Choisir un système de santé, c’est poser la question de son financement. Autrement dit, combien, et pour faire quoi. Or, il n’existe aucune réponse objective à ces deux questions essentielles : c’est donc une question de choix de société, laquelle renvoie immédiatement, dans le contexte d’une Démocratie, aux conditions politiques de ces choix.
Dr Jérôme FRENKIEL
Membre du SNPHCHU
Administrateur de l’INPH
Nous connaissons tous les principes fondateurs de notre système de santé, que l’on pourrait résumer en deux mots : solidarité et performance. Après trois quarts de siècle, ces deux paradigmes ne sont fondamentalement pas remis en question, mais le contexte économique, lui, a bien évidemment évolué. Notamment en lien avec les aspects suivants : vieillissement de la population, ralentissement économique, croissance exponentielle du coût de l’innovation et de la pratique. De ce fait, l’équilibre ‑ nancier du système est rapidement devenu un sujet en soi, un sujet crucial.
Tous les systèmes de santé sont confrontés à cet exercice, et chaque pays y a répondu selon ses choix propres. Mais quels que soient ces choix, ils sont supposés apporter une réponse, pour ce qui nous concerne ici sur les registres de l’efficience, de la cohérence, et de la légitimité. Ce qui est remarquable dans le cas français c’est l’étonnante faiblesse des réponses sur ces trois registres. Efficience : on attend d’un système de santé une rationalisation de l’action des différents acteurs autour du patient, tout comme une rationalisation de l’accès aux prestations de santé pour ces mêmes patients. C’est peu dire qu’en France on en est loin, avec pour résultat l’un des trois systèmes de santé les plus chers au monde, pour un résultat qui ne se démarque guère par sa performance. Cohérence : en toute circonstance, l’équilibre ‑ nancier du système doit être obtenu en assurant aux acteurs les moyens de leurs missions. Nous savons ce qu’il en est : l’équilibre ‑ nancier (très relatif) n’est atteignable qu’au prix d’un rationnement ‑ nancier, des hôpitaux particulièrement, devenu incompatible avec ses missions. Légitimité : la Loi annuelle de finances répond à un processus déconnecté tant des Citoyens que des réalités objectives du terrain. Nous en connaissons le résultat.
Pour dire les choses autrement, le système de santé français attend toujours sa réforme structurelle et historique, celle de la Santé publique, qui placerait l’intérêt général au-dessus de celui des corporations et autres lobbies. La conséquence en est que la France n’est plus le pays de l’exemplarité sanitaire, pas plus que la patrie des Droits de l’Homme au demeurant et peut-être pour les mêmes raisons profondes. Et le gouvernement actuel, si l’on examine son projet « Ma Santé 2022 » ou sa faible écoute de la souffrance des professionnels de santé (avant la crise du COVID-19 à tout le moins), ne se distingue pas à cet égard de ceux qui l’ont précédé.
Dans ce contexte, le Ségur de la santé apparaît non pas comme une volonté a priori de changer de cap et de prendre la pleine mesure de la situation, mais comme une démarche d’ajustement, en réaction à un fort mécontentement populaire, et sans déroger pour l’essentiel aux orientations de « Ma Santé 2022 ». Cela constitue la limite de l’exercice. Pour autant, ce n’est pas la démonstration que l’exercice sera vain, ainsi que nous allons le constater dans la revue de détail des propositions. Aussi, à ce stade du processus, il est temps de faire le bilan des propositions, mais aussi du niveau d’engagement du Gouvernement quant à leur réalisation.
L’ONDAM
Diagnostic INPH : Une déconnexion historique des missions et des moyens (dotation globale en 1984, ONDAM en 1996), ayant abouti à un rationnement catastrophique et un endettement illégitime car lié au fonctionnement et non à l’investissement.
Propositions INPH : Sur le fond, donner aux opérateurs de soins, à tout moment, les moyens de leurs missions ; concevoir et porter, dans la durée, une réflexion et une politique de l’efficience du système, ce qui est fondamentalement différent d’une politique du rationnement. Mesures immédiates : suppression de la régulation prix / volume, construction pluriannuelle et ajustable de l’ONDAM selon un processus (réellement) démocratique, financement de principe des évolutions structurelles des coûts.
Propositions Ségur : passer à un ONDAM pluriannuel, qui intégrerait par ailleurs des objectifs de santé, et approfondir le débat en amont de son adoption par le Parlement.
