
Épidemiologie
Les pneumopathies aiguës communautaires (PAC) demeurent aujourd'hui un enjeu de santé publique, puisqu'il s'agit de la 1ère cause de mortalité infectieuse en France ainsi qu'une pathologie relativement fréquente, avec une incidence annuelle de 5,6 cas pour 1000 habitants. Cette incidence varie en fonction de l'âge, plus importante avant 5 ans et après 65 ans.
Pour rappel, le caractère « communautaire » s'applique lorsque la pneumopathie survient chez un sujet immunocompétent et en dehors de toute exposition aux soins.
Les principaux facteurs de risque sont : l'âge, le tabagisme, l'existence d'une maladie respiratoire sous-jacente, la perte d'autonomie, une pathologie buccodentaire et un antécédent de pneumopathie.
Qu'apportent les nouvelles recommandations ?
Imagerie : place de l'échographie pleuropulmonaire
La radiographie thoracique garde une place importante dans la stratégie diagnostique d'une PAC (Figure 1). Elle peut retrouver un infiltrat alvéolaire ou alvéolo-interstitiel, systématisé ou non, associé ou non à une pleurésie. Il est désormais recommandé de la réaliser dans les 3 jours suivant le diagnostic. L'absence de foyer radiologique doit conduire à réévaluer le diagnostic et à discuter l'arrêt de l'antibiothérapie. Il n'y a pas lieu de la recontrôler à distance.
Le scanner thoracique, du fait de sa meilleure sensibilité, est préconisé en milieu hospitalier en cas de doute diagnostique après une évaluation initiale reposant sur la combinaison des signes cliniques et des résultats de la radiographie du thorax ou de l'échographie pleuropulmonaire (recommandations de grade B-1). Son intérêt est plus limité en cas de PAC prise en charge en ambulatoire (recommandations de grade C-1). Il peut aussi être réalisé en cas de non-amélioration ou d'aggravation des signes respiratoires à 48-72h malgré un traitement de 1ère intention bien conduit (avis d'expert). Enfin, le scanner thoracique a un intérêt dans le cadre du dépistage du cancer broncho-pulmonaire, chez un patient âgé de plus de 50 ans, tabagique et après un délai d'au moins 2 mois après la PAC (recommandation de grade C-2).
L'échographie pleuropulmonaire obtient sa place en 1ère intention, en ambulatoire comme en hospitalier, sous réserve d'une formation préalable du praticien. Elle permet, en cas de non-amélioration dans les 48-72h de rechercher, avec une meilleure sensibilité que la radiographie thoracique, les complications pleurales. Elle est particulièrement indiquée chez le patient en insuffisance respiratoire aiguë pour qui la radiographie sera réalisée dans de mauvaises conditions (recommandations de grade B-2).
Figure 1 : Pneumonie à M. pneumoniae.
D'après le Collège des Enseignants en Pneumologie – Item 154
Biologie : pas de changement
En cas de forte suspicion clinique ou de diagnostic confirmé de PAC, aucun dosage de biomarqueur sanguin n'est recommandé de façon systématique que ce soit en ville ou à l'hôpital. En particulier, le dosage de la CRP n'est ni recommandé au diagnostic ni au cours du suivi, en l'absence de preuve de son bénéfice. En effet, la littérature n'offre pas de réponse claire quant à l'utilité de la CRP pour le diagnostic, le pronostic ou le suivi des PAC.
Concernant les recherches microbiologiques, elles n'ont pas de place pour PAC sans gravité prise en charge en ambulatoire. En revanche, elles peuvent être utiles dans les cas de PAC sévères, en particulier les PCR virales prescrites en fonction du contexte épidémiologique saisonnier.
Antibiothérapie : favoriser un spectre étroit
Une antibiothérapie probabiliste doit être débutée au plus tôt dès la suspicion clinique de PAC.
Pour les PAC non graves, en ambulatoire comme en hospitalisation il est recommandé en 1ère intention (Tableaux 1 et 2) :
→ L'amoxicilline.
→ L'association amoxicilline-acide clavulanique chez les sujets avec comorbidités ou les sujets âgés (> 65 ans) sans signes de gravité.
Un macrolide en cas de forte suspicion d'une PAC à bactérie intracellulaire. La pristinamycine, largement utilisé en ville, peut être utilisée comme alternative à l'amoxicilline en cas de PAC non graves et chez le patient sans comorbidité.
