Actualités : Top des articles 2023-2024 - Vers la fin des corticostéroïdes inhalés dans l’asthme sévère ?

Publié le 04 juil. 2024 à 17:42
Article paru dans la revue « AJPO2 - La revue des jeunes pneumologues » / AJPO2 N°4


Reduction of daily maintenance inhaled corticosteroids in patients with severe eosinophilic asthma treated with benralizumab (SHAMAL): a randomised, multicentre, open- label, phase 4 study

David J Jackson, Liam G Heaney, Marc Humbert, Brian D Kent, Anat Shavit, Lina Hiljemark, Lynda Olinger, David Cohen, Andrew Menzies-Gow, Stephanie Korn, on behalf of the SHAMAL Investigators


Dr Thibaud SOUMAGNE

Service de Pneumologie et
Soins intensifs respiratoires,
Hôpital Européen GeorgesPompidou
Assistance Publique des hôpitaux de Paris
Paris, France

  Les corticostéroïdes inhalés (CSI) sont le traitement de référence de l'asthme [1]. En cas de non-contrôle de l'asthme, une augmentation progressive de la dose de CSI est recommandée. Néanmoins, à forte dose, les CSI peuvent être associés à un sur risque de morbidité notamment d'insuffisance surrénale, de cataracte, d'ostéoporose et de diabète [2]. Par ailleurs, en cas de non-contrôle de l'asthme malgré une dose forte de CSI et la prise en charge optimale des facteurs aggravants ou de pathologies associées (asthme sévère), l'ajout d'une biothérapie doit être envisagée [1].
Une fois l'asthme sévère contrôlé sous biothérapie, le GINA propose de diminuer les doses de CSI afin de réduire le risque d'effets indésirables liés au CSI [1]. Il n'existe cependant aucun protocole de réduction de dose et aucune donnée dans la littérature qui valide cette stratégie.
L'objectif de l'essai SHAMAL était d'évaluer la possibilité de réduire la dose de CSI-formotérol par rapport au maintien de la dose de CSI-formotérol à 32 semaines chez des patients présentant un asthme sévère traité et contrôlé par benralizumab et une association fixe CSI-formotérol [3].
 


Méthodes
Population

SHAMAL est un essai de phase 4, multicentrique, randomisé (3 pour 1), en ouvert avec un bras intervention (réduction de dose de CSI) et un bras contrôle (maintien de dose de CSI). Les patients éligibles étaient des adultes (âgés de ≥18 ans) présentant un asthme sévère T2 contrôlé (Asthma Control Questionnaire [ACQ-5] 50 % des événements étaient centraux. Ont été exclus les patients ayant un SAHOS avec une somnolence résiduelle sous PPC définit par un score d'Epworth > 10/24.
Les patients étaient randomisés en 1:1, soit traitement optimal de l'insuffisance cardiaque à fraction d'éjection diminuée sans ventilation auto-asservie, soit avec ventilation auto-asservie (ASV).

 

Ils étaient reçus en consultation de dépistage avec récupération des données démographiques, NYHA, Minnesota Living with Heart Failure Questionnaire (MLHFQ), somnolence avec le score ESS, une échocardiographie avec mesure de la fraction d'éjection ventriculaire et devaient avoir eu une polysomnographie dans les trois mois qui précédaient leur inclusion. Les patients assignés dans le groupe ASV étaient traités par ventilation auto-asservie réglée lors d'une deuxième polysomnographie (BiPAP autoSV Advanced ou BiPAP autoSV Advanced System One, Philips Respironics).

Une nouvelle polysomnographie avait lieu à un mois de l'assignation dans les deux groupes. En parallèle étaient recueillis à 1, 3 et 6 après la randomisation, puis tous les 6 mois jusqu'à maximum 5 ans, les évaluations cliniques MLHFQ, ESS et la classe NYHA.

Le critère de jugement principal était l'incidence cumulée de décès ou équivalent de décès (transplantation, assistance ventriculaire gauche)  ; la première admission en hospitalisation pour une cause cardiaque ; flutter ou fibrillation atriale nécessitant une anticoagulation sans hospitalisation ou un choc approprié de défibrillateur.

Les critères de jugement secondaires étaient les modifications de l'IAH et de la structure du sommeil, le changement de la classe NYHA, changement de la qualité de vie évaluée par le MLHFQ et le changement du score ESS.

