
Pour les patients atteints de leucémies aiguës non contrôlées malgré les traitements standards, l'allogreffe constitue aujourd'hui le meilleur espoir de rémission, voire de guérison. Ce traitement est toutefois controversé pour ces patients, qui n'obtiennent une survie prolongée que dans une minorité de cas1. Pourtant, les conditions de fin de vie des patients, nombreux, qui décèdent à l'issue de cette procédure, restent mal connues.
Objectif
Notre étude a pour objectif de décrire la trajectoire de fi n de vie de ces patients, notamment en termes d'intensité des soins médicaux reçus durant cette période, et d'identifier les facteurs qui pourraient l'influencer.
Matériel et méthode
Nous avons mené une étude de cohorte rétrospective et monocentrique au CHU de Lille, incluant les patients allogreffés pour une leucémie aiguë évolutive, entre 2010 et 2020.
Résultats
Sur cette période, 92 patients ont reçu une allogreffe dans cette indication (80 LAM et 12 LAL). Soixantedix-huit sont décédés sur la période de suivi (84.8 %), avec une médiane de survie de 6.3 mois et une probabilité de survie globale à 2 ans de 29.4 %. Cinquante-neuf pourcents des décès (n=46) étaient secondaires à une rechute de la leucémie. Sur les 78 patients décédés, 86.5 % sont décédés en milieu hospitalier et 39.2 % en service de réanimation ; 32 % ont reçu une ventilation invasive dans leurs derniers jours de vie ; et 28.2 % ont été hospitalisés continuellement entre la greffe et la survenue de leur décès. Le recours à une équipe de soins palliatifs était documenté pour 21.8 % des patients décédés et 2.7 % des décès (n=2) sont survenus en unité de soins palliatifs. La cause du décès était le principal facteur associé à ces indicateurs, qui étaient tous plus défavorables pour les patients décédés en dehors d'une rechute. Les facteurs cliniques pré-allogreffe (type de LA, âge, score OMS ou traitements préalables à l'allogreffe) n'avaient pas d'impact significatif.
Discussion
Dans notre population, nous avons retrouvé des indicateurs d'intensité des soins médicaux en fin de vie similaires aux données de la litté de soins palliatifs. La cause du décès était le principal facteur associé à ces indicateurs, qui étaient tous plus défavorables pour les patients décédés en dehors d'une rechute. Les facteurs cliniques pré-allogreffe (type de LA, âge, score OMS ou traitements préalables à l'allogreffe) n'avaient pas d'impact significatif.rature en post-allogreffe quelle que soit l'indication2, 3. Les grandes différences sur ces indicateurs selon la cause du décès illustrent la difficulté qu'il y a à penser, et à anticiper, le fait de « mourir guéri », ce qui est par ailleurs décrit dans le domaine des sciences humaines4.
Conclusion
Notre étude souligne le besoin de renforcer les processus d'anticipation des soins futurs, et plus largement les discussions sur les objectifs de soin tout au long du parcours d'allogreffe, dans le cas des patients recevant ce traitement pour une la évolutive, dont le pronostic reste défavorable. Une vigilance particulière pourrait être portée à l'anticipation des trajectoires de fin de vie sans rechute de la leucémie.

Références
1. Duval M, Klein JP, He W, Cahn JY, Cairo M, Camitta BM, et al. Hematopoietic stem-cell transplantation for acute leukemia in relapse or primary induction failure. J Clin Oncol. 10 août 2010;28(23):3730-8.
2. Johnston EE, Muffl y L, Alvarez E, Saynina O, Sanders LM, Bhatia S, et al. End-of-Life Care Intensity in Patients Undergoing Allogeneic Hematopoietic Cell Transplantation: A PopulationLevel Analysis. J Clin Oncol. 20 oct 2018;36(30):3023-30.
3. Busemann C, Jülich A, Buchhold B, Schmidt V, Schneidewind L, Pink D, et al. Clinical course and end-of-life care in patients who have died after allogeneic stem cell transplantation. J Cancer Res Clin Oncol. 2017;143(10):2067-76.
4. Polomeni A. « Mourir guéri » : « l'impensable » de la mort dans le cadre de l'allogreffe de cellules souches hématopoïétiques. Psycho Oncologie. 1 mars 2016;10(1):51-6.

Dr Loïc BAUSCHERT
CCA en unité de soins palliatifs au CHU de Nancy