Les tumeurs desmoïdes sont des tumeurs rares 400 cas/an en France et de bon pronostic. Elles touchent majoritairement les femmes (6F/1H) entre 35-44 ans et peuvent se développer dans un contexte traumatique : chirurgie, grossesse et post-partum [1].
Les tumeurs desmoïdes proviennent d’une prolifération fibroblastique des parties molles.
Environ 90 % des tumeurs sont sporadiques liées à la mutation CTNNB1 dans le gène de la B-caténine. Les autres sont liées à la mutation APC et sont associées à des polyposes adénomateuses familiales. Ces deux mutations sont mutuellement exclusives. Elles entraînent une activation des facteurs de croissance responsables d’une prolifération cellulaire.
Les tumeurs desmoïdes sont des tumeurs bénignes mais localement agressives. Elles ne présentent donc pas de risque de métastase. Leur pronostic dépend de leur localisation et du risque de complications locales. Par exemple, une localisation digestive est à risque d’occlusion, perforation ou hémorragie digestive.
En imagerie, ce sont des tumeurs superficielles peu vascularisées et refoulant les structures adjacentes. Leurs contours sont le plus souvent réguliers et lobulés.
L’évolution naturelle des tumeurs desmoïdes est variable : 30-50 % vont spontanément régresser, 30 % vont se stabiliser et 20-30 % vont progresser localement.
C’est pourquoi, il est recommandé de commencer par une phase de surveillance active. En cas de progression ou de risque d’atteinte d’organe vital, un traitement systémique doit être discuté dans un centre expert.
Les inhibiteurs de tyrosines-kinases sont un traitement de choix car la plupart du temps bien tolérés.
Le Sorafenib (inhibiteurs multi-kinases) a montré sa supériorité au placebo, dans un essai de phase 3 randomisé, avec une survie sans progression (PFS) augmentée de 7 mois (PFS placebo 6 mois Vs PFS sorafénib 15 mois) [2]. La PFS médiane était non atteinte dans le groupe Sorafénib.
Le Pazopanib (anti-VEGF) a été étudié dans une étude de phase 2 [3]. 83,7 % des patients n’avaient pas progressé à 6 mois sous Pazopanib. Néanmoins, il y a eu 20 % d’arrêts pour toxicité.
En cas de progression ou de contre-indication aux inhibiteurs de tyrosines-kinases, la chimiothérapie par Vinorelbine, en une prise per os hebdomadaire, semble apporter une amélioration clinique chez 74 % des patients avec 29 % de réponse et 57 % de stabilité [4]. La forme intraveineuse peut être utilisée en cas de syndrome occlusif ou de mauvaise tolérance de la forme per os.
Une nouvelle classe thérapeutique a été développée récemment et a obtenu l’AMM. Ce sont les inhibiteurs de gamma-sécrétases. Ces dernières sont impliquées dans l’homéostasie et la prolifération tissulaire notamment par la voie Notch suractivée dans les tumeurs desmoïdes [5]. Leur inhibition bloque le développement tumoral.
Le Nirogacestat, inhibiteur sélectif, réversible et non compétitif des gamma-sécrétases, entraîne une réponse partielle chez 35 % des patients, ayant progressés après une première ligne de traitement systémique [6]. L’étude DEFI présentée à l’ESMO 2022 est actuellement en train d’évaluer le Nirogacestat, en phase 3 contre placebo [7].
Les résultats définitifs de l’étude ainsi que les données de sécurités à long terme ne sont pas encore connus. Les gamma-sécrétases sont impliquées dans de nombreuses voies de signalisation cellulaire. En effet, par exemple, la maladie d’Alzheimer est secondaire à un défaut de clivage des plaques amyloïdes par les gamma-sécrétases. De même, la prolifération folliculaire nécessite l’activation de la voie Notch. Cela pose donc la question des effets indésirables à long terme.
Enfin, concernant les traitements locaux, la chirurgie est réservée en cas de complication aiguë. La radiothérapie est utilisée en dernière intention en cas de résistance aux traitements systémiques. La cryothérapie est une option thérapeutique dans les localisations extra-abdominales en progression après au moins une ligne de traitement systémique.
Références
Victoire MOUREN
Interne en oncologie médicale
Article paru dans la revue « Association pour l'Enseignement et la
Recherche des Internes en Oncologie » / AERIO N° 5