La lévofloxacine n'a donc plus sa place en 1ère intention sauf en cas d'allergie documentée aux bêtalactamines.
Les bithérapies antibiotiques sont à réserver aux cas graves hospitalisés.
PAC de l'adulte hospitalisé (hors soins intensifs) Antibiotique Alternative Patient sans comorbidité Amoxicilline Pristinamycine Patient avec comorbidité Amoxicilline – Acide Clavulanique C3G parentérale
Tableau 1 : Antibiothérapie empirique des PAC de l'adulte en ambulatoire
(en dehors d'une suspicion de pneumopathie à bactérie intracellulaire)
PAC de l'adulte hospitalisé (hors soins intensifs) Antibiotique Alternative Patient sans comorbidité Amoxicilline C3G parentérale Patient avec comorbidité Amoxicilline – Acide Clavulanique C3G parentérale
Tableau 2 : Antibiothérapie empirique des PAC de l'adulte hospitalisé hors soins intensifs
(en dehors d'une suspicion de pneumopathie à bactérie intracellulaire)
Antibiothérapie : vers une durée plus courte ?
La tendance actuelle tend vers une réduction de la durée de l'antibiothérapie sur la base de nombreuses études qui montrent la non-infériorité d'un traitement plus court et la diminution du risque de survenue de résistance aux antibiotiques.
Une fois le traitement débuté, il est recommandé pour les patients immunocompétents :
→ Une réévaluation clinique à J3 qui justifie si l'ensemble des critères de stabilité clinique sont obtenus (température ≤ 37,8°C, pression artérielle systolique ≥ 90 mmHg, fréquence cardiaque ≤ 100/min, fréquence respiratoire ≤ 24/min, SpO2 ≥ 90%) un arrêt de l'antibiothérapie.
→ S'ils sont poursuivis au-delà de J3, une réévaluation à J5 permettant là encore un arrêt de l'antibiothérapie.
→ Au bout de 7 jours de traitement l'arrêt doit être systématique en dehors de complications telles que l'abcès ou la pleurésie.
Place de la corticothérapie
Sur le plan physiopathologique, la réponse inflammatoire participe significativement aux dommages observé au cours des PAC. C'est pourquoi un essai multicentrique de phase III (2), a évalué la place de l'hydrocortisone systémique administrée de façon précoce pour les PAC graves (hospitalisées en soins intensifs). L'essai est positif avec une réduction de la mortalité à J28 par rapport au placebo.
Cependant, en raison d'une balance bénéfices/risques défavorable son usage est actuellement limité aux PAC sévères avec défaillance hémodynamique.
Cas particulier des infections à mycoplasma pneumoniae
Contexte
En 2023, une augmentation inhabituelle des infections respiratoires causées par Mycoplasma pneumoniae a été remarquée en France dès la fin de l'été, avec une intensification notable à partir du mois d'octobre.
Selon les données de Santé Publique France (3), cette augmentation pourrait résulter de la combinaison d'épidémies cycliques et de l'assouplissement des mesures de contrôle mises en place pendant la pandémie de COVID-19, un phénomène déjà observé pour d'autres microorganismes.
Cette résurgence épidémique a incité le ministère de la Santé et de la Prévention à solliciter la Haute Autorité de Santé (HAS) pour proposer rapidement une réponse concernant la prise en charge diagnostique et thérapeutique des pneumonies à M. pneumoniae en ambulatoire, aussi bien chez l'enfant que chez l'adulte (4).
Épidémiologie
Les Mycoplasma pneumoniae sont des bactéries intracellulaires facultatives, pathogène stricte de l'homme et dont la structure est dépourvue de paroi cellulaire ce qui explique d'une part qu'elles ne soient pas visibles en coloration de Gram et d'autre part leur résistance aux ß-lactamines (Figure 2).
La transmission interhumaine de cette bactérie se fait par voie aérienne via des gouttelettes respiratoires. En adhérant aux cellules cibles, elle est responsable d'une gamme d'infections des voies respiratoires incluant rhino-pharyngite, trachéo-bronchite, bronchite aiguë et pneumopathie.
Après le pneumocoque, il s'agit de l'agent bactérien le plus fréquemment associé aux pneumopathie aiguës communautaires.
Bien que plus fréquentes chez les enfants et les jeunes adultes de moins de 40 ans, ces infections peuvent affecter tous les âges. La présence de cas groupés est évocatrice du diagnostic. L'incubation est en général de 1 à 4 semaines.
Figure 2 : M. pneumoniae observée en microscopie électronique.