Résultats

Parmi les 731 participants inclus dans l'analyse en intention de traiter, 533 (73 %) présentaient un SAHOS prédominant et 198 (27 %) présentaient un SAS central prédominant. Le délai moyen de suivi jusqu'au premier événement primaire ou jusqu'à la censure était de 2.8 ± 1.8, et la durée moyenne jusqu'à décès ou la fin du suivi était de 3,6 ± 1,6 ans avec 346 événements primaires.

La ventilation auto-asservie n'avait pas d'effet significatif sur le critère de jugement principal (p=0,67) dans le sous-groupe SAHOS (p=0,82) ou le sous-groupe SAS central (p=0,66).

Concernant les critères de jugement secondaire, les changements sur la structure du sommeil se traduisaient par une diminution significative de l'IAH et de la désaturation en oxygène dans le groupe avec ASV ainsi qu'une amélioration de la qualité du sommeil (diminution significative des éveils totaux et des éveils liés à la respiration, moins de temps passé en sommeil N1 et plus de temps passé en sommeil N3 et en sommeil paradoxal). Des améliorations significatives des scores moyens MLHFQ et ESS étaient observés pour l'ensemble de la cohorte. Aussi, il existait une amélioration de l'échelle NYHA dans le bras ASV pour l'ensemble de la cohorte à 1 et 2 ans (mais pas à 2 ans dans le sous-groupe SAHOS).

Figure 1 : Résultats du critère de jugement principal

Discussion/conclusion

La ventilation auto-asservie a permis de corriger les évènements respiratoires au cours du sommeil dans le sous-groupe SAHOS et SAS central mais n'a pas eu d'effet sur le critère de jugement principal.

Dans l'étude SERVE-HF (1), incluant des patients atteints de SAS central, on avait observé une augmentation significative de la mortalité, principalement par mort subite chez les patients traités par ventilation auto-asservie. Dans l'étude ADVENTHF, il n'y pas de mise en évidence d'une majoration des décès chez les patients insuffisants cardiaques avec fraction d'éjection ventriculaire diminuée, et ce malgré un suivi des patients, plus long. Aussi, dans l'étude SERVE-HF (1), les patients qui décèdent plus sont ceux avec une FEVG < 30 %, il n'y a pas de différence de mortalité observée chez ces patients dans l'étude ADVENT-HF. À noter, les patients de SERVE-HF étaient plus sévères avec un NYHA à III ou IV (ou II avec une hospitalisation) contre II en majorité dans l'étude ADVENT-HF.

Ensuite, dans l'étude SERVE-HF (1), le mode de ventilation utilisé était une ventilation auto-asservie avec des pressions généralement plus élevées que dans l'étude ADVENT-HF car elles étaient spécifiquement ajustées pour traiter des apnées centrales du sommeil. Dans SERVE-HF (1), la machine utilisée était Resmed Aircurve 10 CS Pacewave et dans ADVENTHF la Philips DreamStation BiPAP autoSV.

Nous pouvons relever deux biais dans l'étude ADVENT-HF. Premièrement, l'étude SERVE-HF n'avait inclus que des SAS centraux. Ensuite, les cotations des évènements respiratoires étaient différentes entre les deux études car les apnées mixtes étaient comptabilisées comme obstructives dans SERVE-HF (ce qui a contribué à ne sélectionner que les patients avec des SAS centraux plus sévères) et comme centrales dans l'étude ADVENT-HF.

Il est également important de souligner qu'il y avait plus de SAHOS que de SAS central dans l'étude présentée car l'inclusion des patients avec un SAS central a dû être arrêtée suite à la sortie d'un avis de sécurité concernant les résultats de l'essai SERVE-HF. Le comité exécutif a immédiatement arrêté les inclusions des patients insuffisants cardiaques à fraction d'éjection abaissée avec un SAS central, dans l'attente d'un examen par le comité de surveillance des données et de la sécurité.

Ces nouveaux résultats indiquent qu'il pourrait y avoir un rôle à jouer dans l'application sélective de la stratégie de traitement par ventilation auto-asservie. Le manque de puissance de l'étude ADVENT-HF ne permet pas de prédire si la ventilation auto-asservie avec des programmes plus récents permettraient de réduire la mortalité et morbidité chez les patients avec insuffisance cardiaque à fraction d'éjection abaissée.

