Actualités : Transplantation utérine chez les femmes avec une infertilité d’origine utérine

Publié le 05 juin 2025 à 10:00
Article paru dans la revue « AIGM / Gynéco Med » / AIGM N°4

Uterus Transplant in Women With Absolute Uterine-Factor Infertility

Giuliano Testa et al. Journal of the American Medical Association, Septembre 2024

Mots-clés
Uterus transplant, uterine infertility, assisted reproductive technology

L'infertilité d'origine utérine concerne 1 femme sur 500 et est définie par un utérus non fonctionnel ou par l'absence d'utérus (congénitale ou acquise).

Elle reste un défi en médecine de la reproduction. Ces femmes ont habituellement recours à l'adoption ou à la Gestation Pour Autrui (GPA) dans les pays où cela est légal. Le développement de la transplantation utérine offre à ces femmes la possibilité d'avoir une grossesse. Depuis la première greffe d'utérus réussie en 2011, plus de cent greffes ont eu lieu dans le monde à partir de donneuses vivantes ou décédées, avec plus de 70 naissances vivantes.

L'étude DUETS (« The Dallas Uterus Transplant Study ») a été conçue pour étudier les conséquences à long terme de la transplantation utérine, afin de jauger sa faisabilité et sa sécurité, et si elle permet la naissance d'enfants en bonne santé.

Méthode

Les transplantations ont eu lieu dans un centre au Texas entre septembre 2016 et août 2019. Les donneuses et les receveuses étaient sélectionnées par un comité multidisciplinaire comprenant des chirurgiens, obstétriciens, gynécologues, psychologues, avocats des donneuses et infirmières coordinatrices. Les receveuses étaient des femmes âgées de 20 à 40 ans, présentant une infertilité d'origine utérine, ayant au moins un ovaire fonctionnel et au moins deux blastocystes euploïdes de bonne qualité vitrifiés avant la greffe (ce nombre a été augmenté à 4 blastocystes pour les donneuses 11 à 20). Elles ne devaient pas présenter de contre-indication médicale ou psychologique et devaient avoir une longueur vaginale de plus de 5 cm. Les donneuses étaient des femmes entre 25 et 65 ans sans contre-indication médicale ou psychologique et ayant eu au moins une grossesse avec une naissance vivante.

Le greffon était prélevé par laparotomie ou par chirurgie robot-assistée avec extraction vaginale et réimplanté par laparotomie avec anastomoses vasculaires aux vaisseaux iliaques externes et suture vaginale.

Le traitement immunosupresseur comprenait un traitement d'induction suivi d'un traitement d'entretien, à l'image des traitements chez les greffés rénaux. Des biopsies cervicales étaient réalisées dans les jours et semaines après la greffe puis pendant la grossesse afin de détecter les rejets aigus.

Concernant la grossesse, les patientes étaient suivies de façon rapprochée avec des échographies et dopplers artériels ombilicaux et la naissance avait lieu par césarienne. Une deuxième grossesse était envisagée en fonction du désir de la mère, de l'absence de complications obstétricales et de l'absence de rejet ou de complications liées à l'immunosuppression. L'hystérectomie du greffon avait lieu immédiatement après la césarienne, dans les huit semaines après la naissance ou ultérieurement.

Le critère de jugement principal était l'efficacité de la greffe, définie comme la naissance vivante d'un enfant après la transplantation. Les critères de jugement secondaires étaient les effets secondaires potentiels pour les receveuses, les donneuses vivantes et les enfants nés grâce à la greffe.

Résultats

20 receveuses ont été inclues, avec une médiane d'âge de 30 ans. Parmi elles, 18 présentaient un syndrome de Mayer-Rokitanski-Küster-Hauser et 2 avaient subi une hystérectomie pour une indication bénigne. Parmi les donneuses, 18 étaient des donneuses vivantes avec une médiane d'âge de 37 ans et une médiane de parité de deux. 2 étaient des donneuses décédées de 30 et 43 ans avec une parité de deux.

