Bibliographie - La cryobiopsie - Une technique sûre et efficace pour obtenir un diagnostic face à une pneumopathie infiltrante diffuse chez la personne âgée

Publié le 30 Aug 2024 à 09:03
Article paru dans la revue « AJG / La Gazette du jeune gériatre » / AJG N°36


Les pneumopathies infiltrantes diffuses (PID) représentent un groupe hétérogène de pathologies, d'étiologies et de pronostics variés. C'est la raison pour laquelle une approche diagnostique globale est indispensable. Les données cliniques associées aux résultats du bilan biologique, en particulier auto-immun, et l'analyse fine du scanner thoracique permettent le plus souvent de porter un diagnostic en discussion multidisciplinaire (DMD).

Dans les cas où la DMD ne permet pas de porter un diagnostic avec confiance, l'obtention de prélèvements histologiques peut être nécessaire. Pour cela, si la biopsie pulmonaire chirurgicale était jusqu'alors le gold standard, la place de la cryobiopsie pulmonaire transbronchique a évolué ces dernières années, jusqu'à être proposée en première intention dans les dernières recommandations européennes (1). 

La cryobiopsie pulmonaire transbronchique est une procédure endoscopique réalisée sous anesthésie générale. Une sonde d'environ 2 mm de diamètre, appelée « cryode », est placée dans le canal opérateur d'un endoscope. Un gaz à -80°C circule dans la cryode pendant quelques secondes, puis la sonde est retirée, permettant l'extraction d'un fragment de parenchyme pulmonaire congelé de quelques mm3 . Après intégration des résultats histologiques dans une seconde DMD, elles permettent de poser un diagnostic dans plus de 80 % des cas dans les centres expérimentés (2). Ainsi, cette technique permet une analyse histologique de qualité, tout en étant associée à un profil de sécurité satisfaisant. Les deux principales complications de cette procédure sont le pneumothorax et le saignement. Il est déconseillé de réaliser des cryobiopsies pulmonaires en cas d'hypertension pulmonaire, ou de fonction respiratoire sévèrement altérée. 

Chez les seniors, bien que la fibrose pulmonaire idiopathique (FPI) soit la PID la plus fréquente, le taux de PID inclassables après DMD reste plus élevé que dans la population générale (3). Un facteur explicatif est le moindre recours à la biopsie pulmonaire chirurgicale dans cette population en raison des risques qui lui sont associés. La cryobiopsie pulmonaire transbronchique pourrait donc s'avérer particulièrement intéressante dans la démarche diagnostique de PID chez les sujets âgés. 

Nous avons mené au CHU de Nantes une étude observationnelle rétrospective sur les patients ayant bénéficié de cryobiopsies dans le cadre d'un bilan de PID entre 2015 et 2023 (4). Les sujets étaient définis comme âgés s'ils avaient un âge supérieur ou égal à 75 ans. Sur 110 patients, 26 étaient classés comme âgés, avec un âge médian de 78 ans. Le taux de complications majeures (définies par un pneumothorax drainé, une hémoptysie grave, une surveillance en soins intensifs, une exacerbation de la PID ou un décès) était de 8 % chez les personnes âgées et de 12 % chez les personnes non-âgées (p=0,73). Il n'y avait pas de différence en termes de complications entre les deux groupes (Figure 1).

Figure 1 Complications après cryobiopsies pulmonaires transbronchiques. Il n'y avait pas de différence significative entre les groupes âgés et non-âgés pour chaque paramètre. Les « autres » complications étaient l'emphysème sous-cutané sans pneumothorax, la douleur thoracique, la récurrence du pneumothorax, l'hypoxémie et l'embolie gazeuse.


Le rendement diagnostique après DMD était de 85 % chez les personnes âgées et de 79 % chez les personnes non-âgées (p=0,50). Dans le groupe des sujets âgés, le diagnostic le plus fréquent était la  FPI (31 %), suivi par la pneumopathie d'hypersensibilité fibrosante (27 %), tandis qu'aucun diagnostic de PID en lien avec une connectivite ou une sarcoïdose n'a été posé dans cette population (Figure 2).

Figure 2 : Diagnostics retenus après DMD chez les sujets âgés. FPI : fibrose pulmonaire idiopathique, PHS : pneumopathie d'hypersensibilité, PID : pneumopathie interstitielle diffuse. Catégorie « autres » : pneumonie organisée (n=2), fibrose pulmonaire associée à l'insuffisance cardiaque chronique, hyperplasie neuroendocrine pulmonaire diffuse idiopathique (DIPNECH), fibrose bronchiolocentrée associée à une inhalation d'antigène, une PID liée à une vascularite ANCA et une néoplasie.

 

Comme l'exposent les dernières recommandations européennes sur le sujet de 2022, dans le cadre du bilan d'une PID, le rapport bénéfice/risque de la cryobiopsie pulmonaire transbronchique semble donc être favorable chez les personnes âgées, ce qui encourage à la proposer chez des patients sélectionnés en DMD lorsque les caractéristiques cliniques ne sont pas concordantes pour une FPI.

Pour l'Association des Jeunes Gériatres 
Dr Charlotte MENIGOZ1 , Dr Stéphanie DIROU1 1 
Service de Pneumologie, CHU Nantes

Références

1. Korevaar DA, et al. European Respiratory Society guidelines on transbronchial lung cryobiopsy in the diagnosis of interstitial lung diseases. Eur Respir J. 2022; 60: 2200425.

2. Rodrigues I, et al. Diagnostic yield and safety of transbronchial lung cryobiopsy and surgical lung biopsy in interstitial lung diseases: A systematic review and meta-analysis. Eur Respir Rev. 2022; 31: 210280.

3. Patterson KC, et al. Interstitial lung disease in the elderly. Chest 2017;151:838-844.

4. Menigoz C, et al. Transbronchial lung cryobiopsy in interstitial lung diseases. Rev Mal Respir 2023;40 :469-478

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