Commentaires INPH : Malgré nos propositions, le gouvernement ne prend pas l’engagement de principe d’assurer aux établissements de santé les moyens de leurs missions, ni de la suppression de la régulation prix / volume. Les propositions du Ségur sur ce point ne constituent donc pas, en tant que telles, une réponse sur le fond, ce qui est particulièrement décevant car, si ce débat n’avait dû produire qu’une seule mesure, il eût fallu que ce soit celle-là. Certes, certaines orientations sont évoquées, telles que l’introduction d’un débat national sur le sujet de l’ONDAM, un renforcement du rôle du Parlement ou l’introduction de la notion de politique de santé et de priorités de santé. Mais à ce stade il ne s’agit que d’hypothèses d’évolutions sur le processus de l’ONDAM, ayant vocation à être précisées dans le futur dans le cadre d’une nouvelle « mission », et non de ce que tous attendaient : un engagement sur son résultat. La plus grande vigilance s’impose donc, car au-delà des déclarations d’intention, tout reste à faire.
MODALITÉS DE FINANCEMENT ET TARIFICATION À L’ACTIVITÉ (T2A)
Diagnostic INPH : La T2A est un outil pertinent s’agissant d’assurer l’équité des financements au prorata de l’activité et de la complexité médicale. Il s’agit également (le PMSI) d’une source d’information irremplaçable en termes d’analyse d’activité, organisation sanitaire, de prospective, de santé publique, et de recherche. En revanche, son utilisation est partiellement inadéquate, car peu adaptée au financement des charges fixes des hôpitaux (très majoritaires). En outre, la T2A n’est pas conçue pour aborder des sujets tels que la pertinence des soins, leur qualité, la prévention, ou l’équité populationnelle. En‑ n, en l’absence de restructuration, l’outil a atteint une complexité pénalisante.
Propositions INPH : La T2A doit être maintenue, mais recentrée notamment sur la part non programmable des prises en charge. Un lissage pluriannuel peut en complément être étudié, considérant la forte proportion des charges fixes dans les établissements de santé. Le modèle doit également être techniquement revu, dans le sens de la simplification mais aussi de la rationalisation. Dans tous les cas, il y a nécessité d’introduire une ou plusieurs autres modalités de financement pour l’hôpital. La dotation au besoin (financement populationnel) est à privilégier pour d’évidentes raisons d’équité, mais aussi du fait de sa pertinence pour des prises en charge à la fois normalisables et planifiables : prévention, éducation pour la santé, pathologies chroniques ou de longue durée hors épisodes aigus. La pertinence des prises en charge doit également être questionnée, en sachant que le sujet est très loin de se limiter à celle des actes : le sujet principal est très probablement celui de la rationalisation des prises en charge entre les différents acteurs, sans oublier la question de l’accès inconditionnel aux soins.
Propositions Ségur : Faire évoluer la T2A en introduisant une part de financement populationnel, et en amplifiant le financement à la qualité et à la pertinence ; Poursuivre les réformes de financement engagées dans le cadre de Ma Santé 2022, qui comprennent et préfigurent une part de financement populationnel (urgences ; maternité ; psychiatrie ; SSR ; soins critiques ; HAD ; pathologies chroniques).
Commentaires INPH : Il existe manifestement un consensus pour réduire la part de la T2A, tout en la maintenant, et pour en simplifier le dispositif technique. La (bonne) surprise est que le gouvernement semble également vouloir s’engager vers une part de financement populationnel, sans se limiter au périmètre de l’hôpital. Mais au stade actuel, il ne s’agit que d’une orientation générale, tout reste à faire : quel mode de calcul pour quantier le besoin relatif des populations, quel mode d’application du principe entre péréquation territoriale (la région est évoquée) et financement des opérateurs de santé, etc. Notons également la volonté affichée de décloisonner la ville et l’hôpital, et par conséquent leur financement. On ne peut que s’en féliciter, tout en restant très vigilants sur les modalités de mise en œuvre du principe. En‑ n, ces deux modalités de financement (activité, populationnel) sont annoncées comme devant être significativement complétées par une troisième : le financement à la pertinence et à la qualité, déjà inscrite dans le programme Ma Santé 2022. Sur ce dernier point, un certain nombre de commentaires s’impose. En premier lieu, bien qu’incontestablement légitimes, la pertinence et la qualité constituent deux sujets différents : un soin pertinent peut être en défaut de qualité, et un soin de qualité peut être non pertinent. Il faut donc examiner ces deux sujets séparément.
