oxygénorequérance à plus de 5 L/minute, sans véritable ressenti de la dyspnée. À cet instant, la radiographie pulmonaire ne montrait pas de foyers parenchymateux mais un syndrome interstitiel bilatéral (Figure 1), l'échographie cardiaque transthoracique retrouvait une fraction d'éjection ventriculaire gauche (FEVG) conservée sans argument pour une hypertension pulmonaire et l'absence de dilatation des cavités droite. La recherche d'un shunt intracardiaque par épreuve de bulles était négative, le bilan infectieux et le bilan auto-immun standard étaient également négatifs. L'angioscanner thoracique ne retrouvait pas d'embolie pulmonaire mais des plages de verre dépoli, majorées par rapport au TEP-scanner ayant objectivé la récidive locorégionale du cancer du col, atteignant l'ensemble des lobes et prédominant dans les lobes inférieurs prenant un aspect nodulaire, à limites floues, d'aspect centro-lobaulaire (Figure 1). Le lavage broncho-alvéolaire montrait une alvéolite macrophagique avec un score de Golde à 92 en défaveur d'une hémorragie intra-alvéolaire et l'absence d'identification microbiologique.
Figure 1 : Radiographie pulmonaire et scanner pulmonaire en cours d'hospitalisation
La dégradation clinique de la patiente, avec majoration d'une oxygénorequérance à 7 L/min a amené à l'introduciton d'une corticothérapie d'épreuve à 1 mg/kg, devant l'absence d'argument pour une cause infectieuse. Un nouveau scanner thoracique réalisé 3 semaines après le premier et 7 jours après l'introduction de la corticothérapie montrait la persistance des plages de verre dépoli diffuses bilatérales associées à des micronodules centro-lobulaires. La corticothérapie a été poursuivie pour 3 semaines au total, sans efficacité sur l'oxygénorequérance puisque la patiente gardait une oxygénothérapie à 6L/min au repos, majorée jusqu'à 12L/min lors des mobilisations. Par ailleurs, un traitement d'épreuve par diurétiques en parallèle de la corticothérapie n'a pas permis d'amélioration de l'hématose. Un nouveau bilan étiologique exhaustif a été réactualisé : sérologies poumon de fermier et poumon éleveur d'oiseaux négatives, PCR virale multiplex négative, absence de granulomes à la biopsie des glandes salivaires accessoires, bilan immunologique négatif, sérologies VIH, VHB et VHC négatives, bilan d'hémolyse négatif.
La dégradation clinique s'est poursuivie avec nécessité de mise en place d'une oxygénothérapie haut débit. Finalement, une nouvelle échographie cardiaque réalisée 5 semaines après l'admission de la patiente a montré des signes d'hypertension pulmonaire sévère (vitesse de flux de régurgitation tricuspide 393cm/s et pression artérielle pulmonaire systolique (PAPs) à 65 mmHg) avec une dilatation importante du ventricule droit et une dysfonction ventriculaire droite sévère. Un cathétérisme cardiaque droit a ensuite été réalisé et a confirmé le diagnostic d'hypertension pulmonaire pré-capillaire sévère (pression artérielle pulmonaire moyenne 44mmHg, résistances vasculaires pulmonaires 10 UW, pression artérielle pulmonaire d'occlusion 3 mmHg). De manière concomitante, le taux de NT-proBNP sanguins avait augmenté de manière très importante (Figure 2). Un prélèvement distal a été effectué en per-procédure avec mise en évidence sur le frottis à l'état frais de cellules atypiques. L'analyse immunohistochimique était négative, par manque de matériel tumoral collecté, mais avec une origine compatible avec le carcinome épidermoïde du col utérin sans pouvoir l'affirmer. En plus de la récidive métabolique du cancer du col utérin, le marqueur SCC était en augmentation constante depuis l'aggravation de la dyspnée de la patiente (Figure 2).
Figure 2 : Évolution du NTproBNP et SCC en cours d'hospitalisation
Au total, le diagnostic d'une hypertension pulmonaire sévère en lien avec une MTTP a été porté. Après discussion avec la patiente, la famille de la patiente, l'équipe de pneumologie et d'oncologie médicale, un traitement compassionnel par chimiothérapie (carboplatine en monothérapie), associé à une bithérapie vasodilatatrice pulmonaire (bosentan et tadalafil), a été initié. Néanmoins, la mauvaise tolérance hématologique de la chimiothérapie et la mauvaise tolérance clinique avec hypotension persistante, ont amené à interrompre ces traitements après quelques semaines. La patiente est rentrée au domicile sous oxygénothérapie à haut débit et est finalement décédée au domicile 1 mois après sa sortie, soit 103 jours après l'initiation de l'oxygénothérapie première.
Conclusion
Le diagnostic d'hypertension pulmonaire d'origine thrombotique tumorale est difficile du fait d'une présentation non spécifique. L'originalité de cas clinique repose sur le diagnostic, quasi de certitude, en ante mortem avec la réalisation d'un prélévement percathétérisme cardiaque droit retrouvant des cellules atypiques.
Adrien OTT
Interne de Pneumologie
Tours
Claire LE DREAU
Interne de Pneumologie
Tours
Relecture
Dr Marion FERREIRA
Tours
Références

