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Union nationale des internes et jeunes radiologues UNIR N°37 : Hotcase radeos

Publié le 16 May 2022 à 10:16

Un patient de 33 ans se présente aux urgences pour une paralysie faciale gauche périphérique avec comme symptômes un effacement du pli nasogénien, une chute de la commissure labiale, une impossibilité de siffler ou de gonfler les joues, une attraction de la bouche du côté sain lors du sourire associés à un signe des cils de Souques (cils plus apparents du côté gauche à l’occlusion forcée des yeux). Le diagnostic de paralysie faciale a frigore a été retenu et un traitement par corticoïdes instauré.

Le patient consulte 4 mois plus tard devant la persistance de cette paralysie.

Une IRM avec des séquences spécifiques centrées sur les rochers, notamment une séquence T2 Haute Résolution et des séquences en coupes fines sans et avec injection est réalisée. Vous disposez de quelques coupes centrées sur l’anomalie. Quelle(s) est (sont) votre (vos) hypothèses diagnostiques ?
A - Neurinome du nerf facial
B - Méningiome de l’apex pétreux
C - Métastase
D - Hémangiome du nerf facial
E - Méningocèle centrée sur le nerf facial
F - Névrite du nerf facial






SOLUTION HOTCASE RADEOS

Solution : Hémangiome du nerf facial

L’IRM montre un élargissement de la fossette géniculée par une masse charnue, à bords irréguliers, avec une prise de contraste intense en flaque s’étendant jusqu’à la première portion du nerf facial (inter-cochléo-vestibulaire) et la deuxième portion proximale. Cette lésion apparaît en isosignal T2 homogène, sans restriction de la diffusion. Un complément par un scanner du rocher est demandé.


En TDM, il existe un élargissement de la loge géniculée ainsi que de la portion proximale de F2 avec des calcifications spiculées, associé à une érosion de la capsule otique autour du 2ème tour de la cochlée mettant donc en communication le labyrinthe membraneux avec la loge géniculée pathologique.

Devant cette présentation clinique, l’image radiologique que l’on s’attend à retrouver est celle d’une prise de contraste du nerf facial d’allure inflammatoire ou infectieuse, due à une paralysie faciale à frigore d’origine virale.

L’autre intérêt de l’imagerie est d’éliminer un diagnostic différentiel, essentiellement tumoral.

Le nerf facial peut être le siège depuis son origine dans le tronc cérébral à sa terminaison au-delà de la parotide  d’une tumeur responsable le plus souvent d’une paralysie faciale révélatrice. Le rôle de l’imagerie est fondamental pour situer la lésion sur le trajet du nerf, pour distinguer une lésion intrinsèque d’une lésion extrinsèque qui comprime ou envahit le nerf facial (cholestéatome, paragangliome, métastase, etc.).

Or, on retrouve ici une masse développée aux dépens du ganglion géniculé. Deux diagnostics sont donc à évoquer en priorité : le neurinome et l’hémangiome du nerf facial. L’hémangiome du nerf facial est une tumeur vasculaire bénigne rare, se développant à partir des plexus vasculaires entourant le nerf. Il prédomine plutôt chez la femme avec un pic de fréquence entre 30 et 60 ans. Il est retrouvé par ordre décroissant de fréquence au niveau du ganglion géniculé (très majoritairement), du CAI, du segment tympanique du canal du facial, du segment mastoïdien, et exceptionnellement de l’enclume.

Le diagnostic repose sur l’IRM avec séquences T2 en haute résolution, des séquences injectées et le scanner. Les éléments IRM caractéristiques sont un aspect en hypersignal T2 ainsi qu’une prise de contraste intense focalisée sur la logette géniculée. Les hémangiomes du CAI présentent toutefois une prise de contraste moins intense que les schwannomes. L’aspect spiculé des calcifications, en nid d’abeille, sur le ganglion geniculé au scanner est très évocateur. C’est un élément important du diagnostic différentiel avec le neurinome qui est non calcifié et qui se développe plutôt sur la 2ème ou 3ème portion.

La conduite à tenir dépend de la taille de la tumeur et de la fonction faciale, à savoir abstention et surveillance en cas de lésion peu symptomatique, et notamment sans paralysie ou chirurgie (résection avec greffe nerveuse) en cas de tumeur symptomatique, volumineuse ou évolutive ou en cas de paralysie faciale totale sévère qui ne récupère pas sous corticoïdes.

Diagnostic différentiel

Neurinome : Tumeur primitive bénigne neurogène, le neurinome du nerf facial est une entité rare. Principal diagnostic différentiel, il peut atteindre toutes les portions du VII. Ses contours sont parfaitement limités. Le scanner montre une lésion tissulaire de densité homogène dépourvue de micro calcifications, élargissant le canal osseux. En IRM, le neurinome se présente en iso- ou hyposignal T1, en hypersignal T2 et se rehausse intensément après injection de gadolinium, notamment en périphérie.

Méningiome de l’apex pétreux : Masse bien limitée, à base durale d’implantation large, avec des angles de raccordement méningés obtus et souvent un signe de la queue de comète (dural tail sign, non spécifique). Cet épaississement méningé apparaît en isosignal T1 et iso ou hypersignal T2 et se rehausse de façon homogène et intense. Sur le scanner sans injection, il est hypodense, parfois discrètement hyperdense (appelé alors psammome). Il est calcifié dans 30 % des cas. Il s’accompagne souvent de remaniements osseux à type d’hyperostose localisée. A l’étage infra-tentoriel, il est le plus souvent dans l’angle ponto cérébelleux.

Métastase ou lymphome : Les métastases d’un cancer du sein, du poumon et de la prostate surtout sont rarement de localisation unique. Le lymphome entraîne des érosions osseuses, squameuses ou pétreuses, et est peu destructeur.

Névrite du nerf facial : Prise de contraste du nerf facial, le plus souvent dans son segment labyrinthique tympanique et en regard du ganglion géniculé, parfois associé à un hypersignal T2. L’IRM n’est justifiée qu’en cas de doute diagnostique et recherche une autre cause notamment tumorale (cas de notre patient).

Méningocèle : Absence de rehaussement, aspect hétérogène constituant les principales composantes du cerveau, et donc pas d’hypersignal T2. Il faut rechercher une brèche ostéoméningée, le plus souvent post-traumatique même si sont des brèches primaires ont été décrites. 

Conclusion

Devant une paralysie faciale d’apparition progressive, une étiologie tumorale doit être éliminée. Le trajet du nerf facial doit être visible depuis son noyau jusqu’au foramen stylo-mastoïdien. L’IRM est essentielle pour l’étude extra-pétreuse, alors que le scanner est surtout important pour l’étude intra-pétreuse.

Article paru dans la revue “Union Nationale des Internes et Jeunes Radiologues” / UNIR N°37

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