Actualités : Une nouvelle définition du syndrome de détresse respiratoire aigüe

Publié le 27 janv. 2025 à 10:43
Article paru dans la revue « AJPO2 - La revue des jeunes pneumologues » / AJPO2 N°5

Une nouvelle définition du syndrome de détresse respiratoire aiguë

Michael A. Matthay, Yaseen Arabi, Alejandro C. Arroliga, Gordon Bernard, Andrew D. Bersten, Laurent J. Brochard, Carolyn
S. Calfee, Alain Combes, Brian M. Daniel, Niall D. Ferguson, Michelle N. Gong, Jeffrey E. Gotts, Margaret S. Herridge, John
G. Laffey, Kathleen D. Liu, Flavia R. Machado, Thomas R. Martin, Danny F. McAuley, Alain Mercat, Marc Moss, Richard
A. Mularski, Antonio Pesenti, Haibo Qiu, Nagarajan Ramakrishnan, V. Marco Ranieri, Elisabeth D. Riviello, Eileen Rubin, Arthur S. Slutsky, B. Taylor Thompson, Theogene Twagirumugabe, Lorraine B. Ware, and Katherine D. Wick

Le syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) est une insuffisance respiratoire aiguë hypoxique attribuable à un œdème lésionnel pulmonaire sans défaillance cardiaque. Il a d'abord été décrit en 1967 (1), puis la définition a été modifiée à plusieurs reprises afin d'identifier les patients avec des caractéristiques les plus similaires possibles. La « définition de Berlin » datant de 2012 (2, 3) est celle utilisée actuellement et représente une avancée majeure même si elle a quelques limites. En particulier, les données sur l'utilisation de la ventilation invasive ou de la ventilation non invasive n'y ont pas été détaillées (4). Cette définition a donc évolué et a été élargie au fi l du temps avec le monitorage du SDRA par l'oxymétrie de pouls (plutôt que la PaO2) (5, 6) et l'oxygénothérapie à haut débit (étude FLORALI (7)) dont l'utilisation s'est généralisée pendant la pandémie à COVID 19 (8, 9). Elle présente également des limites puisque la radiographie thoracique, les gaz du sang et la ventilation mécanique ne sont pas disponibles dans tous les pays (10). Face à ces changements de pratique, la définition du SDRA a été mise à jour en juin 2021 par une conférence de consensus internationale.

Méthodes

La conférence de consensus a réuni un comité de 32 experts internationaux en soins critiques entre juin 2021 et mars 2022 au cours de 6 réunions en visioconférence.

Trois domaines majeurs de révision potentielle de la définition de Berlin ont été abordés : 1) les facteurs de risque, la temporalité, et l'atteinte d'organes extra pulmonaires, 2) la radiographie thoracique, 3) l'oxygénothérapie.

Des données comprenant des études récentes et des études observationnelles ont été utilisées à partir de la base de données PubMed (5, 6, 8, 10-12).

Après une discussion en commission et un vote, les recommandations du groupe de travail ont été incorporées afin de mettre à jour la définition du SDRA.

Résultats

La nouvelle définition du SDRA est présentée dans le tableau 1 et les mises à jour de la définition de Berlin dans le tableau 2. La figure 1 représente une illustration de la nouvelle définition du SDRA.

Facteurs de risque, temporalité, atteinte des organes extra pulmonaires

Le délai d'une semaine entre une « agression pulmonaire » (infection, traumatisme, brûlure, …) et la survenue du SDRA a été maintenu pour le diagnostic. En effet, l'introduction de l'OHD pourrait induire une forme plus indolente de SDRA, d'où l'intérêt de maintenir ce délai à 1 semaine plutôt que de la réduire.

Radiographie thoracique Les opacités bilatérales non expliquées par un épanchement pleural, une atélectasie ou une masse pulmonaire à la radiographie thoracique restent un critère obligatoire. Même si la reproductibilité de l'interprétation entre chaque lecteur est faible  (13), elle reste l'imagerie la plus couramment utilisée chez les patients graves. L'échographie thoracique est retenue comme une méthode diagnostique supplémentaire pour identifier les condensations bilatérales d'origine non cardiogénique, en particulier lorsque la radiographie et le scanner thoracique ne sont pas disponibles (14-16). Cet examen est considéré comme fiable avec un opérateur formé.

