Actualités : Utilisation d’aiguilles atraumatiques pour les ponctions lombaires

Publié le 10 mai 2022 à 18:53

Prévention du syndrome post-PL chez l’enfant

Dr Tamazoust GUIDDIR
PH, Service de Pédiatrie Générale, Bicêtre

Dr Jordi MIATELLO
PH, de Réanimation pédiatrique, Bicêtre

Lors du congrès annuel de l’AJP en septembre à Paris, l’un des ateliers portait sur la formation à l’utilisation d’aiguilles dites « atraumatiques » pour les ponctions lombaires. Ces aiguilles ont pour but de prévenir le syndrome post-PL en étant moins traumatique que les aiguilles classiques. Ces aiguilles sont principalement utilisées en médecine de l’adulte mais sont moins répandues en pédiatrie. Le Dr Guiddir du service de pédiatrie générale, avec le Dr Jordi Miatello, PH dans le service de réanimation pédiatrique, participent à la formation des internes de pédiatrie en stage à l’hôpital du Kremlin Bicêtre. Nous avons eu le plaisir de les accueillir lors du congrès et nous avons pu nous exercer sur des mannequins.

Cet article est tiré de leur présentation qu’ils ont eu la gentillesse de nous transmettre afin de diffuser une meilleure pratique et connaissance de ce geste si couramment réalisé et si redouté de nos petits patients et de leurs familles.

  1. Le syndrome post PL
    La ponction lombaire (PL) est l’acte invasif le plus souvent réalisé en pédiatrie (50.000 à 60.000/an à l’AP-HP).
    Les complications de la ponction lombaire peuvent être :
  • Immédiates lors de la ponction (ne seront pas abordées ici).
  • Retardées, quand la brèche méningée ne se ferme pas = le syndrome post-PL qui peut durer 3 jours, des semaines, des mois, des années…

En France : 5000 cas de syndrome post PL (SPPL) rapportés en 2013 et 400 cas à l’AP-HP en 2011. Son coût hospitalier moyen estimé est de 3300€. En effet, il entraîne un allongement de la durée d’hospitalisation et nécessite des traitements supplémentaires. (PMSI national 2013) (Kokki et al, Acta Anaesthesiol Scand, 1998, Kokki et al, Paediatr Anesth, 1999Janssens et al, Eur J Pediatr 2003).

En pédiatrie, le SPPL est peu connu et sous-estimé. Son incidence est estimée entre 2 à 15 % des PL.
Sa présentation clinique est similaire à celle de l’adulte :

  • Manifestations dans les 24-48h après la PL.
  • Céphalées frontales, occipitales bilatérales +/- nausées, douleur de nuque, symptômes visuels, vertiges...
  • Plus difficile à diagnostiquer chez les nourrissons (Janssens et al, Eur J Pediatr 2003).

Comment réduire le risque de syndrome post PL

1°) Utiliser des aiguilles atraumatiques !

2°) Si on utilise des aiguilles traumatiques tranchantes classiques (Quincke)
• Taille de l’aiguille la plus petite (< 22G).
• Position du biseau parallèle aux fibres nerveuses.
• Replacement du mandrin avant le retrait de l’aiguille.
• Volume prélevé < 15ml.

(Janssens et al, Eur J Pediatr 2003).

3°) Et l’alitement de 1h après la PL : ça sert à quelque chose ?
Etonnement, malgré ce qu’on a entendu dire dans beaucoup de nos stages, rester allonger de façon stricte, augmenterait le risque de syndrome post-PL ! Ebinger et al, Neurology est une étude qui a concerné 112 enfants et adolescents :

  • 15 % de SPPL si couché après la PL versus 2 % si mouvements libres.
  • 42 % de douleur du dos si couché après la PL versus 23 %.

4°) Et l’hyper hydratation ?
Non nécessaire, non plus selon la même étude !

II- A quoi ressemblent ces nouvelles aiguilles ?
La 1ère aiguille est l’aiguille dite « classique » traumatique de Quincke :

Les 2 autres (en dessous) sont dites « atraumatiques » : aiguille de Whitacre en pointe de crayon et la dernière aiguille de Sprotte, ogivale. Sur l’image ci-dessous, est représenté une dure-mère in vitro traversée par les aiguilles.