Bibliographie

  • Cowie MR, Woehrle H, Wegscheider K, Angermann C, d'Ortho MP, Erdmann E, et al. Adaptive Servo-Ventilation for Central Sleep Apnea in Systolic Heart Failure. N Engl J Med. 17 sept 2015;373(12):1095-105.
  • Syndrome d'Apnée Central du Sommeil (SACS)
    Définition et diagnostic

     
    Alice PIGNAL
    Docteur junior
    Paris

    Relecture
    Dr Carole PHILIPPE
    Physiologiste dans le Service
    des pathologies du Sommeil
    de la Pitié Salpêtrière

     Le syndrome d'apnée-hypopnée central du sommeil (SAHCS) se définit par l'association des 3 critères suivants :

    → Un index d'apnées-hypopnées IAH central ≥ 5/heure de sommeil ou d'enregistrement.
    → Un nombre total d'apnées et/ou hypopnées centrales représentant plus de 50  % du nombre total d'apnées et hypopnées.
    → Une plainte clinique avec une symptomatologie nocturne ou diurne.

    Les événements centraux sont en lien avec une diminution ou une abolition temporaire de la commande ventilatoire centrale. Ils témoignent d'une instabilité du contrôle de la ventilation par les centres respiratoires. Leur survenue durant le sommeil est favorisée par l'abolition du contrôle cortical de la ventilation. Ils prennent un caractère cyclique alternant hyperventilation et apnées/ hypopnées, ce qui les différentie des phénomènes d'hypoxémie isolée et d'hypoventilation alvéolaire. En cas d'instabilité de la commande il s'agit d'un SAS central normo-hypocapnique. En cas de diminution de la commande, il s'agit d'un SAS central hypercapnique.

    Une apnée est caractérisée comme :

    → Obstructive en cas de persistance d'efforts respiratoires pendant toute la durée de l'apnée.
    → Centrale en cas d'absence d'efforts respiratoires pendant toute la durée de l'apnée.
    → Mixte en cas d'absence d'efforts respiratoires dans la partie initiale de l'apnée.

    Les seuils de sévérité sont les même que pour le syndrome d'apnée obstructif du sommeil  : SAHCS léger : 5 ≤ IAH < 15 évènements/heure. SAHCS modéré : 15 ≤ IAH < 30 évènements/heure. SAHCS sévère : IAH ≥ 30 évènements/heure.

    Il est recommandé de décrire les aspects crescendo-decrescendo de la respiration séparés par des apnées ou des hypopnées comme une « respiration périodique », indépendamment de son origine, et de ne retenir le terme de «  Respiration de Cheyne-Stokes » que si l'IAH central est > 5/h, la durée du cycle est supérieure ou égale à 40 secondes et la durée de la respiration périodique est ≥ 2 heures.

    Pour le diagnostic du SAHCS, une polygraphie montrant un aspect caractéristique des évènements respiratoires anormaux est suffisante. Il est recommandé de réaliser une polysomnographie si l'aspect polygraphique n'est pas caractéristique, si la polygraphie comporte une proportion importante d'hypopnées, ou s'il existe un trouble du sommeil associé, un trouble de maintien du sommeil, ou un sommeil fragmenté.

     Démarche étiologique

    Devant des apnées-hypopnées centrales du sommeil, il est recommandé de rechercher une pathologie cardiovasculaire, et en priorité une insuffisance cardiaque et/ou une fibrillation auriculaire. il est recommandé de rechercher systématiquement une cause neurologique et demander un avis spécialisé au moindre doute. Des médicaments peuvent également être inducteurs tels que opiacés, agonistes du récepteur GABA (baclofène) ou ticagrelor. Chez un patient appareillé par PPC, on parle de SACS émergent lors de l'apparition ou la majoration d'un SAHCS (IAH central = 5/h) avec un nombre total d'apnées et/ou hypopnées centrales > 50  % du nombre total d'apnées et hypopnées sur une polygraphie ou polysomnographie sous PPC.

    On retiendra le diagnostic de SACS idiopathique que si le bilan étiologique complet est négatif.

     

    Traitement du sacs

    → Réaliser une gazométrie artérielle afin de discuter la mise en place d'une ventilation non invasive (VNI) en SACS hypercapnique.
    → Traitement par ventilation auto-asservie si FEVG > 45  % en cas de SACS normo-hypocapnique si le traitement de la cause initiale n'a pas permis de résoudre les apnées.
    → Pas de consensus de prise en charge si FEVG < 45 %.

     


    Source :
    Consensus français
    du SAS central 2024
    (Article in Press)

    Publié le 1720107748000