Soirées de formation AERIO

Publié le 03 May 2023 à 14:57

Onco-rhumatologie
Questions-Réponses

Cette soirée a été riche d’apprentissages pour certain et de révisions pour d’autres avec la présence exceptionnelle de quatre intervenants : Dr Morardet (AP-HP, Pitié Salpêtrière), Pr Debiais (CHU de Poitiers), Pr Roux (AP-HP, Cochin), Dr Kostine (CHU de Bordeaux).

Ce résumé de la soirée sous forme de questions-réponses ne se veut pas exhaustif de tout ce qui a été abordé pendant la soirée mais permettra de retenir quelques messages clefs.

Quel est le bénéfice attendu des bisphosphonates chez les patients atteints de métastases osseuses ?

Les bisphosphonates diminuent le risque d’évènements osseux de 15 à 36 % selon le primitif (-15 % dans les cancers du sein, -31 % dans une cohorte de patients avec majorité de poumon et -36 % dans les cancers de la prostate).

Pour rappel les évènements osseux sont : la nécessité d’une radiothérapie ou d’une chirurgie, l’apparition d’une compression médullaire ou d’une fracture pathologique et une hypercalcémie maligne.

Ils allongent la survie médiane sans évènement osseux, améliorent la douleur osseuse et la qualité de vie, mais ne modifient pas la survie des patients.

Références
Sein : Cochrane 2017, Prostate : Saad et al, J Natl Cancer Inst 2002, 2004,Tous : Rosen et al 2004.

Une différence entre bisphosphonates et Dénosumab pour les métastases osseuses ?

Il existe trois études identiques internationales randomisées en double aveugle comparant dénosumab 120 mg/mois sous-cutané (SC) vs acide zolédronique 4mg/ mois intraveineux (IV). Pour les cancers du sein et de la prostate, le dénosumab permet un allongement de la survie médiane sans évènement osseux de 18 %. Il permet également une diminution du nombre moyen d’évènements osseux par patient de 23 % et 18 % respectivement. Dans l’étude tous cancers, les cancers du sein et de la prostate étaient exclus mais les myélomes étaient inclus. Dans cette dernière étude, le dénosumab était non inférieur à l’acide zolédronique. La médiane de survie sans évènement osseux était allongée de 4 mois dans le groupe dénosumab, en revanche il n’y avait pas de différence significative en nombre d’évènement osseux moyen par patient.

Réferences
Stopeck AT et al. J Clin Oncol 2010, Fizazi K et al. Lancet 2011, Henry DH et al. J Clin Oncol 2011.

Quand débuter un traitement antirésorbeur ?

Il n’existe pas de données randomisées pour savoir si tous les patients avec des métastases osseuses doivent commencer un traitement inhibiteur de la résorption dès le diagnostic de métastases osseuses. Il n’y a malheureusement pas de possibilité de savoir quels patients vont avoir des complications osseuses ; un premier évènement osseux survient souvent tôt (dans les 6 premiers mois) dans l’évolution de la maladie métastatique osseuse et environ 50 % des patients feront un évènement osseux.

Il est donc recommandé de débuter le traitement anti-résorbeur dès que possible dès le diagnostic de métastase osseuse qu’elle soit symptomatique ou non et ce quel que soit le primitif.

Exception faite pour les cancers de la prostate hormonosensible pour qui le bénéfice des traitements anti-résorbeurs n’a pas été prouvé (référence : Étude CALGB 90202) et les patients dont l’espérance de vie est inférieure à 3 mois.

Quelle modalité d’administration ?

Selon le choix de la molécule :

  • Acide zolédronique IV 4 mg/3 à 4 semaines ou dénosumab SC 120 mg/3 à 4 semaines (recommandations ASCO, CCO, ESMO).
  • Dénosumab préféré pour cancer de la prostate résistant à la castration pour : NCCN guidelines 2020.

Chez les patients insuffisants rénaux avec DFG <30ml/min, le dénosumab sera préféré à l’acide zolédronique (Schwartz 2020) . Pour les patients avec clairance entre 30 et 60ml/min la dose d’acide zolédronique sera à ajuster selon les recommandations du Vidal.

Avant la mise en route du traitement il est recommandé de vérifier la calcémie et de corriger les carences en vitamine D. Un traitement quotidien par calcium 1000mg et vitamine D 800UI sera associé en l’absence d’hypercalcémie préalable. Une remise en état bucco-dentaire sera réalisée au préalable du début de traitement et un suivi tous les 4 à 6 mois sera préconisé. En cas d’extraction dentaire, le traitement sera à débuter après cicatrisation muqueuse soit environ 3 semaines après extraction.

Y-a-t-il un intérêt d’un traitement par bisphosphonates en situation adjuvante pour la prévention de la rechute osseuse ?
Quelle durée de traitement ?

Une méta-analyse des essais randomisés concernant les bisphosphonates en adjuvant dans le cancer du sein a été publiée. Chez les patientes ménopausées, il existe un bénéfice en termes de rechute osseuse et de mortalité liée au cancer mammaire à un traitement par bisphosphonates en adjuvant. Ce bénéfice concerne les patientes entre 55 et 69 ans ayant reçu de la chimiothérapie. L’ESMO recommande donc chez les patientes ménopausées à haut risque de récidive d’associer un traitement par bisphosphonates IV ou per os pendant 3 ans. Il n’y a pas d’AMM en France pour cette indication.