Oxygénothérapie
Le groupe d'expert a étendu la définition du SDRA à trois catégories de patients  : SDRA intubé, SDRA non intubé (incluant les patients sous VNI ou OHD) et SDRA pour les pays à ressources sanitaires limitées (tableau 1 et figure 1). L'utilisation de l'OHD a augmenté depuis l'étude FLORALI (7) et en particulier lors de la pandémie à COVID-19. De plus, 93 % des patients atteints de COVID-19 sous OHD ont toujours les critères de SDRA après intubation et le traitement par ventilation mécanique et PEEP. Par ailleurs, la mortalité de ces patients sous OHD seule est plus faible que les patients intubé et similaire à ceux sous VNI (8).

De plus, le rapport SpO2/FiO2, performant à partir d'une SpO2 inférieure à 97 %, a été validé comme alternative au rapport PaO2/FiO2  (5, 17). En effet, les gaz du sang ont une disponibilité limitée certains pays sous-développés et sont de moins en moins utilisés dans les pays les plus développés.

 

 

Tableau 1 : Critères diagnostique de la nouvelle définition du SDRA

Tableau 2 : Résumé des principales différences entre le nouvelle définition du SDRA et la définition de Berlin réunies avec la mise à jour des critères diagnostiques spécifiques.

Figure 1 : Cas illustratifs de patients avec les descriptions, l'imagerie pulmonaire et les données d'oxygénation pour les 3 catégories de SDRA de la nouvelle définition : SDRA intubé (haut), SDRA non intubé (milieu), SDRA dans un pays à ressources sanitaires limitées (bas). Le patient dans le pays à ressources sanitaires limitées peut être identifié à l'aide d'une échographie, radiographie ou scanner. De plus, le seul avec un SDRA intubé répond aux critères du SDRA de la définition de Berlin. P/F = PaO2:FiO2 ; S/F=SpO2:FiO2 ; SpO2 = saturation en oxygène mesurée par saturomètre.

Discussion

Ces modifications de la définition de Berlin s'expliquent devant l'absence de biomarqueurs fiables ou de résultats histologiques cohérents du SDRA nécessitant un ajustement de la prise en charge des patients dans le temps (18-20). Une étude prospective, incluant 6 centres universitaires, sur les caractéristiques cliniques et biologiques du SDRA, de la pneumonie et du sepsis a été réalisée (21).

Concernant les patients dans la catégorie non intubé sous OHD, le seuil du débit de d'oxygénothérapie a été établi à 30L/minute afin de fournir de faibles niveaux de PEEP (22).

Le groupe destiné aux pays à ressources sanitaires limitées a été créé une nouvelle catégorie en l'absence de VNI et OHD disponible et afin de leur permettre d'utiliser tout autre dispositif d'oxygénothérapie.

Limites
Il n'existe par de test prospectif sur la validité du rapport du seuil SpO2/ FiO2 dans les SDRA non intubés. De plus, le retrait de la PEEP et l'utilisation de l'échographie pourraient induire à un diagnostic faussement positif du SDRA en particulier dans les pays à ressources limitées.

Conclusion

La mise à jour de la définition de Berlin du SDRA permet d'inclure les patients sous OHD à un débit supérieure à 30L/minute, l'oxymètre de pouls peut remplacer la réalisation de gaz du sang lorsque ceux-ci ne sont pas disponibles et l'échographie peut remplacer la radiographie ou le scanner thoracique. Les patients issus de pays à ressource limitées ne sont plus exclus de la définition du SDRA afin de pouvoir les intégrer à la recherche clinique et épidémiologique.

 

Emilie KLEIN
Docteur Junior
CHU de Bordeaux

Relecture
Dr Thibaud SOUMAGNE
Pneumologue à l'hôpital Européen Georges Pompidou (APHP)

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