Pour sa part, la pertinence renvoie autant à la révision de la classification des prestations remboursables qu’à l’organisation rationnelle des acteurs autour du besoin objectif du patient. Sur le premier point, les conditions de révision constituent un sujet en soi, tant en termes de concertation que d’objectivité scientifique. Sur le second point, la pertinence peut être rapprochée de l’efficience systémique, dont les modalités restent cependant à arbitrer, sujet sensible s’il en est : gouvernance et financement. Notons également que l’accès aux prestations remboursables fait nécessairement partie de la problématique, autre sujet hautement sensible. Pertinence, organisation et supervision, financement et notamment populationnel, ces trois sujets sont intimement liés.
La qualité est un tout autre sujet. Le projet, déjà inscrit dans Ma Santé 2022, est d’augmenter très significativement la part du paiement à la performance (P4P), à travers les dispositifs IFAQ et Prime d’intéressement collectif. Dans les deux cas, il s’agit de mettre en œuvre une incitation ‑ nancière, qui dans les faits sera autant négative que positive, et supposée inciter les acteurs de l’hôpital à modifier leurs pratiques dans le sens de la performance attendue. L’impact portera donc sur les ressources de l’établissement pour le premier dispositif, sur le revenu des acteurs pour le second. Nous avons très clairement exprimé nos très grandes réserves sur le principe, fort éloigné de notre conception du service public, mais aussi sur l’efficacité supposée : on ne porte pas la qualité en pénalisant le défaut de qualité. Au demeurant, la littérature internationale est très réservée sur l’efficacité du concept sur le terrain. Ajoutons en‑ n qu’il existe un silence assourdissant sur l’articulation et de la complémentarité supposée entre le P4P et la certification des établissements : quel avenir pour cette dernière, pourtant incontournable ?
INVESTISSEMENT
Diagnostic INPH : L’investissement hospitalier est globalement pénalisé par la dégradation de l’équation économique de l’hôpital. On peut ajouter que l’investissement est pénalisé par un endettement illégitime, car pour partie liée à l’insuffisance globale du financement.
Propositions INPH : L’assainissement radical de la dette est une nécessité, de même que le rétablissement d’un niveau de financement permettant de rétablir un investissement à la hauteur des missions : foncier, équipements, numérique, innovation.
Propositions Ségur : Actant le sous-investissement chronique et ses conséquences sur l’outil de travail, il est proposé un ensemble de mesures, de principe pour certaines, plus concrètes pour d’autres. Citons : la reprise de 13 Md€ de la dette hospitalière par l’Etat en contrepartie d’une normalisation du renouvellement des équipements courants, augmentation « massive » de l’investissement dans les domaines du numérique, du médico-social et du soin (hôpital, ville, psychiatrie), une certaine déconcentration du processus décisionnel (ARS) avec la prise en compte des inégalités territoriales et la suppression du COPERMO, renforcement de l’expertise pour accompagner l’élaboration des projets. Une attention particulière est portée au comblement du retard en matière de numérique : intégration et interopérabilité, sécurité, infrastructure et équipement (médico-social notamment), professionnels compétents en intra-hospitalier (avec en sousjacent la question de l’attractivité), rationalisation de l’utilisation du DMP, sans oublier la souveraineté de l’hébergement du Health Data Hub.
Commentaires INPH : Ces propositions vont globalement dans le bon sens, mais il n’est pas démontré à ce stade qu’elles seront suffisantes pour normaliser la situation. La vigilance s’impose donc. Nous ajouterons également que, à l’instar du financement à la qualité, il serait contreproductif de pénaliser un établissement en termes d’investissement au motif de difficultés ‑ nancières : le sujet devrait être l’accompagnement dans la normalisation de la situation. S’agissant du numérique, nous insistons sur les points suivants : souveraineté nationale sur la gestion de ces données particulièrement sensibles, rationalisation volontariste des normes de stockage et d’échanges, lutte contre la dépendance des établissements vis-à-vis de leurs prestataires informatiques, et par ailleurs accompagnement volontariste dans la production des données, leur partage et leur utilisation.
