
État des lieux
Les arrêtés du 12 avril1 et du 21 novembre2 2017 fixent les nouvelles modalités d’organisation et des contenus de la réforme du 3ème cycle des études médicales.
Cette réforme se justifie par la nécessité de moderniser le système de formation, de reconnaître de nouvelles spécialités et la volonté de simplifier et d’homogénéiser l’ensemble de la formation sur le territoire.
Le 3ème cycle se décline en 3 phases avec une mise en responsabilité progressive qui permettent l’obtention d’un Diplôme d’Études Spécialisées (DES) nécessaire et suffisant à la pratique d’une spécialité (ou d’une surspécialité).
La phase 1 « socle » d’une durée de 1 an permet l’apprentissage des bases de la spécialité.
La phase 2 « d’approfondissement » dure 3 ans durant lesquels le futur cardiologue doit accéder à une formation dite « full-training » afin de découvrir l’ensemble du champ de la spécialité. Cette phase se conclut par la soutenance de thèse.
La phase 3 « de consolidation », 1 an dans le cas général et 2 ans pour les surspécialisations interventionnelles, avec des objectifs professionnalisants.
La déclinaison se joue également à l’échelle territoriale puisque dans chaque subdivision (organisée autour des CHU) se trouvent :
- Une commission locale de coordination de spécialité présidée par le coordonnateur local de la spécialité et chargée du suivi pédagogique des étudiants.
- Une commission d’évaluation des besoins de formation qui s’assure de l’adéquation du nombre de lieux de stage avec le nombre d’étudiants inscrits par maquette.
- Une commission d’agrément qui donne un avis au directeur général de l’ARS sur l’éventuelle permission d’un terrain de stage à accueillir des internes.
- Une commission de répartition qui propose à l’ARS la répartition des postes au sein des terrains de stages agréés.
Les options et FST
Figure. Représentation de la chronologie des différentes phases du DES.
Suivant cette même logique d’homogénéiser la formation, des options et des formations médicales transversales (FST) ont été créées et intégrées aux maquettes de DES.
Les options sont un champ de compétences additionnel, au sein d’UNE spécialité pour une PARTIE des étudiants inscrits dans un DES. Elles permettent donc l’approfondissement du champ d’exercice dans le cadre de la spécialité d’origine et sont ouvertes aux seuls étudiants du DES.
En cardiologie, 3 options sont disponibles : la coronarographie, la rythmologie et l’imagerie d’expertise.
Elles se substituent entièrement aux anciens DIU, DU et offrent la possibilité d’exercer une surspécialité (sans exercice exclusif) via la délivrance d’une mention associée au diplôme du DES (par exemple : cardiologue imageur…) et non d’un diplôme individualisé comme c’était le cas avant.
Les formations en cardiologie interventionnelle (coro, rythmo) ont lieu pendant la phase 3 après 4 ans de full training et ajoutent une année supplémentaire à la formation des internes. Il s’agit donc d’une formation en 5ème et 6èmeannées.
La formation à l’imagerie d’expertise (imagerie en coupe IRM et scanner) s‘intègre à la phase 2 soit en 4ème année et ne rajoute pas d’année supplémentaire au DES.
Les FST sont multiples : cardiologie pédiatrique et congénitale partagée avec les pédiatres, médecine du sport, sommeil, pharmacologie médicale/thérapeutique. Elles représentent un champ de compétences additionnel partagé par plusieurs spécialités. Elles sont donc accessibles aux étudiants de différents DES d’origine. La formation a lieu selon les FST en phase 2 ou en phase 3. Les FST et les options ne peuvent pas se cumuler. Elles permettent également l’obtention d’un diplôme assorti d’une mention.
La régulation des effectifs pour l’accès aux options et aux FST est fondée sur des contraintes budgétaires ministérielles, sur la prise en compte des capacités de formation (UFR et collège des directeurs d’UFR, Collège enseignants, responsables pédagogiques) et sur les besoins en santé (ONDPS, ARS, FSM CNP). Les places disponibles définitives pour les options et FST ne sont à ce jour pas connues.
Toutefois, les internes qui souhaitent accéder à ces formations doivent se manifester tôt durant leur internat (avant le 6ème semestre pour l’imagerie et les FST et probablement un peu plus tard pour la coro et la rythmo) en présentant aux commissions locales de coordination une liste de voeux.
Ces commissions classent ensuite les candidats en fonction de différents critères définis localement parmi : le projet professionnel (stages de l’interne), un entretien individuel, une lettre de motivation et éventuellement le classement aux Épreuves Classantes Nationales (ECN).
Le Big Matching
Le Big Matching est le système de répartition des cardiologues en formation (thésés) en phase 3. En effet la 3ème phase obéit à une logique d’affectation différente des 2 premières en ce sens qu’elle repose sur un algorithme informatique. Cet algorithme permet en théorie l’appariement idéal entre le jeune cardiologue et un service d’accueil.
A la fin de la phase 2, l’interne doit déposer sur une plateforme en ligne un dossier de candidature non anonyme composé d’un CV, d’une lettre de motivation et d’un contrat de formation comprenant son projet professionnel. Il établit ensuite une liste de voeux des services au niveau régional, en les notant de 1 à 5 (des ex-aequo sont possibles). Les internes sont prioritaires au sein de leur subdivision d’origine. L’interne n’est pas obligé de classer l’ensemble des choix mais devra classer au minimum 25 % des postes. Notez qu’il est possible d’effectuer des inter CHU lors de la phase 3 dans les mêmes conditions que lors des phases précédentes.
