Risque de sanction directe par les directeurs

Publié le 30 Aug 2022 à 18:59

OU COMMENT « MUSELER »
LES PRATICIENS HOSPITALIERS AU DÉTRIMENT DES USAGERS

Dr Pascale LE PORS-LEMOINE*

Le SÉGUR de la santé, puis la pandémie, ont enfin souligné l’évidente nécessité d’une « remédicalisation » de la gouvernance des hôpitaux et d’une bienveillance accrue à l’égard des soignants, en développant notamment la médiation et la conciliation afin de traiter au plus tôt et au plus juste toute situation conflictuelle…

Que dire dans ces conditions de la demande pressante des directeurs de pouvoir sanctionner (avertissement et/ou blâme) directement au niveau local les Praticiens Hospitaliers ?
« Mesure de simplification » nous disent les représentants des directeurs… certes, il sera effectivement beaucoup plus facile pour un directeur de calmer tout praticien désobéissant aux ordres administratifs : c’est enterrer une fois pour toutes l’indépendance des médecins liée au droit et devoir de défendre la déontologie au bénéfice des usagers !
Quid de la défense des moyens d’exercer correctement… en termes de lits, de personnels, de matériels ? Taisez-vous : le directeur obéit à l’ARS qui elle-même reçoit ses ordres « d’en haut », les médecins et surtout les usagers doivent faire avec…

Gynécologue Obstétricienne à Saint-Malo, Vice-Présidente du SYNGOF Pôle PH, Vice-Présidente APH

Quid des alertes lancées sur une atteinte au secret médical, ou sur la dangerosité d’une maternité où le turn over d’intérimaires est incompatible avec la sécurité alors que d’autres maternités environnantes donnent toutes les garanties de sécurité aux mères et enfants ?
Obstétriciens, anesthésistes, pédiatres, taisez vous ! les élus veulent garder LEUR maternité… car il y a toujours une élection à venir.
Essayez de « prévenir » au sens médical de prévention et il vous en coûtera une sale note comme à l’école, un avertissement.
Continuez et ce sera un blâme, ou alors laissez faire et ce sera un drame et des larmes… Combien de maternités indéfendables sur le plan de la sécurité n’ont fermé que suite à une mort maternelle ou néonatale « évitable » ?
La gynécologie obstétrique, la chirurgie sont des métiers à lourde responsabilité, qui peuvent user…

Il ne s’agit pas de nier le fait que certains praticiens peuvent dévier dans leur comportement ou leur exercice, mais il s’agit d’affirmer que dans ces cas, alerte précoce, discussion avec des pairs de préférence extérieurs à l’établissement, voire à un binôme médecin directeur issus des Commissions Régionales Paritaires, permettraient un avis objectif et une aide salutaire pour tous : c’est bien tout l’enjeu actuel de mise sur pied de mécanismes locaux de conciliation, auxquels travaillent Médiation Nationale et CNG.

Donner d’un simple trait de plume aux directeurs un pouvoir direct de sanction à l’encontre des PH, fut-ce après avis d’une « CME restreinte »… (entendez « triée sur le volet » si l’on en juge par l’expérience des commissions statutaires et disciplinaires du CNG), c’est nier la réalité actuelle d’exercice de la médecine à l’hôpital, c’est mettre à mal la défense de la déontologie, c’est alourdir encore la gouvernance administrative des hôpitaux français, c’est inciter encore les médecins à quitter le navire…

Article paru dans la revue “Syndicat National des Gynécologues Obstétriciens de France” / SYNGOF n°02

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