SIMPLIFICATION DE LA FACTURATION, DE LA TARIFICATION ET DU CODAGE
Diagnostic INPH : La production de données permettant de décrire les états de santé et les prises en charge est absolument essentielle pour tout système de santé. Il est par ailleurs dans l’ordre des choses que cette production soit, le plus souvent, contingente à des objectifs immédiats et triviaux, en l’occurrence la gestion administrative du patient et sa facturation. Si le principe même de la production de ces données est incontestable, leurs modalités de production, d’utilisation et de contrôle posent différents problèmes. Il importe de bien les comprendre et de les distinguer, car leur solution est loin de se résumer à une « simplification » quelque peu incantatoire. Ces problèmes appartiennent aux registres suivants.
1.Des conditions de production, notamment à l’hôpital (codage des pathologies, des actes, de l’activité externe), unanimement jugées comme insatisfaisantes.
2. Une complexité des règles de codage disproportionnée, toujours croissante, volontiers incohérente et au final difficilement maîtrisable.
3. Un modèle de tari‑ cation également devenu trop complexe et corrélativement peu lisible.
4. Des modalités de fixation des prix volontiers opaques, questionnant leur légitimité.
5. Une organisation de la facturation complexe, coûteuse et inefficiente.
6. Des modalités de contrôle (AMO) inéquitables car sous l’autorité de l’une des parties, dans le principe comme dans les faits, source d’un contentieux aussi inefficace que consommateur de ressources.
Propositions INPH :
Propositions Ségur :
La production de données permettant de décrire les états de santé et les prises en charge est absolument essentielle pour tout système de santé
Commentaires INPH : Les propositions du Ségur, bien que moins précises et moins complètes à ce stade, vont néanmoins dans le sens des propositions INPH, notamment dans le sens de la rationalisation des outils de description, des modèles de tari‑ cation, des processus de facturation, et dans une utilisation plus large des données de santé produites. Un certain nombre de points de vigilance émergent cependant : ainsi, la « simplification » évoquée ne doit pas se transformer en dégradation des classifications et donc des données produites. Le propos serait plutôt de les consolider. D’autres sujets, pourtant sensibles, sont absents des propositions Ségur. Ainsi, la question pourtant incontournable des conditions du codage au quotidien et de son organisation, ou celle des modalités actuelles des contrôles de l’Assurance maladie.
MODÈLES DE FINANCEMENT VILLE-HÔPITAL
Diagnostic INPH : L’absence de coordination des acteurs autour du patient est, ainsi que nous l’avons déjà évoqué, l’une des causes majeures de l’inefficience du système de santé français, une inefficience systémique. Elle engendre notamment des redondances de prise en charge entre la ville et l’hôpital, mais aussi entre médecins libéraux et entre établissements de santé. Elle engendre également des prises en charge inadaptées, dans certains cas par défaut d’expertise, dans d’autres cas sous formes d’hospitalisations inappropriées, etc. On peut noter que les expérimentations de l’article 51 abordent le sujet, dans une approche expérimentale et pragmatique non dénuée d’intérêt mais qui exclut, à ce stade, toute idée de généralisation.
Propositions INPH : s’agissant d’un problème structurel majeur, il serait très prématuré de proposer des solutions globales. Le propos est d’organiser la réflexion, la concertation et les inévitables décisions dans des termes adéquats. Pour l’INPH, les éléments de cadrage de la réflexion sont :
Propositions Ségur : Il s’agit également d’éléments de cadrage de la nécessaire réflexion visant à élaborer un modèle, sur les principes généraux de « réactivité, qualité, pertinence, suivi et protection de la population ». Ces éléments de cadrage sont :
• Traduire le décloisonnement ville/hôpital dans les modèles de financement.
• Assurer la transversalité ville/ hôpital comme objectif des nouveaux modèles de financement à mettre en place, tout au long du parcours.
• Instaurer une mixité dans les nouveaux modèles de financement ville et hôpital.
• Maintenir une part substantielle de financement à l’activité.
• Créer un observatoire transversal des tari‑ cations pour obtenir un regard croisé ville/ hôpital/médico-social sur les tarifications respectives.
• Poursuivre les expérimentations article 51.