  • Avec l’aiguille atraumatique (aiguille de Sprotte) : on observe un effet « clapet ».
  • Avec l’aiguille traumatique (aiguille de Quincke) : on observe une brèche qui ne se referme pas spontanément au retrait de l’aiguille responsable de l‘écoulement du liquide cérébro-spinal et donc du syndrome post PL (Strupp et al. 2001).

Et dans les études c’est quoi la différence ?
Les aiguilles atraumatiques (Sprotte ou Withacre) divisent par 3 à 7, selon les études l’incidence, du syndrome post-PL.

Utiliser dès que possible des aiguilles atraumatiques

III- Technique de réalisation d’une ponction lombaire avec les aiguilles atraumatiques

Rappel : niveau de réalisation de la PL
Sur la ligne des deux crêtes iliaques où l’on est entre L3-L4 ou L4-L5.

Une étude a montré que quand on fait un repérage échographique au niveau de la ligne des deux crêtes iliaques, dans 83 % des cas on est entre L3-L4 et L4-L5 chez 30 nouveau-nés (Baxter et al, Arch Dis Child Fetal Neonatal, 2016).

D’ailleurs, on peut s’aider de l’échographie pour se repérer et déterminer le niveau de ponction si on a un appareil d’échographie dans le service. Dans une étude de 2017 : chez 43 nouveau-nés et nourrissons âgés de 1 à 6 semaines, le taux de réussite de la PL était de 95 % s’il y avait un repérage échographique versus 68 % sans repérage (Gorn et al, J Pediatr, 2017).

Chez l’adulte, le cône terminal se situe au niveau de L2 et correspond à la fin de la moelle épinière alors que chez le nouveau-né, la moelle se termine en L3 (cf. images ci-contre).

Anesthésie locale avant la PL

La douleur de la PL est due :

  • A la douleur cutanée.
  • Eventuellement à la douleur périoste (si l’aiguille pique l’os).
  • Plus rarement les douleurs fulgurantes d’origine radiculaire.

Anesthésie en dehors de l’urgence : patch EMLA® au moins 1h avant la PL.
Etude sur 28 enfants et adolescents en double aveugle EMLA 1h avant PL versus placebo :
Diminution significative des mouvements et de la fréquence cardiaque au moment du geste (Whitlow et al, Pediatr Blood cancer, 2015).

Préparation à la ponction : Antisepsie en 3 temps
1°) Détersion nettoyage large de la zone opératoire avec une solution antiseptique moussante. Procéder par mouvements circulaires du centre vers la périphérie.
2°) Rinçage avec sérum physiologique.
3°) Application de l’antiseptique en solution alcoolique (CHLORHEXIDINE ACQUEUSE colorée® 0,5 % ou 2 %).

Quel type d’aiguille atraumatique ?

  • Enfant de moins de 10 kg : ne pas utiliser d’introducteur (aiguilles atraumatique sans introducteur Sprotte 22G 50mm).
  • Enfant de plus de 10 kg : utiliser un introducteur (aiguille atraumatique avec introducteur Sprotte 22G 90mm)

Comment se présente les aiguilles atraumatiques ?
3 éléments : l’introducteur (I) – l’aiguille (A) – le mandrin (M)
L’introducteur est pré-monté sur l’aiguille (attention de ne pas le jeter avec le capuchon).L’introducteur doit être dégagé de l’aiguille juste avant de piquer pour la PL. Le mandrin se glisse dans l’aiguille (comme pour les Quincke).
L’aiguille se glisse dans l’introducteur.

Les explications ci-dessous concernent les enfants de plus de 10 kg pour qui on doit utiliser un introducteur. Pour les autres, l’aiguille atraumatique sans introducteur s’utilise de la même façon qu’une aiguille traumatique.

Voilà, vous êtes au point sur les aiguilles atraumatiques !
Est-ce quelque chose que vous utilisez déjà dans vos services ? En aviez-vous déjà entendu parler ?
Le but de cet article est de diffuser les connaissances et les pratiques des PL avec ces aiguilles atraumatiques. Renseignez-vous dans vos services et parlez-en autour de vous.
Merci encore au Dr Guiddir et au Dr Miatello, pour ce cours, la formation sur mannequin et de nous avoir autorisé à utiliser ce diaporama.
Merci à son équipe (internes de pharmacie de Bicêtre, Anna et Arnaud) pour les ateliers sur mannequins et la logistique de l’atelier !

L’équipe de la lettre de l’AJP
(Daphnée Piekarski)

Article paru dans la revue “Association des Juniors en Pédiatrie” / AJP n°17

Publié le 1652201607000