Rouge congo passe à la radio

Publié le 11 May 2022 à 09:04


CLÉMENT ET JOHN, RADIOLOGUES ET MUSICIENS
 

Texte : Elsa Bastien
Photos : Michela Cuccagna

« EN MÉDECINE, TU AS UNE PENTE ASCENDANTE, IL N’Y A JAMAIS DE VAGUES. EN MUSIQUE, C'EST L'INVERSE : ÇA VA TRÈS VITE DANS UN SENS COMME DANS L'AUTRE. »

Dans ce salon sous les toits du centre-ville de Reims, un piano côtoie des guitares et plein d’instruments étranges type ukulele ou omnichord - le pendant électronique de l’autoharpe, ambiance 80s assurée. « Le home studio est à l’étage », complète Clément, 29 ans. Ce jeudi d’octobre, avec John, ils étrennent des habits flambant neuf : veste gold, kway bleu électrique... Ils ont décidé de booster l'identité visuelle de leur performance live et effectivement, ça donne clairement envie de les voir se trémousser sur scène. Leur groupe : Rouge Congo - oui, comme le colorant utilisé en médecine. De l'electro pop made in Reims. Et tada ! Ils viennent tout juste de sortir leur premier EP, « White Stairz », ce qui risque de les amener, à nouveau, à enchaîner les concerts.

« Depuis la première note qu'on a joué ensemble, on est persuadé qu'on va y arriver, ça fait 7 ans qu'on y croit ! », rigole John, grand brun, qui rembobine leur rencontre. « Quand je suis arrivé à Reims après mon externat à Marseille, je me suis posé deux questions "où est le service où je dois aller" et "quand est-ce que je trouve un groupe dans lequel jouer" ». Les deux étudiants se rencontrent rapidement. Il faut dire qu’ils ont plusieurs choses en commun : la médecine donc - John était même le chef de Clément - et la musique. S'ils s'amusent bien avec leur premier groupe (Modern Times), c'est lorsqu'ils deviennent Rouge Congo que l'aventure décolle, en 24h à peine. L'un envoie une compo, l'autre s'emballe, les deux décident de jouer, de mixer et d'arranger le titre, puis de tourner un clip dans la campagne champenoise... avant de balancer tout le projet sur le net : une chanson pop et ensoleillée, un nouveau nom de groupe - Rouge Congo - un clip et une page Facebook. Vite ficelé, mais bien ficelé. A l’écran, un paysage champêtre, des tonalités vintages et une image comme tirée d’un vieux film tournée à la caméra Super 8. Les likes montent, le buzz prend. En bref, « Tell me secrets », la première chanson de ce side project, plaît. « Deux semaines après, on était dans la rubrique "découverte" des Inrocks. On avait rien dealé, personne ne savait qui on était, mais ça marchait ! »

Le nouveau groupe prend forme. Antoine, guitariste, et Ian, à la batterie viennent compléter le quatuor - leurs deux acolytes partagent leurs passions du son mais ne portent pas la blouse blanche. « L'année 2015 a été incroyable, on a fait le Printemps de bourges, deux fois le festival Cabaret Vert… » raconte Clément en grignotant des tranches de saucisson au canard. « La deuxième fois, on a joué devant 6 000 personnes un samedi à 19h30, c'était fou. » Ils montent sur scène sur leurs repos de garde, enchaînent travail et concerts, et passent pas mal de nuits blanches à composer.

« ON EST PAS DU TOUT DES BRANLEURS ! »

« L'année 2016 a été beaucoup plus galère, continue Clem. On devait bosser pour sortir l'EP, il fallait que tout soit prêt, et en même temps je devais passer ma thèse… » EP sorti, thèse validée, il est désormais chef – « la galère va continuer mais j'ai quand même 9 semaines de congé qui vont me permettre de faire ce que j’ai envie de faire. »

« ON EST PAS DU TOUT DES BRANLEURS ! »

Côté pro, les co-internes comme les co-chefs de leurs services - ils sont tous les deux radiologues - ont toujours été compréhensifs, malgré leur emploi du temps tordu... « Honnêtement, on est sérieux au boulot donc les gens ont eu rapidement envie de nous soutenir, on n’est pas du tout des branleurs ! » précise John, qui a choisi d'être PH à mi-temps pour pouvoir se consacrer à ces « deux vies ».  Côté perso, iI raconte que « ses parents ont mis un peu de temps ». « Pour caricaturer, au début c'était “oui oui, fais de la musique mais n’oublie pas qu'il faut que tu sois radiologue”. Maintenant, ils ne la voient plus comme un hobby mais comme une deuxième vie ». Clément, lui, a un père médecin et musicien. Une passion qu’il a mise de côté au profit de son job. Aujourd'hui, il est son plus grand fan – « il fait partie des premières personnes à qui je fais écouter nos morceaux ». « La médecine, c'est notre vie, et la musique c'est notre vie aussi, pas une passion ! Même s'il y a un échec on continuera. C'est comme passer l'in- ternat pour nous : on voulait être bien classés parce qu'on voulait avoir une spé qui nous plait, et on a tout donné pour ça. Quand on a un objectif, on y va à fond. Bon il faut dire qu'on est tous les deux des hyperactifs... On ne s'arrête jamais, et pourtant on ne prend pas de coke. Vaudrait mieux pas d'ailleurs ! »

John complète: « Moi qui aimais tout maîtriser, j’ai du changer. Ce sont deux mondes complètement différents. En médecine, tu as une pente ascendante, gentillette, tu es interne, puis tu es chef et ça se passe bien si tu es sérieux. Sauf cas de burnout, il n’y a jamais de vagues. En musique, c'est complètement l'inverse : ça va très vite dans un sens comme dans l'autre. Tu peux avoir une année géniale avec des projets qui marchent super bien, et une autre vraiment merdique... » En tout cas, pour le moment, les deux radiologues - artistes semblent bien être en pleine montée.

SORTIE DE LEUR PREMIER EP "WHITE STAIRZ" LE 18 NOVEMBRE. CONCERTS PRÉVUS : LE 09 DÉCEMBRE @ ESPACE SAINT-EXUPÉRY, REIMS LE 10 DÉCEMBRE @ POP-UP DU LABEL, PARIS

Article paru dans la revue “Le magazine de l’InterSyndicale Nationale des Internes” / ISNI N°15

Publié le 1652252685000