Actualités : Beauty influence et fake news quelle place pour le dermatologue ? - L’exemple de la thérapie par masques led

Publié le 29 sept. 2025 à 14:38
Article paru dans la revue « FDVF-RJD - La Revue des Jeunes Dermatologue » / FVDF-RJD N°3

Un nouvel objet affole actuellement le monde de la skincare. À l'allure futuriste, tous les beauty addicts se l'arrachent, le commandent pour Noël ou se rendent dans l'institut le plus proche pour en bénéficier. Je parle bien entendu des masques LED. Véritable révolution depuis quelques années, leur cote de popularité ne cesse de croître, portée par les célébrités, les réseaux sociaux et les instituts qui vantent les bienfaits de ce produit. Cet engouement pour la beauté high-tech, ou beauty tech, marque un tournant dans le monde cosmétique. Mais entre outil technologique et promesses esthétiques, où se situent réellement les limites de la technologie en santé ?

Les premières lampes LED datent des années 1990. Développées initialement par la NASA pour favoriser la croissance des végétaux dans l'espace, leurs premières applications cliniques sont apparues quelques années plus tard, notamment dans la cicatrisation de plaies pour les marins. Depuis, elles ont connu de nombreuses évolutions, permettant d'adapter la longueur d'onde à la pénétration cutanée souhaitée, et donc à l'effet recherché. Il existe aujourd'hui différentes couleurs de masques LED, correspondant à diverses longueurs d'onde ciblant chacune un problème de peau différent : rides, acné, psoriasis, plaies chroniques ou post-chirurgicales, ou encore eczéma. Les bénéfices allégués pourraient concerner chacun d'entre nous.
De manière globale, le mécanisme d'action supposé repose sur le déclenchement de réactions photochimiques intracellulaires après exposition à la lumière LED. Ces réactions entraîneraient une libération accrue d'ATP, réguleraient les espèces réactives de l'oxygène, influenceraient la transcription intracellulaire, donc la synthèse de protéines, et favoriseraient également la vascularisation cutanée.
La lumière LED bleue, d'une longueur d'onde d'environ 400 nm, pénètre uniquement dans l'épiderme (inférieur à 1 mm) et est principalement utilisée pour traiter l'acné. Son efficacité serait liée à la destruction de P. acnes par libération de radicaux libres.
La lumière jaune, avec une longueur d'onde d'environ 580 nm, pénètre jusqu'au derme papillaire. Elle est principalement utilisée pour ses effets anti-âge, mais également dans la cicatrisation, en modulant vraisemblablement l'expression des gènes et l'activité des fibroblastes.
La lumière rouge (630–700 nm) est celle qui pénètre le plus profondément, jusqu'à 3mm. Elle serait bénéfique pour le renouvellement cellulaire de la peau grâce à l'activation des facteurs de croissance au sein des fibroblastes, à la stimulation du collagène, et à l'induction d'une légère réaction inflammatoire.
Au-delà de leurs effets directs, ces lumières amélioreraient aussi l'efficacité des dermo-cosmétiques en facilitant leur pénétration à travers les différentes couches de la peau.
Compte tenu des propriétés attribuées à ces dispositifs et de leur facilité d'utilisation, il peut être tentant de s'en procurer un. Sachez toutefois qu'il faut compter en moyenne 400 euros pour un masque LED, avec des premiers prix aux alentours de 100 euros, et jusqu'à près de 4000 euros pour les modèles les plus sophistiqués.
Des études scientifiques se sont donc dernièrement penchées sur le sujet. La méta-analyse la plus récente, publiée en 2023, a analysé plus de 500 articles dont seulement 31 ont été inclus dans l'étude.

Parmi elles :
• 9 concernaient la thérapie LED dans l'acné vulgaire ;
• 3 dans le traitement de l'infection cutanée à herpès simplex virus (HSV) ;
• 7 portaient sur la dermatite atopique ;
• 3 sur le psoriasis ;
• 3 sur la cicatrisation des plaies ;
• 6 sur le renouvellement cellulaire et l'effet anti-âge.

