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Retour de Congrès : Congrès de la SFAP juin 2022

Publié le 11 Aug 2022 à 17:32

La Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs associe professionnels (libéraux, hospitaliers, enseignants chercheurs, universitaires) et bénévoles visant à favoriser le développement et l’accès aux soins palliatifs.

Le mouvement de soins palliatifs est porté par plus de 10 000 soignants sur le territoire. Le maillage se compose des Unités de soins palliatifs, des équipes mobiles mais aussi des HAD ou de services dotés de lits identifiés en soins palliatifs.

Reconnue comme société savante la SFAP regroupe des experts qui par leurs travaux et leurs réflexions visent à promouvoir la démarche palliative au sein de notre système de santé.

Engagée dans la promotion de la démarche palliative au-delà des structures spécifiques, la SFAP a organisé cette année son 28ème congrès annuel du 15 au 17 Juin 2022 à Bordeaux qui a réuni 2457 congressistes aux horizons et aux fonctions variés, dont 75 % y participaient pour la première fois.

Le fil rouge retenu par le groupe scientifique et le groupe organisation de cette manifestation était « les soins palliatifs au-delà des murs ». Thématique très en lien avec les constats des pouvoirs publics, des instances, des institutions, des professionnels, des patients et de leurs proches, des citoyens français d’une inégalité majeure de prise en charge et d’accessibilité aux soins palliatifs sur l’ensemble du territoire national. Les actions à déployer dans le cadre du 5ème plan national triennal 2021-2024 de développement des soins palliatifs présenté lors du congrès de la SFAP à Valencienne en 2021 devrait s’employer à apporter des éléments de réponses et des mesures pour y palier.

Ce plan s’articule sur 3 axes :
• Favoriser la connaissance de leurs droits par les personnes concernées.
• Renforcer l’expertise en soins palliatifs en développant la formation et en soutenant la recherche.
• Définir des parcours de soins gradués et de proximité en développant l’offre hospitalière de soins palliatifs, en renforçant la coordination avec la médecine de ville et en garantissant l’accès à l’expertise.

Tout au long des trois jours du congrès à Bordeaux, de nombreux experts tant médicaux, paramédicaux que sociologues, psychologues, philosophes ou même bénévoles se sont succédé à la tribune pour faire l’état des avancées en termes de développement et de diffusion de la culture palliative mais aussi du chemin restant à parcourir.

Il a été également particulièrement abordé la question de l’évolution de la législation sur la fin de vie et sur l’aide à mourir.

ATELIER  : Rencontre avec des experts  : tout ce que vous auriez voulu savoir sur les soins de bouche (Cathy Chabanolle et Séverine Lamy).

Les intervenantes ont distingué trois types de soins de bouche : le soin de bouche d’hygiène après chaque repas, le soin de bouche d’hydratation et de confort aussi souvent que possible et le soin de bouche thérapeutique. Le soin de bouche non médicamenteux est un soin de base qui relève du rôle propre de l’infirmière (IDE) (décret de compétence 2004) et de la compétence de l’aide-soignante en collaboration avec l’IDE et sous sa responsabilité (code de la Santé Publique).

Le soin de bouche médicamenteux est un soin à visée curative, sur prescription médicale. L’application d’un produit médicamenteux relève de la responsabilité infirmière.

La qualité des soins de bouche dépend de la formation des personnels et de la volonté et la dynamique du service.

Afin de réaliser une évaluation et ainsi d’avoir un point de départ et de pouvoir transmettre des éléments précis à toute l’équipe, l’utilisation d’une grille commune, la grille OAG (Oral Assessment Guide), a été proposée. Cette évaluation permettra également d’ouvrir la discussion avec le patient et de dédramatiser ce soin.

Grille OAG (Oral Assessment Guide*Adaptée de la Grille OAG développée par June Eilers (Oncol Nurs Forum, 1988).

ATELIER : Rencontre avec des experts : les soins d’escarre (Martine Barateau, infirmière, vice-présidente de la SFE et Adrien Evin, médecin USP de Nantes).

