Il s’agit d’une patiente de 40 ans, ayant comme principal antécédent un bypass en 2006 et un IMC actuel à 23 kg/m2. Elle ne consomme pas d’alcool, pas de toxique ni de tabac et n’a aucun traitement.
En Avril 2022, Mme Y consulte son médecin traitant pour des œdèmes des membres inférieurs d’apparition récente.
Celui-ci fait réaliser un bilan biologique en ville qui retrouve, entre autres :
- Une hypoalbuminémie à 17 g/L ;
- Une bilirubine totale à 38µmol/L ;
- Un TP à 57 %.
Un bilan immun est réalisé dans un second temps et met en évidence des anticorps anti-nucléaires à 1/100 et des ANCA à 1/320.
Le reste du bilan est négatif et la patiente retourne à domicile sans prise en charge particulière.
En Juillet 2022, Mme Y se présente aux urgences pour majoration des œdèmes des membres inférieurs avec asthénie associée. Elle ne présente pas d’encéphalopathie hépatique.
Au bilan biologique, elle présente une cytolyse hépatique à 10N, prédominant sur les ASAT, avec cholestase ictérique (bilirubine totale à 97µmol/L dont 78µmol/L de conjuguée), un TP à 27 %, un facteur V à 44 % et un INR à 2,61.
Elle est hospitalisée en service d’hépato-gastro-entérologie pour bilan étiologique :
- Biologiquement, les sérologies virales (VIH, VHB, VHC, VHA, VHE, HSV, CMV, EBV) négatives et le bilan du cuivre négatif.
Au dosage pondéral des immunoglobulines on met en évidence une hypergammaglobulinémie avec IgG à 21g/l.
Le bilan auto-immun retrouve : AAN 1/160, ANCA 1/800, Ac anti muscle-lisse négatif, Ac anti LKM1 négatif, Ac anti cytosol négatif, Ac anti mitochondries négatif, Ac anti DNA et ENA négatifs.
Le TP passe ensuite à 24 % avec un facteur V à 40 %.
- Un scanner thoraco-abdomino-pelvien retrouve un foie de petite taille sans lésion focale suspecte ainsi qu'une ascite de moyenne abondance sans thombose porte associée.
Le bilan est complété par une IRM hépatique qui montre l’absence de lésion focale.
Une biopsie hépatique par voie transjugulaire est réalisée et montre des lésions d’hépatite active riche en plasmocytes avec nécrose en pont extensive, sans cirrhose sous-jacente. L’aspect histologique est comparable à une hépatite auto-immune.
Quelle est votre prise en charge initiale ?
Réponses B et C.
Toute hépatite auto-immune doit être traitée, sauf si elle est inactive sur le plan biologique, clinique et histologique.
Corticothérapie (0,8 à 1 mg/kg/jour) et réévaluation entre 3 et 7 jours.
Si une réponse est objectivée : décroissance de la corticothérapie et début d’un traitement par AZATHIOPRINE.
Si aucune réponse n’est objectivée il faut alors débuter un bilan pré-greffe et considérer un traitement de 2ème ligne.
Nous sommes ici dans le cas d’une hépatite aiguë auto-immune sévère.
Dans ce cas, un score a été conçu pour établir la probabilité de réponse aux corticoïdes. Il s’agit du score SURFASA, réalisé à J3 du début de la corticothérapie, prenant en compte l’INR et la bilirubine. Si le seuil est < - 0,9, la probabilité de réponse au traitement est d’environ 75 %. Si il est > 1,75, il existe un risque de 85 à 100 % de décès ou de transplantation hépatique devant faire réaliser un bilan pré-greffe en urgence.
L’inscription sur liste de transplantation hépatique en super-urgence est réservée pour les formes fulminantes et sub-fulminantes.
Devant l’absence d’amélioration clinico-biologique (baisse du TP, augmentation de la bilirubine), un bilan pré-greffe est réalisé chez Mme Y
Dans les suites, la patiente se dégrade cliniquement avec apparition de troubles de la conscience (Glasgow 3). Elle est transplantée hépatique en super-urgence devant ce tableau d’hépatite auto-immune sub-fulminante. L’anatomopathologie du greffon retrouve une hépatite active riche en plasmocytes avec nécrose multi-lobulaire et foyers résorptifs riches en néo-ductules compatibles avec une hépatite sub-aiguë nécrosante.
L’hépatite auto-immune (HAI) sévère ou fulminante correspond à 20-25 % des hépatites auto-immunes. Le diagnostic est difficile avec des IgG normales dans 20 à 30 % des cas et une absence d’anticorps dans 25 à 40 % des cas. L’histologie est la clé du diagnostic avec des signes révélateurs tels qu‘une hépatite lobulaire, un infiltrat lympho-plasmocytaire, une hépatite d’interface et de la nécrose massive.
