Cancer du sein chez l’homme
Le cancer du sein n’est évidemment pas une tumeur rare, mais le cancer du sein masculin lui l’est. Voici en quelques lignes un résumé des particularités épidémiologiques, cliniques et thérapeutiques de ces cancers.
Epidémiologie et facteurs de risque
Les cancers du sein chez l’homme représentent moins de 1% des cancers du sein et moins de 1% des cancers chez l’homme. L’incidence serait en augmentation ces dernières décennies.
En comparaison au cancer du sein chez la femme, il survient à un âge plus tardif et est diagnostiqué à un stade plus avancé [1].
Les facteurs de risque les mieux identifiés sont génétiques. Les mutations les plus représentées sont BRCA2 (risque cumulé de cancer du sein masculin de 6 %) et BRCA1 (risque cumulé à 1 sur 100).
Les autres facteurs de risque sont peu connus mais on évoque l’obésité, le syndrome de Klinefelter, la gynécomastie, les pathologies hépatiques, les dysfonctions testiculaires, la consommation d’alcool ou encore l’antécédent d’irradiation [2].
La survie des patients atteints de cancers du sein masculins semble moins bonne que chez la femme, reflétant le fait que le diagnostic soit souvent fait à un stade plus avancé, certains difficultés thérapeutiques mais c’est également le refl et de l’âge plus avancé au diagnostic et de l’état plus comorbide de ces patients.
Clinique et moléculaire
Le signe d’appel clinique est le plus souvent une anomalie de la région aréolaire, un épaississement ou une tuméfaction. Un écoulement mamelonnaire ou une ulcération sont rares mais fortement évocateurs.
Sous types les plus fréquents : Les cancers du sein masculins sont plus fréquemment RH+ ou RP + et moins fréquemment HER2+++ que les cancers du sein féminins [3]. Le cancer du sein masculin a également des particularités sur le plan moléculaire, avec des différences en matière d’expression génique et de méthylation ainsi que dans la présence de gènes de prédisposition au cancer tels que BRCA2 [4].
Particularité de la prise en charge au stade localisé
Les grandes lignes du traitement sont identiques à la prise en charge du cancer du sein chez la femme. L’étape clé est une chirurgie, qui est une mastectomie sans conservation de la plaque aréolo-mammelonaire dans la plupart des cas du fait des diagnostics à des stades plus avancés et de la plus petite taille du sein.
La prise en charge ganglionnaire ne diff ère pas de celle du cancer du sein féminin.
La prise en charge en radiothérapie elle non plus n’a pas de différence majeure si ce n’est une plus grande fréquence de l’irradiation de la paroi, du fait des raisons suscitées.
Concernant les traitements adjuvants, la chimiothérapie est réalisée selon les facteurs pronostiques, le sexe masculin n’étant pas une indication en soit. L’hormonothérapie de référence est le tamoxifène. Une association par inhibiteur de l’aromatase et par analogue de la LH-RH est possible. Les traitements anti-HER2 sont identiques au cancer féminin.
Particularité de la prise en charge métastatique
Les indications des traitements systémiques dans les cancers du sein chez l’homme sont guidées par les mêmes paramètres que chez la femme, en priorité les biomarqueurs prédictifs, l’état général et la présence d’une crise viscérale.
Cependant, les données pour certaines molécules récentes sont très limitées, du fait de la faible inclusion de patients mâles dans les essais cliniques de cancer du sein.
Par exemple, il existe peu de données sur les inhibiteurs de CDK 4/6. Les avis d’experts sont en faveur d’une utilisation possible, par exemple du ribociclib en association au tamoxifène [5]. S’ils sont associés aux inhibiteurs de l’aromatase, un analogue de la LR-RH doit également être ajouté.
De même, les données des inhibiteurs de PARP dans la prise en charge des cancers du sein masculins sont encore très limitées.
Les prises en charge doivent donc être décidées en RCP et l’avis d’équipes spécialisées devrait être sollicité.
Essais cliniques
Bien qu’il existe quelques essais cliniques ouverts spécifiquement dans le cancer du sein masculin, le sexe masculin n’est que très rarement un critère d’exclusion des essais dans le cancer du sein. Il ne faut donc pas hésiter à orienter les patients vers des essais cliniques afin qu’ils aient accès aux thérapeutiques innovantes.
Des initiatives internationales comme la création du programme Male Breast Cancer Program, coordonné par l’European Organisation for Research and Treatment of Cancer (EORTC) et le Translational Breast Cancer Research Consortium (TBCRC) permettent de coordonner la recherche dans ces situations cliniques rares et d’accélérer l’acquisition des connaissances.
Autres particularités
Le patient atteint de cancer du sein doit faire l’objet d’une prise en charge globale, notamment sur les aspects psychologiques en lien avec la pathologie, les effets secondaires des traitements et le possible contexte génétique. Une consultation d’oncogénétique sera proposée systématiquement avant 71 ans et après 71 ans si antécédents familiaux évocateurs en raison de la prévalence de mutation germinales prédisposantes.
Références
2. Ruddy KJ, Winer EP. Male breast cancer: risk factors, biology, diagnosis, treatment, and survivorship. Ann Oncol. 2013;24:1434-1443.
3. Serdy KM, Leone JP, Dabbs DJ, Bhargava R. Male Breast Cancer. Am J Clin Pathol. 2017 Jan 1;147(1):110-119. doi: 10.1093/ ajcp/aqw207. PMID: 28171879.
4. Rizzolo P, Silvestri V, Tommasi S, et al. Male breast cancer: genetics, epigenetics, and ethical aspects. Ann Oncol. 2013;24(suppl 8):viii75-viii82.
5. Dr. Pavani Chalasani, ASCO daily news 2019. https://dailynews.ascopubs.org/ do/10.1200/ADN.19.190134/full/
Matt hieu DELAYE
Article paru dans la revue “ Internes en Oncologie” / AERIO N°04