
La stomie de protection après résection-anastomose pour péritonite d'origine diverticulaire est actuellement recommandée par l'HAS. Cependant, cette stomie comporte une morbidité propre, impose une deuxième intervention et altère la qualité de vie. Le but de cette étude était d'évaluer les résultats des patients opérés par résection anastomose non protégée (Primary Anastomosis with No Stoma PANS) et de les comparer aux patients protégés (Primary Anastomosis with Diverting Stoma PADS).
Méthode
Il s'agit d'une étude rétrospective issue du recueil multicentrique de l'AFC concernant la diverticulose. Tous les patients opérés entre 2010 et 2021 par PADS ou PANS pour péritonite Hinchey III-IV ont été inclus. Le critère de jugement principal était la morbidité sévère cumulée, qui correspond à la morbidité sévère (supérieur ou égal à Dindo 3b) de la chirurgie en urgence additionnée à la morbidité sévère de la chirurgie du rétablissement de la continuité. Le critère de jugement secondaire était la durée d'hospitalisation cumulée.
Résultats
342 patients ont été inclus (PADS 209 (61.1 %) ; PANS 133 (38.9 %)). La péritonite était classée Hinchey III et IV pour 273 (79.8 %) et 69 (20.2 %) patients respectivement. La morbidité sévère était de 20.1 % dans le groupe PADS et 12 % dans le groupe PANS. En utilisant différents modèles de score de propension, le risque relatif était en faveur de la PANS sans être statistiquement significatif. Avec l'ajustement le moins favorable, la différence de risque était de -7,7 % [-16,39 %, 0,34 %], ce qui signifie que, dans le scénario le plus défavorable, la non-utilisation d'une stomie de dérivation augmente la morbidité grave cumulée de 0,34 %. Avec une méthode similaire, la durée d'hospitalisation cumulée était réduite de 8.2 jours [4.5 - 13.4] dans le groupe PANS.
Respectivement dans les groupes PADS et PANS, le taux de complications lors de la chirurgie en urgence était de 70.3 % et 47.4 % (p inférieur à 0.001), la mortalité cumulée était de 2.4 % et 5.3 % (p=0.23), et le taux de stomie définitive était de 6.2 % et 0.8 % (p=0.01).
Conclusion
Notre étude a montré que l'absence de stomie de protection après résection-anastomose pour une péritonite généralisée due à une diverticulite colique perforée n'augmentait pas la morbidité par rapport à une résection-anastomose protégée, mais réduisait la durée du séjour et le taux de stomie définitive, et évitait la morbidité de la chirurgie de rétablissement. Ainsi, nous pensons que la résection-anastomose non protégée peut être une option thérapeutique pour ces patients.
Commentaire
De nos jours, de nombreuses études rétros et prospectives ont démontré la supériorité de la résection-anastomose sur l'intervention de Hartmann dans les cas de péritonite généralisée d'origine diverticulaire. Malgré cela, une étude de la base de données de l'American College of Surgeons de 2012 à 2016, a montré qu'une minorité de patients opérés aux États-Unis d'une sigmoïdectomie en urgence pour diverticulite perforée ont une résection-anastomose (7,6 %, contre 92,4 % recevant une HP), et ces résultats n'étaient pas limités à la population de Hinchey III/IV. Cependant, de nouvelles études ont montré que la résection-anastomose gagne en popularité et la question de l'utilité d'une stomie de protection devient de plus en plus pertinente.
Cette étude présente plusieurs faiblesses majeures qu'il faut prendre en compte lors de l'interprétation des résultats : cohorte rétrospective non randomisée, longue période de onze ans, biais inévitable de perdus de vue, biais de centre, et surtout recueil non exhaustif (certains centres ont inclus moins de 5-10 patients, sur 11 ans...). La principale conséquence des ces biais est que les patients qui ont bénéficié d'une stomie de protection étaient potentiellement plus graves que les patients n'ayant pas de stomie. Cependant, contrairement aux études comparant l'intervention de Hartmann et la résection-anastomose, tous les patients ont pu bénéficier d'une anastomose et la différence de gravité n'était donc probablement pas majeure. En outre, les modèles de score de propension que nous avons développés compensent en théorie le biais d'attrition. Ainsi, dans le pire des cas, la non-utilisation d'une stomie de protection n'augmente la morbidité sévère cumulée que de 0,34 %, et c'est sûrement l'idée principale qu'il faut retenir. La crainte prédominante des chirurgiens reste la fistule anastomotique, ce qui peut expliquer le taux élevé de procédure de Hartmann dans la littérature... Cependant, plusieurs études ont montré qu'une iléostomie de protection ne réduit pas le taux de fistule anastomotique, mais pourrait réduire ses conséquences graves, mais contrairement à la chirurgie élective, les patients opérés en urgence pour une diverticulite perforée n'ont pas reçu de préparation colique préopératoire, et le bénéfice théorique d'une stomie proximale est donc réduit, à moins qu'un lavage colique peropératoire ne soit effectué.
La diverticulite est une maladie coûteuse et l'incidence de la di verticulite perforée est en augmentation, alors s'il est possible de simplifier le geste pour diminuer les coûts (durée d'hospitalisation diminuée, pas de matériel et de soins de stomie, pas de rétablissement), et la qualité de vie, pourquoi s'en priver ? Dans notre série, la PANS a été réalisée par des chirurgiens généraux, par des chirurgiens juniors et pendant la nuit dans respectivement 71,4 %, 36,8 % et 45 % des cas. Elle est donc possible si l'on est un(e) jeune CCA, seul(e) au milieu de la nuit !
Ces résultats doivent être confirmés par un essai contrôlé randomisé. C'est l'objectif de l'essai DIVERTI 2, qui est actuellement mené en France avec bientôt 75 % des inclusions atteintes, n'hésitez pas à inclure les derniers patients !

Dr Jean PINSON
Docteur Junior
CHU de Rouen