La forme fulminante est retrouvée dans 3 à 6 % des HAI, et dans ce cas, la transplantation hépatique est le traitement de choix.
L’hépatite auto-immune correspond à environ 2 % des transplantations hépatiques et la récidive sur greffon peut atteindre jusqu’à 60 % à 5 ans.
À J-36 post-transplantation hépatique, Mme Y rentre à domicile. Elle est revue en consultation à J44 et le bilan biologique retrouve une cytolyse à 15-20N, une cholestase à 1,5N avec bilirubine totale à 23µmol/L. Elle est donc re-hospitalisée en hépato-gastro-entérologie. Un scanner abdomino-pelvien est réalisé et montre une stabilité des voies biliaires ainsi qu’une absence d’anomalie au niveau des anastomoses cave, porte et artérielle.
Quelles sont vos hypothèses diagnostiques ?
Réponses A, B, C, D
Lors d’une perturbation du bilan hépatique en post-transplantation hépatique, plusieurs hypothèses diagnostiques sont à évoquer :• Une sténose ou thrombose de l’artère hépatique ;
• Une sténose ou thrombose porte ;
• Une sténose de l’anastomose biliaire (avec prédominance d’une cholestase le plus souvent) ;
• Une infection à Cytomégalovirus ;
• Une hépatite virale ;
• Une hépatite médicamenteuse ;
• Un rejet aigu cellulaire. Un bilan exhaustif doit donc être réalisé avec notamment les sérologies virales (VHA, VHE et PCR VHE car patient immunodéprimé, PCR CMV, EBV, HSV, VIH, VHB, VHC) et une imagerie (échographiedoppler hépatique, TDM AP voire cholangio-IRM).
Chez Mme Y, après avoir réalisé une échographie-doppler hépatique, une cholangio-IRM et un bilan biologique exhaustif, la sérologie virale VHE revient positive avec une charge virale à 11958800 copies/mL. Le diagnostic d’hépatite E aiguë à J45 de la transplantation hépatique est posé. Quel mode de contamination pouvez-vous évoquer chez Mme Y ? A. Transmission féco-orale. B. Transmission materno-foetale dans l’enfance. C. Transmission parentérale. D. Transmission par contact direct avec un animal. E. Transmission par contamination du greff on hépatique.
Réponses A, C, D, E.
Le virus de l’hépatite E est un virus à ARN simple brin, du genre Herpevirus, de la famille hepeviridae.Il existe 4 génotypes (1 et 2 chez l’homme et 3 et 4 zoonotiques).
Il s’agit de la 1 ère cause d’hépatite virale dans le monde. Les principaux modes de transmission sont féco-oral, par contact direct avec le réservoir animal, alimentaire par ingestion de viande crue/peu cuite, et, transfusionnel.
L’Asie, l’Afrique et l’Amérique Latine sont de fortes zones d’endémie par contamination oro-fécale.
Le diagnostic chez les patients immunodéprimés se fait par recherche d’ARN viral via PCR car il existe une suppression du système immunitaire et donc des risques de faux négatifs sur les Ac anti-VHE.
L’hépatite E aiguë se chronicise dans 60 % des cas chez les immunodéprimés et une cirrhose sur greffon est d’évolution très rapide (environ 2 ans).
Mme Y n’a pas consommé de viande crue/peu cuite ou n’a pas eu de contact direct avec le réservoir animal (type porc). La transmission féco-orale est très peu probable dans le contexte.
Ici, les deux modes de contamination les plus probables sont la contimation post-transfusionnelle (transfusion de 10 culots globulaires lors de la transplantation hépatique) ou un greffon contaminé.
La transfusion reste un mode de contamination fréquent dans les pays occidentaux. En effet, chez les donneurs de sang, environ 20 % de la population française a une séroprévalence positive (IgG), jusqu’à 50 % dans la région Sud-Ouest. 1 % des donneurs de sang ont une sérologie virale IgM positive.
Quelle est votre prise en charge pour cette hépatite E aiguë et comment gérez-vous le traitement immunosuppresseur chez Mme Y ?
Aucune réponse vraie.
La prise en charge chez les immunodéprimés consiste en :
Le SOFOSBUVIR/ VELPATASVIR est un des traitements contre l’hépatite C. L’ENTECAVIR est un des traitements contre l’hépatite B.
Chez Mme Y, toute la complexité réside dans la baisse du traitement immunosuppresseur pour contrôler la virémie VHE chez une jeune patiente atteinte d’hépatite auto-immune, à fort risque de rejet aigu.
Références
Pauline RIVIERE
Relectrice
Dr Lucy MEUNIER CHU
de Montpellier
Article paru dans la revue « Association Française des Internes d’Hépato-Gastro-Entérologie » / JJG N°3