Des stratégies en fonction du pronostic ont été définies par l'HAS, il s’agit pour l’objectif de palier 1, de cicatriser l’escarre (de stade 1 et 2), pour l’objectif de palier 2, de diminuer l’extension et d’éviter la survenue d’escarre et pour l’objectif de palier 3 (phase ultime), de limiter les contraintes du soin. Ces stratégies doivent être discutés en pluridisciplinarité en prenant en compte le souhait du patient (traiter une odeur ou un exsudat gênant, cicatriser) et son pronostic vital (phase terminale  ?) en plus de la taille/localisation/stade de la plaie.

Pour l’escarre de stade 1 :
• Si objectif de paliers 1 et 2 : suppression des appuis +/- application d’un pansement (film de polyuréthane ou hydrocolloïde).
• Si l'objectif de pallier 3 : suppression des points d’appui impossible, mise en place d’un hydrocolloïde ou d’un hydrocellulaire multicouche comme rôle d’amortisseur.

Pour les escarres de stade 2, 3 et 4 : quel que soit l’objectif de palier 1, 2 ou 3 :
• Suppression du pont d’appui si possible.
• Gérer les exsudats : en phase 3, augmenter le pouvoir absorbant du pansement, diminuer la fréquence des changements de pansement.
• Diminuer les odeurs : charbon pour faire barrière aux odeurs, pansement à base du cumin mais non remboursé.
• Éviter les complications : infection, hémorragie.
• Détersion des tissus nécroses : diminue les odeurs, les douleurs et l’infection.

Une fiche a été créée pour la prise en charge des escarres et qui s’inspire de la période COVID afin de favoriser la prévention d’escarre. Celle-ci sera publiée dans les mois à venir.

ATELIER : Deuil et pandémie : quelle démarche d’accompagnement pour les EHPADs ? (Rozenn Le Berre, docteure en philosophie, Institut Catholique, Lille). Rozenn le Berre a présenté les résultats d’une enquête exploratoire dans le cadre de travaux de recherche en Philosophie sur l’expérience des deuils, notamment dans le cadre d’un projet sur le « deuil et pandémie ».

La COVID a réactualisé certaines notions par rapport au deuil, une situation inédite où on a placé la question du deuil dans les médias sur la scène sociale et politique et où on a pu noter une Inquiétude sur comment faire son deuil en contexte troublé.

Problématique de travail : ce que nous avons vécu est-il si inédit qu’il nous faille totalement nous inscrire dans une rupture ? Qu’est-ce qui continue (réactivation de problématique déjà existantes) ? Nos vies s’en trouvent bouleversées : les fins de vie et les deuils d’autant plus. Pourquoi et en quoi ?

Ce travail a débuté par une enquête de terrain menée dans le but de co-construire une formation.

Il s’agissait d’entretiens semi-directifs dans lesquels les familles pouvaient exprimer leur vécu et des focus groupe pour les professionnels (temps d’échange) de mars à juin 2021.

Cette enquête n’a pas permis d’apprendre des choses sur le deuil en tant que tel mais plutôt sur le vivre ensemble en EHPAD. Pour les résidents et les familles, le deuil fait émerger la question du «  comment accompagner les pertes dans une vie tout en demeurant dans la vie ? ». Pour les équipes, des questions se sont posées sur comment penser ces lieux que sont les EHPADs, à la fois lieu de vie, lieu de soins et lieu de travail, autrement dit comment trouver un équilibre entre la vie individuelle et la vie collective (vie communautaire). Cette enquête a fait également émerger la question de l’accompagnement de la fin de vie et de la mort avec une attention particulière aux pratiques rituelles comme pratiques rituelles signifiantes. Enfin cette enquête a fait émerger la nécessité d’une meilleure intégration de la démarche palliative en EHPAD.

ATELIER : Fin de vie en EHPAD : quels dispositifs pour accompagner les résidents ? (Thomas Goncalves, chargé de mission, Centre National des Soins Palliatifs et de la Fin de Vie, Paris).

