Actualités : Aide à mourir - Un projet de loi dangereux dont les dérives sont déjà prévisibles

Publié le 20 oct. 2025 à 15:45
Article paru dans la revue « SNJMG / Jeune MG » / SNJMG N°42

Le débat sur une telle loi aurait pu être imaginé à un autre moment de l'histoire, et dans un contexte où l'assurance de moyens de subsistance et de soins décents serait acquise à long terme pour tous-tes. Malheureusement, il ne l'est pas en France en 2025, alors qu'on observe, et ce de façon encore plus criante depuis 5 ans, un refus inquiétant du progrès en santé, la normalisation des prises de positions eugénistes, validistes et âgistes, l'acceptation de pertes d'un nombre indécent de vies humaines, l'exclusion de l'espace public et la mise en danger de personnes vulnérables et que parallèlement on assiste à la constante régression de nos droits sociaux et à l'effondrement du système de santé public ainsi que des services publics de façon générale. Les discours sur les vies « dignes d'être vécues » se multiplient. Dans ce cadre, légiférer maintenant est en soi déjà inquiétant.

Car le sujet ne peut être extrait de son contexte, et si l'attitude individualisante consistant à vouloir soi-même le droit de choisir de mourir si les souffrances sont insupportables est tout à fait compréhensible, le contexte social, la pression latente qui s'exerce sur les individus sont des éléments essentiels. Une recherche médicale correctement financée, des conditions de soins et de vie décentes pour tous-tes les malades doivent être un préalable.

Comment s'assurer que des personnes de plus en plus souvent considérées comme des « poids pour la société », des « poids pour les proches » (parfois par elles-mêmes : on n'échappe pas à sa propre socialisation) n'auront pas été insidieusement poussées à la sortie ? Nous sommes en pleines restrictions budgétaires, et il est moins coûteux pour l'État de proposer l'aide à mourir que de financer de la recherche sur une maladie, rembourser un traitement coûteux, proposer une prise en charge, des aides sociales. La loi pourra évoluer : c'est ce qu'il s'est passé au Canada avec les dérives que l'on connaît, ainsi que les changements que cela opère dans l'opinion publique. En 2023 dans un sondage Research Co., 28 % des Canadiens ne voyaient aucun mal à ce qu'un sans-abri demande à bénéficier d'une aide au suicide même s'il ne souffrait d'aucun problème de santé. En quoi la France serait-elle « immunisée » contre ce type d'évolutions ? Encore une fois, le danger s'arrêterait à nos frontières…

Pourtant, nous ne voyons pas de signes de cette immunité opportune dans l'actuelle proposition de texte. Les termes sont trop flous (par exemple le « stade avancé » : qu'est-ce que le stade avancé d'un diabète, d'une insuffisance cardiaque, d'un cancer ?), le texte intègre les souffrances psychiques ce qui semble préparer l'accès aux maladies psychiatriques, il transforme l'aide à mourir en « droit à l'aide à mourir », adopte un langage euphémisant (mort naturelle,…). Les principaux critères étant subjectifs, cela ne permet pas les protections solides que chacun-e devrait souhaiter face à un pouvoir médical déjà important, notamment en institution. L'unique partie s'inquiétant d'éventuelles pressions financières et sociales a été supprimée. De plus, le glissement sémantique commence déjà et l texte semble ainsi prêt pour en élargir l'accès. Que deviendra-t-il in fine ?

Voici nos revendications :

  • Investissement plus massif pour le développement des soins palliatifs dans toutes les structures de soins au moins hospitalières, mais également dans les institutions qui accueillent les personnes dépendantes.
  • Investissement dans la recherche française, et rendre les produits innovants accessibles à toustes. Actuellement, la recherche française a peu de financements publics, certaines maladies rares et graves sont délaissées sous prétexte qu'elles concernent peu de personnes. Les moyens fournis aux soins adaptés sont malheureusement trop faibles.
  • Une formation systématique initiale et continue sur la prise en charge de la douleur, aiguë et chronique, sur les discriminations en santé.
  • Le développement des aides sociales, humaines, matérielles et financières pour l'accès aux soins, au logement adapté, et à des conditions de vie dignes pour tous·tes.
  • Une formation pour tous·tes les professionnel les susceptibles de remplir des dossiers MDPH.
  • Une accessibilité des services publics et des lieux publics.
  • Un plan de lutte contre les discriminations dans les soins, dans les services publics, au travail.

Ces débats devraient a minima se faire dans l'écoute véritable des militant-es antivalidistes, dans un contexte de libéralisation et fascisation grandissante de la société. Iels ont l'expertise nécessaire. Or leurs arguments sont balayés et leurs positions caricaturées, ce qui est alarmant. Nous les assurons de notre soutien.

Nous appelons également les député-es à prendre du recul sur ce texte et à bien soupeser les conséquences de leurs choix.

Pour plus d'informations concernant la législation étrangère et ses conséquences, nous vous proposons de lire ce billet :

https://blogs.mediapart.fr/laurem/blog/230125/l-aide-active-mourir-une-fausse-solution-progressiste

Publié le 1760967919000