
Depuis quand et pourquoi as-tu décidé de faire une thèse de sciences ?
J’ai décidé de faire une thèse de sciences pendant l’année de M2. Je trouvais l’expérience de laboratoire très enrichissante, j’avais l’impression de découvrir un autre pan de notre métier, d’inscrire ma pratique dans une dynamique de progrès. Pour moi, la recherche fondamentale est un complément à nos études. Et puis j’avais le temps, 2 ans de disponibles avant le clinicat. C’est idéal d’avoir la possibilité de consacrer 1 ou 2 années à temps plein au laboratoire. Et puis la thèse de sciences c’est aussi un moment unique pour approfondir ses connaissances, pour lire, enrichir sa compréhension des mécanismes physio-pathologiques, aiguiser son esprit critique, développer une culture scientifique et essayer de publier. Finalement, je pense que tout cela contribue à l’amélioration de la pratique clinique.
Comment ça s’est passé pour les inscriptions, le choix du laboratoire, et de l’école doctorale ?
J’ai enchaîné M2 et thèse. Je n’ai donc pas changé de directeur de projet ni de laboratoire de rattachement. Je me suis inscris dans une école doctorale de l’université à laquelle est rattachée mon laboratoire d’accueil (Université Paris Est). Il fallait que le projet de thèse soit compatible avec les objectifs de l’école doctorale, le choix s’est donc porté vers l’école doctorale « Sciences de la Vie et de la Santé » (SVS).
Mais l’inscription universitaire en elle-même ne pose pas de problème, il faut remplir un dossier administratif classique et bien sûr décrire le projet. La grosse difficulté, c’est le financement. Actuellement, en tout cas en ce qui concerne l’école doctorale SVS, on ne peut s’inscrire que si l’on dispose d’un financement sous forme de contrat de travail. Les bourses ne sont plus acceptées pour des raisons juridiques de droit du travail. C’est compliqué parce que cela réduit le nombre d’offres compatibles alors que le nombre de demandes reste important. Les remplacements en cabinet de ville ne sont pas acceptés, les vacations hospitalières le sont. Je ne sais pas ce qu’il en est des gardes à l’hôpital. D’autre part, les financements sont en général proposés pour 1 an, il faut donc chaque année renouveler les démarches. Et beaucoup se retrouvent sans financement.
Une thèse, c’est toujours à la suite du M2 ?
Je pense qu’il n’y a pas de règle. Il faut bien sûr avoir fait un M2 pour pouvoir débuter une thèse de sciences. J’ai eu la possibilité de débuter la thèse juste après leM2, mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Commencer la thèse avant le clinicat me parait optimal. Retourner au laboratoire après le clinicat n’est pas toujours simple. La motivation n’est plus forcément la même, des opportunités plus avantageuses financièrement peuvent s’offrir, et puis finalement, il n’y a que peu de postes universitaires. L’idéal me semble-t-il, est de pouvoir la faire à plein temps pendant 1 ou 2 ans.
Comment s’élabore un projet de thèse ?
Dans mon cas, le projet s’est inscrit dans la continuité du travail entrepris au cours du M2. En général, c’est le directeur de thèse qui propose le projet, que l’on s’approprie au fur et à mesure des discussions, des recherches bibliographiques, et des résultats des manipulations. Ensuite, lorsque l’on a acquis plus de recul, on peut bien sûr proposer certaines pistes de travail, mais il ne faut pas s’égarer. Deux ou trois ans ça parait long, mais en réalité cela passe très vite.
Quelle est la durée d’une thèse ?
Dans la majorité des écoles doctorales, il est possible de valider sa thèse si le travail effectué a donné lieu à 1 publication (au minimum) dans une revue internationale. Les étudiants la valident en général en 2 ou 3 ans. Un papier scientifique de bonne qualité, ça peut être très long à obtenir. Il faut des résultats intéressants (et positifs), bien souvent reproductibles
« in vivo » et « in vitro », l’idéal est bien sûr de travailler sur un sujet porteur et dont l’approche est originale. Une fois le papier soumis, il faut s’attendre à ce que les reviewers demandent des manipulations complémentaires qui peuvent également prendre plusieurs mois. L’élaboration du projet, le travail bibliographique, l’anticipation des résultats sont passionnants, mais le quotidien des manipulations ratées, celui des pipettes et des dilutions, des microlitres, et des protocoles qui devaient marcher mais qui ne fonctionnent plus, ce quotidien est parfois démotivant. Mais il ne faut rien lâcher.
La thèse, c’est compatible avec d’autres activités cliniques ?
Oui et non. Le laboratoire, ça demande une implication quotidienne. Le temps, en recherche, est très long. Les mises au point peuvent prendre des semaines ou des mois, même lorsque l’expérimentation parait simple, les résultats doivent être reproduits. Bref, la thèse demande du temps. On est souvent amené à faire des remplacements ou des gardes pour compléter les revenus, mais c’est toujours au détriment du travail de laboratoire et puis les allers-retours fréquents entre hôpital / cabinet médical et laboratoire, c’est une contrainte qui à long terme peut lasser.
Quel est le planning type de la journée ?
Il n’y en a pas vraiment. Le planning est élaboré en fonction des manipulations. En pratique j’arrive au laboratoire vers 9h, et repart entre 18 et 19h. Il y a bien sûr des réunions d’équipe, des bibliographies, des topo, des formations ou des congrès qui émaillent les semaines. C’est un rythme différent de celui de l’hôpital, il y a moins d’euphorie ! Mais cela reste une expérience « extraordinaire » : on est quand même dans le monde des souris hypertendues, des lapins occlus, et des fibroblastes atypiques
Dr Guillaume Lezmi
Article paru dans la revue “Association des Juniors en Pédiatrie” / AJP n°04

