Actualités : Bonnes nouvelles - Le collectif de radiologues pour l’indépendance gagne ses premières victoires

Publié le 21 août 2024 à 10:50
Article paru dans la revue « ISNI / ISNI » / ISNI N°32

De jeunes radiologues ont fondé CORAIL, acronyme du Collectif pour une Radiologie Indépendante et Libre. En référençant tous les centres de radiologie indépendants, ils font barrière aux fonds d'investissement qui commençaient à racheter une à une les structures comme ils l'ont fait avec les laboratoires de biologie ou les Ehpad. Paul-Gydéon Ritvo, président du syndicat des internes en radiologie (UNIR) est à l'origine du collectif. Il revient sur les motivations et les premières victoires de ce collectif.


Comment a commencé la création de ce collectif ? 

Paul-Gydeon Ritvo.- Avec plusieurs jeunes, nous avons assisté à une réunion organisée par la SFR Ile-de-France au printemps 2022. Parmi les présentations, celle d'une avocate qui évoquait les «  merveilles  » de la financiarisation des centres de radiologie ! Nous avons voulu agir pour maintenir notre indépendance. En mai 2022, nous avons commencé avec une boucle What'app entre internes, dans laquelle nous échangions les noms des centres de radiologie indépendants et les offres d'emploi rattachées. Très vite rejoints par des radiologues en post-internat ou installés, nous avons créé le collectif avec notamment Aymeric Rouchaud, radio-pédiatre de Lyon. Désormais composé d'une majorité de radiologues diplômés, le collectif dépasse largement le cadre de l'internat.

Le succès de votre collectif fut-il rapide ? 

P-G.R.- Oui ! Deux semaines après sa création, le fil What'app comptait 1000 personnes. Aujourd'hui, ce fil existe toujours avec 2300 radiologues. Je précise que ce sont uniquement des radiologues qui peuvent y participer. Tous les interne en radiologie et radiologues sont les bienvenus, y compris ceux qui ont/sont associés ou collaborateurs dans une structure adossée à un investisseur extérieur. Certains d'entre eux le sont contre leur gré (en tant que minoritaires dans des structures rachetées), d'autres y sont allés sans forcément avoir été correctement informés des conséquences juridiques et matérielles que cela entraîne.

Quelles sont ces conséquences ? 

P-G.R.- Les investisseurs font l'acquisition de la valeur des structures médicales (souvent 90 % et même parfois 99 %). La loi leur interdit de prendre plus de 25 % des droits de vote et du capital. Ils mettent donc en place des mécanismes de contrôle qui a nécessairement un impact sur les médecins et leur exercice. Tous les acteurs institutionnels s'en inquiètent (CNOM, Sénat, Académie de médecine, etc.). Le discours est parfois ambigu sur la réalité de ces montages qui sont complexes. Les médecins qui ne sont pas conseillés peuvent parfois être induits en erreur sur des propositions qui leurs sont faites indiquant par exemple une association à « parts égales » mais qui est en réalité ultra minoritaire, sans véritable contrôle effectif sur leur structure et/ou sans pouvoir bénéficier sur le long terme des dividendes.

Il ne faut pas oublier que l'unique but d'un fonds d'investissement est de faire du profit et pas de soigner. C'est ce qu'attendent d'eux leurs investisseurs. Ils n'ont d'ailleurs aucune des obligations déontologiques à laquelle sont soumises les médecins. Et ce risque de dégrader à moyen et long terme la qualité du travail du médecin radiologue et la qualité des soins pour le patient comme l'exemple des EHPAD nous l'a démontré, et d'augmenter les dépenses de santé à la charge de la solidarité nationale. 


Votre collectif a créé un site internet. Quel est son but ? 

P-G.R.- Il est de trois ordres : 

• Informer les internes et les radiologues de la financiarisation des centres de radiologie et des méthodes employées mais surtout proposer une alternative. Nous n'appelons pas au boycott des structures soutenues par les fonds d'investissements. Nous expliquons les tenants et aboutissants de la financiarisation, ses dangers, ses alternatives. Nous souhaitons que les radiologues fassent leur choix eux-mêmes, mais de façon éclairée. 

• Notre annuaire en ligne liste les centres indépendants sur la base du volontariat. Il s'agit de centres dans lesquels la société de médecins (la fameuse SEL) n'est constituée que de médecins radiologues y exerçant. 

• Enfin la troisième mission est de militer. Nous relayons les dernières actualités. Récemment nous avons été entendus par le Sénat dans le cadre de la mission d'information sur la financiarisation de la santé ou encore par le CNOM. Nous savons la DGOS (au sein du ministère) très préoccupée par la question. 

Quelles sont les avancées constatées en deux ans à peine ? 

P-G.R.- Nous constatons un vrai ralentissement des rachats des centres de radiologie. En deux ans, aucun des 130 groupes adhérents à notre collectif n'a été racheté ! Toutes les ventes ou presque réalisées en 2023 et 2024 étaient des ventes déjà prévues à la création du collectif. Dans certaines villes dont l'ensemble de l'offre libérale de radiologie est détenue par des structures soutenues par des fonds d'investissements, on voit des mouvements d'exode massifs des jeunes vers les villes alentours offrant la possibilité d'exercer dans des structures indépendantes (prenons pour exemple Montpellier, et les villes alentours comme Béziers ou Alès). 

Qu'est-ce qui reste à faire ? 

P-G.R.- Il faut rester sur nos gardes et informer les autres spé qui sont confrontés au problème comme la médecine nucléaire (création récente de RADIAN) ou l'ophtalmologie. On nous dit trop souvent que l'on ne peut pas comparer les différentes spé. Alors que si on regarde en détail, on se rend compte que ce sont les mêmes dirigeants qui passent d'un domaine à l'autre… Je le redis : leur objectif est toujours de faire un maximum de profits. Le nôtre est de soigner.

Publié le 1724230249000