Commentaires INPH : Les éléments de cadrage du Ségur sont d’une grande prudence dans leur formulation, mais vont globalement dans le sens des propositions de l’INPH. Et chacun a, en l’exprimant à sa manière, conscience que le sujet n’est pas un ajustement du système, mais bien un changement de système. Les implications sont immenses, qu’il s’agisse de la coordination des acteurs, de leur restructuration territoriale, de la nature des prestations, de la nature ou de l’usage des financements. Chacun devra accepter de considérer l’intérêt objectif du patient au même titre que ses intérêts corporatistes, et idéalement au-dessus… Tout l’enjeu de l’après-Ségur sera de faire accepter à tous les acteurs ces évolutions historiques. Pour le dire autrement, le Gouvernement est au pied du mur, mais les acteurs de santé, à commencer par l’hôpital, le sont également. Chacun désormais, selon ses actes, sera comptable du succès de ce virage historique… ou de son échec
Au total…
Organisé dans des conditions pour le moins défavorables, entre pression populaire et délais extrêmement contraints, ce Ségur de la santé n’a pas suscité d’espoirs démesurés malgré les ambitions affichées. On ne refonde pas de A à Z un système de santé largement sclérosé dans ces conditions. Et en première analyse, le résultat n’est pas à la hauteur des attentes sur un certain nombre de points, à commencer par le sujet n°1 : assurer de principe aux établissements de santé, qu’il pleuve ou qu’il vente, les moyens de leurs missions. On notera également qu’aucune proposition n’a été faite plus généralement pour garantir durablement l’équilibre économique du système, même s’il est (en‑ n !) admis que le rationnement jusqu’à l’asphyxie n’est peut-être pas une voie d’avenir. D’autres sujets ont été purement et simplement « oubliés », pour exemples la soutenabilité ‑ nancière de l’accès à l’innovation, les conditions de contrôles impartiaux de la facturation des prestataires de santé, etc.
Pour autant, un certain nombre de sujets de fond ont été évoqués, en des termes qui retiennent l’attention. Bien sûr, nous savons à quel point la prudence s’impose, dans le contexte d’une culture institutionnelle qui confond volontiers politique et marketing, intention réelle et simple effet d’annonce. Mais ce ne serait pas rendre justice aux débats et à leurs conclusions que d’en rester sur un procès d’intentions. Et de fait, ces conclusions évoquent un certain nombre d’orientations dignes d’intérêt. Citons notamment :
• L’intention de décloisonner la ville et l’hôpital, dans l’organisation, le financement, le partage des informations ;
• L’intention de faire évoluer l’ONDAM en introduisant des conditions plus démocratiques de préparation, l’introduction de priorités de santé, la pluri annualité, et même certaines formes d’évaluation ;
• L’introduction de la dotation populationnelle en complément du financement à l’activité. Disons-le tout net : il pourrait s’agir d’un tournant majeur. En tant que modalité privilégiée de financement de la maladie chronique, pour permettre (en‑ n !) de financer significativement la prévention et l’éducation pour la santé, mais aussi pour aborder concrètement la question des disparités territoriales de l’offre.
• L’intention de rationaliser fortement les nomenclatures et classifications, les modèles de tari‑ cation, les organisations de la facturation, et de promouvoir l’utilisation extratarifaire de ces données dans des finalités, disons le mot, de santé publique.
• L’intention, en‑ n, de normaliser l’investissement des établissements de santé, mais aussi l’intention d’investir « massivement » dans le numérique en santé, condition indispensable à la rationalisation de la prise en charge du patient et plus particulièrement à la synergie ville – hôpital.
Il ne faudrait pas sous-estimer ces propositions (sans oublier les autres), qui constituent bien évidemment autant de chantiers, en ce qu’ils abordent nombre de sujets de fond en dehors desquels aucune perspective d’amélioration n’est possible. Certes, il ne s’agit à ce stade que de chantiers, et dans les conditions de ce Ségur il ne saurait en être autrement. Mais certains de ces chantiers ont un caractère potentiellement historique, car susceptibles de transformer profondément l’organisation de notre système de soins, un certain nombre de ses pratiques… sans oublier les conditions de leur financement.
Au final, le Gouvernement, quelles qu’en soient ses motivations profondes, propose des évolutions historiques du système de santé, dans un contexte qui les justifient impérativement. Les orientations proposées vont, majoritairement, dans le sens des propositions de l’INPH. Peu importe dans quelle mesure l’INPH les a inspirées : ce qui compte, ce sont les actes. Et, s’il s’agit de réformer le système dans l’intérêt supérieur du patient, l’INPH relève le gant, et répondra présent pour construire les réformes concrètes dont notre système de santé a tant besoin. A la charge du Gouvernement, désormais, de démontrer la sincérité de ses engagements : un succès serait historique, un échec ne le serait pas moins.
Article paru dans la revue « Intersyndicat National Des Praticiens D’exercice Hospitalier Et Hospitalo-Universitaire.» / INPH n°19