T. Goncalves a exposé les derniers chiffres recueillis par l’enquête EHPA réalisée tous les 4 ans par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES). Actuellement selon les derniers chiffres qui ne tiennent pas compte de la pandémie de COVID-19, en France il y a environ 7 500 EHPADs, plus de 600 000 résidents répartis en ¾ de femmes et ¼ d’hommes. Deux-cent-trentemille sont atteints de maladie neurodégénérative.

Cent-cinquante-mille décès par an ont lieu dans les EHPADs soit 25 % des décès en France. Concernant la prise en charge des résidents, sur la présence des professionnels 24h/24 90 % ont une aide-soignante ou une Aide Médico-Psychologique 24h/24, 10 % ont une IDE 24h/24. Vingt-sept pourcents ont un membre formé aux soins palliatifs (DU, DIU). Soixante-quatre pourcents ont une convention avec une équipe mobile de soins palliatifs et 29 % avec des réseaux de santé en soins palliatifs. Vingt pourcents des EHPAD déclarent avoir une pharmacie à usage intérieur (moins de 5 % pour les établissements privés lucratifs). Les chiffres de 2019 attendus sont la part des établissements qui réalisent des directives anticipées, le nombre d’HAD notamment palliative mis en place et la part des résidents informés sur l’accompagnement à la rédaction des directives anticipées. Ces données permettront la constitution d’un prochain atlas national des soins palliatifs et de la fin de vie fin 2022 dans lequel seront présentés un panorama de données (typologie des établissements, des résidents, prise en charge des résidents) à l’échelle national et régional et les évolutions structurelles (convention, formation, démarche palliative).

ATELIER : Fin de vie en EHPAD : de l’hébergement à l’accompagnement (Tanguy Châtel, Cercle Vulnérabilités et Société, LA-Celle-Saint-Louis).

À l’heure où la crise de la COVID-19 a mis sévèrement en évidence les lacunes dans l’accompagnement de la fin de vie des résidents d’EHPAD,  le Cercle Vulnérabilités et Société, qui rassemble une pluralité d’acteurs économiques et associatifs convaincus que la vulnérabilité est une force et un gisement d’innovation, a formulé 5 priorités déclinées en 50 propositions opérationnelles pour aider les établissements à se mettre en capacité de mieux répondre à cet aspect essentiel de leur mission. Ces propositions sont exposées dans la note de position « Fin de vie en Ehpad : de l’hébergement à l’accompagnement ».

Au cours de cet atelier Tanguy Châtel, co-fondateur du cercle vulnérabilités, a exposé les propositions de cette note. Elles reposent sur une conviction forte : parce qu’ils sont des lieux où vivent un quart des personnes qui décèdent chaque année,  les EHPAD doivent oser devenir des lieux de référence en matière de fin de vie. Il s’agit de rendre la personne âgée en EHPAD partie prenante de sa vie et de sa fin de vie en facilitant la coopération de 4 acteurs  : résidents, familles, professionnels et pouvoirs publics. Pour ce faire il est nécessaire de mettre en place une politique explicite « fin de vie » en EHPAD.

La note est téléchargeable sur le lien suivant :
https://vulnerabilites-societe.fr

ATELIER : Anticipation grâce à l’évaluation Gériatrique Spécifique Palliative (EGSP) et soins palliatifs en EHPAD (Gaêl Durel, médecin, Association Nationale des Médecins Coordonnateurs en EHPAD et du médico-social, Tinteniac).