14 greffes sur 20, soit 70 %, ont été couronné de succès avec au moins une naissance vivante pour chacune. Les échecs (6 cas dont 1 à partir de donneuse décédée) étaient principalement dus à des complications vasculaires précoces (thromboses sur anastomose ou saignements).

Le délai moyen entre la transplantation utérine et le premier transfert embryonnaire était de 4 mois. 7 receveuses (soit 50 % des patientes greffées avec succès) ont obtenu une naissance après le premier transfert, 2 après 2 transferts et 5 après au moins 3 transferts. Le taux de naissance vivante par transfert d'embryon était de 43 %.

Au total, 24 grossesses cliniques ont été rapportées avec 16 naissances vivantes. Le délai médian entre la greffe et la première naissance vivante était de 14 mois.

50 % des patientes ont présenté au moins une complication pendant la grossesse, les plus fréquentes étant l'hypertension artérielle gravidique, le travail prématuré et l'insuffisance cervicale. 6 fausses couches précoces et 3 fausses couches tardives ont été rapporté (2 en lien avec une incompétence cervicale, 1 en lien avec une chorioamniotite). Deux patientes ont eu une seconde grossesse avec naissance vivante, avec un délai médian entre la greffe et la deuxième naissance de 34 mois.

Le délai médian entre la transplantation et l'hystérectomie du greffon était de 22 mois.

L'âge gestationnel médian à la naissance était de 36 semaines d'aménorrhée et 1 jour. Aucune malformation congénitale n'a été détectée.

Sur les 14 patientes greffées, 9 ont présenté des signes de rejet aigu à la biopsie, traités médicalement.

Concernant les donneuses vivantes, 13 ont eu une laparotomie et 5 une chirurgie robot-assistée. 4 donneuses sur 18 (soit 22 %) ont présenté une complication grave (grade supérieur ou égale à 3 selon la classification de Clavien-Dindo) mais aucune n'avait de séquelle après un suivi minimum de 4 ans.

Discussion

La greffe d'utérus est donc techniquement faisable et est associée à un taux élevé de naissances vivantes chez les receveuses. En effet, parmi les 14 patientes greffées avec succès, toutes ont obtenu au moins une naissance vivante. Une étude suédoise publiée en 2022 portant sur 9 patientes a rapporté un taux de naissance vivante de 67 % après une greffe d'utérus.

Les complications pour les donneuses ne sont pas négligeables, avec notamment le risque de lésion urétérale.

11 receveuses sur 20 ont eu au moins une complication, incluant les risques chirurgicaux liés à la greffe initiale ainsi que les chirurgies ultérieures (1 à 2 césariennes et les hystérectomies de greffon), les rejets du greffon, l'exposition aux immunosuppresseurs avec notamment le risque de néphrotoxicité. L'impact à long terme de l'immunosuppression chez ces femmes en bonne santé reste inconnu. Les données préliminaires suggèrent que la fonction rénale se rétablit complètement ou presque à un suivi de 12 mois après l'arrêt du traitement.

Concernant les enfants nés grâce à la greffe, les données sont rassurantes dans cette étude. Aucune conséquence sur la croissance fœtale n'a été observée. Cela contraste avec les données de la littérature concernant les mères ayant reçu d'autres greffes d'organes solides : les études mettent en évidence une fréquence de 16 % d'enfants de petite taille pour l'âge gestationnel à la naissance.

Enfin, cette étude présente des limites. Les résultats concernent l'expérience d'un seul centre aux États-Unis avec un échantillon de petite taille ultra sélectionné et sont donc peu généralisables.

Conclusion

Cette série de cas concernant 20 femmes dans un établissement au Texas a montré que la greffe d'utérus était techniquement réalisable et associée à un taux élevé de naissances vivantes (70 %). Les événements indésirables étaient fréquents, à la fois chez les receveuses et les donneuses. À ce jour, aucune anomalie congénitale ni retard de développement n'a été observé chez les enfants nés grâce à la greffe.

Camille ARTRU
Interne en Gynécologie
Médicale, 5ème semestre
Paris

Dr Aubin GARCIA
Chef de Clinique (CCA),
Médecine de la Reproduction, Hôpital Port Royal
Paris

Publié le 1749110448000