A leur tour, les services reçoivent les dossiers et établissent une liste des candidats.
Les affectations se jouent en 3 tours (rounds) c’est-àdire que le dossier d’un interne qui n’aurait eu aucune affectation lors du premier tour passe à nouveau au sein de l’algorithme pour trouver un match. Les deux premiers tours se font donc sur une plateforme en ligne.
Si au terme de ces deux tours l’interne n’est toujours pas affecté, il est auditionné par une commission composée du coordonnateur local du DES, du directeur général de l’ARS, du directeur de l’UFR et de représentants étudiants.
Les premiers internes concernés sont ceux de la promotion 2017 dont le DES dure 4 ans. Les internes en cardiologie seront donc concernés seulement en 2020.
La gestion des décalages dans le cursus de certaines internes (grossesse, maladie…) n’est pas encore résolue à l’heure actuelle. Les syndicats d’internes demandent que ces internes puissent choisirent en même temps que les autres et que la prise de poste effective soit décalée avec la possibilité de « compenser » ces 6 mois de décalage avec un poste d’interne classique6.
Le Docteur Junior
Le statut de docteur junior a été créé spécifiquement pour les jeunes cardiologues en formation en phase 3. Après avoir validé leurs deux premières phases du troisième cycle des études médicales et obtenu la thèse d’exercice de médecine, l’interne est nommé docteur junior pour la dernière phase de sa formation et doit s’inscrire à l’Ordre des médecins (le montant de la cotisation n’est pas encore dévoilé).
Le statut du Dr Junior se veut intermédiaire entre l’internat et le post-internat notamment en termes de responsabilité dans la logique d’un apprentissage en autonomie croissante et supervisée. Il exerce, par délégation du responsable du terrain de stage des fonctions de prévention, de diagnostic, de soins avec pour objectif de parvenir progressivement à une pratique professionnelle autonome.
Ces fonctions sont explicitées par l’arrêté ministériel du 16 janvier 20203 qui constitue un référentiel opposable de mises en situation et d’actes. Le référentiel se décline en situations communes à tous les groupes de spécialités (ex : prise en charge des patients en consultation, organisation du parcours du patient, prise en charge en urgence) et en situations spécifiques aux spécialités. Le référentiel spécifique à la phase 3 en cardiologie est détaillé au sein de la maquette du DES parue au Journal Officiel4.
Toutes ces situations sont soumises à une mise en autonomie progressive avec initialement un praticien senior présent et identifié pendant les périodes diurnes puis, dans un second temps pendant les périodes nocturnes joignable par téléphone. De plus, le Dr Junior pourra sur la base du volontariat ne plus être inscrit sur le tableau de garde junior mais sur le tableau de garde senior et percevoir la rémunération correspondante.
Concernant les actes techniques, la mise en situation se veut également progressive avec la présence initiale d’un senior pendant la toute durée de la procédure jusqu’à l’autonomisation complète du Dr Junior.
La rémunération du Dr Junior est définie par l’arrêté du 11 février 20205. Les émoluments forfaitaires bruts annuels sont fixés à 27 025 € versés mensuellement pour l’année de phase 3 et pour la deuxième année de phase 3 lorsqu’elle existe. En plus de cette rémunération, seront versées des primes d’autonomie supervisée. Leur montant s’élève à 5 000 € pour l’année de phase 3 et 6000 € pour l’éventuelle seconde année.
Concernant le post-internat, le nombre de postes de CCA ne sera pas modifié. En revanche, on peut craindre une diminution du nombre de postes d’assistants spécialistes. En effet, les enveloppes budgétaires des Dr Junior et des assistants seront possiblement les mêmes. Le ministère a demandé aux directions hospitalières de ne pas diminuer le nombre de postes d’assistants spécialistes. Néanmoins, pour éviter cet écueil, les syndicats d’internes sont en cours de négociation pour un mode de financement différent appelé MERRI qui proviendrait directement du ministère6.
Les remplacements
En l’état actuel des choses, la réforme prévoit l’interdiction d’effectuer des remplacements avant la phase de consolidation. De nombreuses spécialités sont en désaccord total avec ce changement de paradigme. Nos collèges séniors se sont prononcés en défaveur de l’allongement du nombre de semestres à valider pour accéder à la licence.
Les discussions sont pour le moment toujours en cours et la voix des jeunes cardiologues est portée par l’intersyndicale nationale des internes. Affaire à suivre…
Pour toute question envoyez un mail à [email protected]
Pour en savoir plus
- https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000034419758
- https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=51A4012F0AFF3BCEADD791442308085E.tplgfr28s_2?cidTexte=JORFTEXT000036237037
- https://cncem.fr/sites/default/files/documents_en_ligne/Arr%C3%AAt%C3%A9%20du%2015%20janvier%202020%20-%20docteur%20junior%20-%20Mise%20en%20situation.pdf
- https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000038442647&categorieLien=id
- https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041566854&categorieLien=id&fbclid=IwAR0asacF4DBMqulAA7XV-n03xvtkxPN733AMxDaeV-qs5nbsp_CF1mWsedI
- https://isni.fr/tout-savoir-sur-le-statut-de-docteur-junior/?fbclid=IwAR0E-euGEqgxiar0D71Ramac939a0fW_JT_5mE4oGdWoiOP8h3-kljSgVuk […] Réforme du 3e cycle des études médicales : pourquoi, comment ? Son impact sur la cardiologie B. Schlemmer Arch Mal Coeur Vaiss Prat 2019;2019:2–6
Article paru dans la revue “Collèges des Cardiologues en Formation” / CCF N°11