D'après Atkinson et al. FEMS Microbiology reviews, 2008, 32, 956-73.
Quand suspecter une pneumopathie à m. pneumoniae ?
Clinique
Figure 3 : Erythème polymorphe à M. pneumoniae
Dans sa forme la plus caractéristique, il résulte un tableau de pneumopathie d'installation souvent progressive avec un syndrome fébrile, des signes de la sphère ORL ainsi qu'une toux sèche.
L'examen physique est plutôt pauvre. La majorité des cas d'infections respiratoires à M. pneumoniae guérissent spontanément et ne justifient pas de prescription d'antibiotiques. En cas de pneumopathie, l'évolution est dans la majorité des cas favorable sous traitement. Des complications et des manifestations rares notamment cutanées ou neurologiques peuvent survenir et nécessiter une hospitalisation. On citera notamment :
→ Des atteintes neurologiques : méningite aseptique, encéphalite et encéphalomyélite disséminée aiguë, ataxie cérébelleuse, myélite transverse et neuropathie périphérique…
→ Des atteintes cardiovasculaires à type de myocardites, péricardites.
→ Des atteintes articulaires à type d'arthrites, en particulier chez les hôtes immunodéprimés.
→ Des atteintes dermatologiques à type d'érythème noueux, des éruptions cutanées mucocutanées polymorphes (par exemple, le syndrome de Stevens-Johnson, le syndrome d'éruption cutanée et de mucosite induit par Mycoplasma) (Figure 3).
→ Des atteintes hématologiques comme une anémie hémolytique, un purpura thrombopénique et des syndromes hémophagocytaires.
La pneumopathie à M. pneumoniae peut également se présenter sous la forme d'une pneumopathie avec échec d'antibiothérapie de 1ère ligne par amoxicilline ou amoxicilline-acide clavulanique à 48-72h de traitement.
Imagerie
La radiographie thoracique de face en inspiration a toute sa place dans la stratégie diagnostique (Figure 3). Elle permet de confirmer ou infirmer le diagnostic de PAC et de dépister une éventuelle complication (pleurésie, abcès). Il faut garder en tête que les premières images radiologiques peuvent ne survenir qu'après 72h du début des symptômes.
Figure 4 : Pneumopathie à M. pneumoniae d'un homme de 34 ans. Foyers de pneumopathie interstitielle des deux poumons (micronodulaire et en verre dépoli)
Les signes radiologiques de pneumopathie à M. pneumoniae sont très peu spécifiques et peuvent associer :
→ Le plus souvent des opacités infiltratives diffuses uni- ou bi-latérales mal systématisées (Figure 4).
→ Ou de façon moins habituelle une opacité systématisée bien limitée, segmentaire ou lobaire.
→ Parfois un épanchement pleural.
Biologie
Le diagnostic biologique est essentiellement fait par PCR sur prélèvement respiratoire pharyngé ou nasopharyngé, souvent intégrée dans des kits de PCR multiplex. Sa réalisation n'est pas remboursée en ville.
Le diagnostic sérologique n'a pas sa place en ambulatoire du fait d'un intérêt uniquement rétrospectif, la sérologie est donc peu utile et peu utilisée en pratique.
Traitement
Les macrolides sont le traitement de référence et sont indiqués en première intention.
En raison de l'augmentation possible de l'intervalle QT à l'électrocardiogramme induit par les macrolides, ils doivent être utilisés avec un ECG pré-thérapeutique.
Chez l'adulte, on pourra notamment utiliser :
→ Clarithromycine 500 mg 2 fois par jour pendant 5 jours.
→ Azithromycine 500 mg par jour en une prise à J1 puis 250mg par jour de J2 à J5.
En cas de problème d'approvisionnement avec ces molécules, des schémas par spiramycine ou roxithromycine sont possibles :
→ Spiramycine 3 MUI 3 fois par jour pendant 7 jours.
→ Roxithromycine 150 mg matin et soir pendant 10 jours.
En cas d'allergie, on pourra opter pour de la pristinamycine ou de la doxycycline.
Enfin, en dernier recours, les fluoroquinolones peuvent être indiquées. L'antibiothérapie doit être efficace dans les 48-72h avec une réévaluation clinique dans le cas contraire.
Paul THING-LEOH
Interne de Pneumologie
Pascal WANG
Docteur junior
Paris
Relecture
Dr Thomas MAITRE
Service de Pneumologie
Tenon
Références