G. Durel présente les caractéristiques d’une évaluation spécifique palliative en EHPAD et ce qu’elle apporte dans l’amélioration de la prise en charge palliative des résidents. Il s’agit d’une évaluation gériatrique centrée sur la recherche des sources potentielles d’inconfort (douleur, anxiété, dyspnée…) des besoins exprimés ou non des résidents visant à anticiper la prise en charge palliative. Ainsi, la réalisation de cette EGSP nécessite d’identifier certains états cliniques phares : dénutrition sévère, cancer évolutif avec abstention thérapeutique, épisodes de pneumopathies d’inhalation à répétition, démence très sévère au stade pauci-relationnel, dépression caractérisée, non améliorée par un traitement adapté et plus de deux hospitalisations dans l’année pour la même pathologie (insuffisance cardiaque, respiratoire, rénale, anémie…) ainsi que les risques spécifiques liées aux pathologies (douleur, dyspnée, escarre, etc.) ; certains de ces risques peuvent conduire à l’appel d’une EMSP. Ensuite, il s’agit de recenser les ressources humaines mobilisables (personnels formés disponibles, EMASP, HAD, EMG) et les ressources matérielles disponibles (seringue électrique, PCA, O2, thérapeutiques tel que morphiniques, midazolam). Après ce recensement, une rencontre est organisée avec le résident s’il peut exprimer sa volonté, sa personne de confiance, s’il l’a désignée ou à défaut ses proches afin de recueillir les souhaits du résident et son degré de connaissance des pathologies graves et évolutives dont il est atteint, ainsi que celui de ses proches. Une réunion de synthèse EGSP associant le médecin coordonnateur, le médecin traitant, l’IDEC, un représentant de l’équipe soignante, un psychologue et un représentant des proches suit ce recensement. Cela permettra de déterminer où le patient sera pris en charge (EHPAD, hôpital), qui seront le ou les prescripteurs, qui interviendra auprès de lui le jour, la nuit, le weekend, etc.

Ces éléments seront répertoriés dans une fiche type Urgences/SAMU PALLIA (SFAP 2017) (voir fiche page suivante).

Euthanasie et législation
Des propositions de textes de lois par les législateurs concernant la dépénalisation des pratiques euthanasiques ont été, sont et seront faites ; à l’instar de la proposition d’Olivier Falorni en 2021 (non adoptée) qui envisageait un droit à « une aide médicalisée active » à mourir pour les personnes souffrant d’une maladie incurable.

Une réflexion et une anticipation poussées et constantes doivent être menées à propos des conséquences socioanthropologiques, philosophiques, psychologiques et sanitaires et notamment de l’impact que l’euthanasie pourrait avoir dans le frein potentiel à l’accessibilité à la démarche palliative au bon moment pour le patient au cours de la trajectoire de sa maladie grave.

La SFAP a adopté une posture tournée vers l’action plutôt que de subir ! D’où la mise en œuvre d’un mandat pour participer aux débats avec le parlement et la proposition à la prochaine législature de rencontrer les équipes de soins palliatifs dans les structures existantes sur le territoire.

Claire CLADT
Infirmière Equipe Mobile d’Accompagnement, de soins de Support et de
soins Palliatifs

Perrine SENGES
Faisant Fonction de Cadre de santé
Services de soins d’Accompagnement, de soins de Support et
de soins Palliatifs

Perspective pour la SFAP pour l’année à venir
Le projet associatif se repense et se renforce à l’aune de 2022 :
• Poursuivre le développement des soins palliatifs et particulièrement celui de l’identification précoce des situations relevant des soins palliatifs et des prises en charge à domicile ;
• Renforcer l’ancrage scientifique de la SFAP (formations, recherches, valorisations des cursus) ;
• Inciter les acteurs de soins palliatifs et les membres de la SFAP à participer au débat public et à écouter les préoccupations de la société ;
• Développer les capacités d’action de la SFAP.

Et ainsi être plus savants, plus visibles et plus forts.

La SFAP propose différents web séminaires accessibles aux médecins et soignants impliqués dans la démarche palliative  : Inscriptions sur http://www.sfap.org/

Le prochain congrès national des soins palliatifs aura lieu à la cité des congrès de Nantes du 14 au 16 juin 2023, le fil rouge proposé se nomme « Rencontres et Dialogues ».

Dr Sophie FIACK-SASHIN
Praticien Hospitalier
Equipe Mobile d’Accompagnement, de Soins de Support et de Soins Palliatifs

Pr Laurent CALVEL
Professeur Associé des Universités en Médecine Palliative
Chef du Service de soins d’Accompagnement, de soins de Support et de soins Palliatifs
Hôpitaux Universitaires de Strasbourg,
Pour l’Association des Jeunes Gériatres

Article paru dans la revue “La Gazette du Jeune Gériatre” / AJG N°30

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Publié le 1660231937000