Cette méta-analyse a permis d'augmenter la taille des échantillons, avec des effectifs allant de 65 à 268 patients selon les pathologies dermatologiques étudiées.
Dans le traitement de l'acné, les lumières LED bleue et rouge ont été testées, avec pour critère principal la diminution du nombre de lésions acnéiques. La lumière bleue a été la plus étudiée, avec des essais contrôlés randomisés en double aveugle contre placebo, montrant une différence significative dès 2 à 4 semaines d'utilisation, et une réduction d'environ 35 % du nombre de lésions. Les résultats étaient également significatifs dans les quelques études sur la lumière rouge.
Cependant, cette méta- analyse suggère que l'effet anti-inflammatoire de la lumière bleue serait supérieur à celui de la lumière rouge. Pour le traitement de l'HSV, des longueurs d'onde proches de l'infrarouge ont été utilisées dans les 3 essais contrôlés randomisés inclus dans la méta-analyse. Les résultats ont montré une réduction significative du temps de ré-épithélialisation après une utilisation quotidienne pendant deux semaines.
Les études sur la dermatite atopique et la cicatrisation n'ont pas mis en évidence de bénéfices significatifs.
La lumière bleue a également été testée dans le psoriasis vulgaire pour son effet anti-inflammatoire, avec des résultats prometteurs : une diminution du score de sévérité du psoriasis a été observée après 4 semaines d'utilisation.
Enfin, concernant l'effet anti-âge, la lumière rouge a été la plus étudiée. Une réduction des rides visibles d'environ 30 % a été rapportée après une utilisation bihebdomadaire pendant au moins un mois.
Bien que le nombre d'études incluses dans cette méta-analyse soit encore limité, les résultats semblent prometteurs pour une utilisation appropriée et raisonnée de la thérapie par lumière LED.
Les effets indésirables fréquemment observés vont de l'irritation ou de la sécheresse cutanée à des maux de tête ou une fatigue oculaire. L'hyperpigmentation et les pseudo-éruptions lupiques induites sont rares. Un cas de rétinopathie induite par la lumière LED bleue a été décrit dans la littérature, mais ce type d'effet reste exceptionnel.
Quoi qu'il en soit, il convient de respecter les contre-indications de ces dispositifs (photosensibilité, épilepsie photosensible) et les précautions d'emploi en cas de pathologie dermatologique active.
Même si l'utilisation d'un masque LED peut paraître simple, rapide et autonome, il est de la responsabilité des praticiens de savoir guider nos patients dans son usage. Les recommandations les plus importantes à fournir sont :
• Toujours protéger les yeux pendant l'utilisation.
• Ne pas dépasser la durée recommandée par le fabricant.
• Commencer par des séances courtes (15 à 20 minutes) pour tester la tolérance cutanée. La durée peut varier selon le phototype, avec des séances un peu plus longues pour les peaux foncées.
• Ne pas dépasser 4 séances par semaine pendant les 2 premiers mois, puis faire une pause pour éviter de sur-solliciter la peau et de saturer ses capacités de régénération.

Collage réalisé à partir de post Instagram de @frederiqueverley @kourtneykardash @mariahlleonard @sarahhoward et @samimiro

Références

• https://www.vogue.fr/beaute/article/meilleurs-masques-led
• Ngoc LTN, Moon J-Y, Lee Y-C. Utilization of light-emitting diodes for skin therapy.
• Systematic review and meta-analysis. Photodermatol Photoimmunol Photomed. 2023.
• Kotirkova D, Kadurina M, Kacheva M, Darlenski R. Visible light spectrum light-emitting diode (LED) mask-induced cutaneous lupus erythematosuslike reaction. Int J Dermatol. 2023 Nov.
• Retinopathie (Kim TG, Chung J, Han J, Jin KH, Shin JH, Moon SW. Photochemical Retinopathy induced by blue light emitted from a light-emitting diode Face Mask: A case report and literature review. Medicine (Baltimore). 2020 Jun 12.

 

Mariam DERIOUICH
Interne de Dermatologie à Caen
VP Représentation et formation
2024-2026

Publié le 1759149488000