Cas clinique - Description d’un cas de syringofibroadénome des mains et des pieds traités par radiothérapie externe

Publié le 23 Oct 2024 à 10:19
Article paru dans la revue « SFJRO / le mag » / SFJRO N°6

Madame LM âgée de 74 ans s'est présentée au service de dermatologie pour des lésions érosives bilatérales au niveau des mains et des pieds évoluant depuis un an. La patiente a comme antécédents une hypertension artérielle, un diabète, une polyarthrite rhumatoide, une fibrillation atriale, un syndrome coronarien aigu et un mélanome de l'oreille gauche opéré sans traitement adjuvant. Elle est vaccinée pour la tuberculose. Le tabagisme était estimé à 10 paquets années sevrés.

L'examen clinique a montré des plaques érythémateuses et érosives bilatérales, sans saignements, au niveau de la paume des mains et de la plante des pieds associée à une raideur des doigts (figure 1).

Une biopsie a été réalisée au niveau palmaire gauche le 23 juin 2023. L'histologie a montré des cordons cellulaires grêles, anastomosés entre eux semblant descendre de l'épiderme et formant un réseau épithélial au sein duquel il existait quelques canalicules sudoraux. Absence de caractère suspect de malignité. L'aspect pouvait s'intégrer dans le cadre d'un syringofibroadénome ou d'une hyperplasie syringofibroadénomateuse.

 

Une dermatose paranéoplasique a été suspectée. Un bilan à la recherche d'un primitif comportant un PET-scanner au 18-FDG et une FOGD avec biopsies antrales et fundiques est revenu négatif.

Un psoriasis a été évoqué mais le méthotrexate à 10 mg/semaine a induit une aggravation lésionnelle.

Au final, le diagnostic de syringofibroadénome encrine a été posé, probablement secondaire à une tuberculose ancienne guérie.

L'exérèse chirurgicale a été récusée devant l'extension des lésions. Un traitement par radiothérapie (RT) a été proposé.

Elle a eu une RT type VMAT en tomothérapie délivrant des faisceaux de photons X de 6 MV à la dose de 65,1 Gy en 31 séances de 2,1 Gy par fraction, 5 fractions/semaine. Le CTV a couvert l'ensemble de l'épiderme, du derme et de l'hypoderme jusqu'au muscle exclus (figure 2). La D2% à l'os était de 60 Gy afin d'éviter une irradiation circonférentielle. Nous n'avons pas utilisé de bolus, la tomothérapie permettant de traiter correctement les premiers mm cutanés. La patiente a présenté comme toxicité aiguë au traitement une radioépithélite de grade II associée à des douleurs au niveau de la paume des mains nécessitant la prise d'un antalgique de palier 3. Au cours de l'irradiation, amélioration nette des symptômes avec changement de la position de repos des mains, obligeant à refaire le plan de traitement à ce niveau.

 

L'examen clinique à un mois après la fin de la RT montrait une disparition quasi-complète de l'aspect érosif et érythémateux au niveau des mains (figure 3) et des pieds, une chute de 2 ongles des mains, une disparition des douleurs avec persistance d'une fibrose sous-cutanée importante, raideur et une certaine impotence fonctionnelle. À 6 mois, maintien de la bonne réponse avec repousse des ongles.

Commentaire

Le syringofibroadénome eccrine est une tumeur annexielle cutanée bénigne rare qui provient de la partie excrétrice des glandes sudoripares[1]. Il atteint principalement les patients de plus de 40 ans. Les lésions s'observent de préférence au niveau des extrémités distales [2]. Elles se présentent comme des nodules solitaires ou des nodules verruqueux multiples, coalescents, fermes, de tailles variables. Il est actuellement classé en cinq types : 1/ lésions solitaires, 2/ lésions multiples associées à des dysplasies ectodermiques, 3/ lésions sans pathologie cutanée complémentaire, 4/ lésions linéaires et 5/ lésions réactives avec une dermatose inflammatoire [3].

Le diagnostic clinique est difficile et donc histopathologique [3].

L'atteinte des tissus profonds ou des métastases à distance n'est pas décrite. Cependant l'évolution vers un carcinome est possible [3].

Le traitement du syringofibroadénome dépend du nombre, de la localisation et de la résécabilité des lésions. La chirurgie est l'option privilégiée pour les petites lésions cutanées uniques. D'autres traitements ont été reportés pour les formes multiples tels que la cryothérapie, le laser CO2, le curetage, les rétinoïdes, l'électrocoagulation, la RT [2].

Un seul cas traité par radiothérapie externe a été décrit par MORGANTI et al. en 2010. Il s'agissait d'un syringofibroadénome bilatérale localisé au niveau des pieds. Il a eu une RT 3D à la dose de 60 Gy en 24 fractions de 2,5 Gy par fractions suivie d'un boost par électrons à la dose de 10 Gy en 5 fractions (2 Gy par fraction). Une réponse complète a été observée 2 ans après la fin du traitement [2].

En conclusion, nous décrivons le 2ème cas de syringofibroadénome traité par RT avec un excellent contrôle local. L'irradiation doit être considérée comme une option thérapeutique essentiellement en cas d'atteinte extensive non résécable.

Dr Mariem BOHLI1

Nathalie CARDOT-LECCIA2, Emma HUARD3, Jérôme DOYEN1, Thierry PASSERON3.
1 Service de radiothérapie, Centre Antoine Lacassagne, Nice.
2 Service d'anatomie et cytologie pathologiques, Centre hospitalo-universitaire de Nice.
3 Service de dermatologie, Centre hospitalo-universitaire de Nice.

Références

1. Mascarò JM. Considérations sur les tumeurs fibroepitheliales. Le syringofibroadenome eccrine. Ann Dermatol Syphiligr 1963: 90: 146–153.

2. Morganti AG, Martone FR, Macchia G, et al. Eccrine syringofibroadenoma radiation treatment of an unusual presentation. Dermatol Ther. 2010; 23:S20-3.

3. Silveira CSCD, Santos LFO, D'Elia MLN et al. An Bras Dermatol. 2024 May-Jun; 99(3):467-471.

Publié le 1729671546000