Références
Coleman R et al. Bone 2020.

Quelle durée de traitement ?

L’évaluation de la balance bénéfices/risques est essentielle. En effet, l’ostéonécrose de la mâchoire (ONM) est de l’ordre de 1 %/année de traitement sous anti-résorbeur. Quand on regarde les études de vraie vie, elle semble quand même supérieure pour le dénosumab avec à 5 ans de traitement 5.7 % d’ONM contre 1.4 % pour l’acide zolédronique (référence : Erhenstein et al, Cancer 2021).

De plus chez les patients en rémission osseuse prolongée se pose la question du bénéfice attendu du traitement.

Le traitement peut donc être interrompu chez les patients en bonne réponse oncologique, osseuse et prolongée.

Comment arrêter les traitements anti-résorbeur ?

Les bisphosphonates ont un effet rémanent dans l’os ce qui permet son arrêt sans trop de soucis. De plus il a été démontré qu’un espacement des doses d’acide zolédronique à 12 semaines faisait aussi bien que 4 semaines à partir du moment où le patient avait bénéficié de 6 à 12 mois de traitement mensuel au préalable. Les ONM sont également mois fréquentes lorsque les cures sont espacées de plus de 5 semaines (référence : Yang et al, Support Care Cancer 2020 et Van Poznak C et al. JAMA Oncol 2020). Contrairement aux traitements par bisphosphonates, le dénosumab n’a aucun eff et rémanent dans l’os.

De plus, chez les patientes ostéoporotiques, son interruption s’accompagne d’un rapide rebond de la résorption osseuse qui n’est probablement pas sans risque. À l’arrêt d’un traitement par dénosumab de plus de 6 mois, il est donc recommandé (ESMO) de réaliser un traitement par bisphosphonates pour diminuer le risque de rebond (dose de bisphosphonates non connue : une perfusion d’acide zolédronique ? Plusieurs en fonction du dosage des CTX sériques ?) Un avis auprès d’un spécialiste peut alors être nécessaire.

Référence
Recommandations de l’ESMO : Coleman R et al. Ann Onco

Quand rechercher une cause d’ostéoporose secondaire ?

Les traitements antihormonaux des cancers du sein et de la prostate sont responsables d’une perte de la densité osseuse et d’une augmentation du risque fracturaire chez les patients. Lors de leur initiation, la réalisation d’un bilan osseux est donc nécessaire (recherche de fracture prévalente, mesure de la densité osseuse et facteurs de risque à l’interrogatoire ou bilan biologique en faveur d’une ostéoporose secondaire). L’indication d’un traitement anti-ostéoporotique dépendra de l’évaluation du risque individuel mais une ostéodensitométrie avec Tscore <-2.5 ou un antécédent de fracture à faible traumatisme devra amener à la prescription d’un traitement systématique.

Quels risques rhumatologiques sous immunothérapie ?

La toxicité rhumatologique n’est pas la plus fréquente des toxicités sous immunothérapie mais concerne tout de même 5 à 10 % des patients. Les arthralgies et myalgies sont les manifestations rhumatismales les plus fréquentes.

La myosite immuno-induite est rare (1 %) mais potentiellement mortelle. L’exposition médiane à l’immunothérapie est de 4 semaines. Un bilan exhaustif et rapide devra être fait pour l’éliminer, pouvant aller jusqu’à la biopsie musculaire ou cardiaque en cas de myocardite.

Une chose indispensable à retenir : appeler rapidement le rhumatologue spécialiste pour un avis. L’introduction rapide des corticoïdes par l’oncologue négativera rapidement les signes cliniques qui ne pourront pas être objectivés par le rhumatologue. Bien souvent, des doses faibles de corticoïdes suffi sent. En effet, la prednisone à une dose de 10 à 20 mg/jour suffi t dans la plupart des cas et doit être initiée en cas d'arthrite inflammatoire de grade 2, puis diminuée progressivement après amélioration. Une dose plus élevée (0,5 mg/kg) peut être envisagée en l’absence d’amélioration ou le recours à des gestes locaux si possible (infiltration articulaire de corticoïdes retard).

Le bilan étiologique à la recherche d’une maladie auto-immune ou un diagnostic différentiel sera réalisée par le rhumatologue, une biothérapie ou un traitement immunosuppresseur ne sera discuté que dans les formes graves cortico- résistantes ou dépendantes.

Enfin, avant de débuter un traitement par immunothérapie, un bilan biologique avec anticorps antinucléaire, facteur rhumatoïde (FR) et CPK suffi t amplement à baseline et sera complété en fonction des manifestations cliniques.

Références
Practice Guideline > Ann Oncol, 2022 Dec;33(12):1217-1238.
doi: 10.1016/j.annonc.2022.10.001. Epub 2022 Oct 18.
Management of toxicities from immunotherapy: ESMO Clinical Practice Guideline for diagnosis, treatment and follow-up, J Haanen et al.

Rédigé par Paul Matte, interne en oncologie médicale
Avec la relecture du Dr Morardet, AP-HP, Pitié Salpêtrière

Article paru dans la revue « Association pour l'Enseignement et la
Recherche des Internes en Oncologie » / AERIO N° 5

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Publié le 1683118645000