Actualités : Retard pubertaire chez la fille

Publié le 04 juin 2025 à 14:56
Article paru dans la revue « AIGM / Gynéco Med » / AIGM N°4

Physiopathologie de la puberté normale 

La puberté est un processus physiologique complexe marqué par le développement des caractères sexuels secondaires, l'accélération staturale et l'acquisition de la fonction de reproduction. Le marqueur de la puberté chez la fille est la présence d'un développement mammaire (stade S2 selon la classification de Tanner). La GnRH (gonadotropin-releasing hormone) est sécrétée de façon pulsatile au niveau hypothalamique. Ce décapeptide stimule les cellules gonadotropes de l'hypophyse et induit la sécrétion des gonadotrophines, LH (hormone lutéinisante) et FSH (hormone folliculo-stimulante). Les gonadotrophines induisent la production ovarienne d'œstradiol et le recrutement folliculaire. Parmi les facteurs qui influencent l'âge de la puberté, on retrouve l'alimentation, la composition familiale, les perturbateurs endocriniens ainsi que des causes congénitales.

Le retard pubertaire est défini par l'absence de développement mammaire au-delà de l'âge de 13 ans ou l'absence de ménarche 4 ans après le début de la puberté. Il est crucial de distinguer un retard pubertaire simple (30 % des cas), qui est une variation physiologique bénigne, d'un déficit gonadotrope (45 % des cas) ou gonadique (25 % des cas), qui nécessite une prise en charge spécifique.

Démarche diagnostique

Interrogatoire

Il consiste en la recherche d'arguments en faveur d'une atteinte centrale (hypothalamo-hypophysaire) ou périphérique (ovarienne). Il faut rechercher des antécédents personnels de troubles de la croissance fœtale, de traitements par radiothérapie, chirurgie, chimiothérapie, de céphalées, de carence nutritionnelle, de pratique sportive intensive ou de maladie chronique. Il faut également rechercher les antécédents familiaux d'impubérisme, d'aménorrhée, d'infertilité, d'anosmie ou de maladie auto-immune.

Examen physique

Il est impératif de mesurer systématiquement le poids, la taille, l'IMC et de réaliser une courbe de croissance. On recherche des arguments cliniques en faveur d'une origine centrale : anomalie du champ visuel, signes d'HTIC, anosmie, autres déficits hypophysaires. Il faut rechercher des signes en faveur d'une maladie chronique (maladie de Crohn, maladie cœliaque,…) et des arguments orientant vers une étiologie (pterygium colli, cubitus valgus, anomalie de la ligne médiane, phénotype cushingoïde). L'évaluation des organes génitaux externes est essentielle en se référant à la classification de Tanner.

Évaluation biologique et radiologique 

• Les premiers examens hormonaux à réaliser sont : FSH, LH, E2, prolactine, TSH.

• La recherche d'une maladie chronique fait partie du bilan biologique : NFS, anticorps anti-transglutaminases, créatininémie, ionogramme, CRP.

• Il est conseillé de réaliser une estimation de l'âge osseux par réalisation d'une radiographie du poignet et de la main gauches. L'interprétation est basée sur l'atlas de Greulich et Pyle. Un infléchissement statural modéré progressif associé à une vitesse de croissance et une taille accordés à l'âge osseux plaident en faveur d'un retard pubertaire simple, ce qui justifie une observation pendant six mois sans nécessiter d'autres tests, particulièrement si l'anamnèse a relevé une puberté tardive familiale.

• Le facteur de croissance insuline-like 1 (IGF-1) peut être utile dans l'évaluation d'une insuffisance en hormone de croissance, mais doit être interprété avec prudence, car les taux d'IGF1 sont souvent bas pour l'âge chronologique tout en étant normaux pour l'âge osseux.

• Une échographie ou IRM pelvienne permettra de confirmer l'existence d'un utérus et d'identifier les indices d'une éventuelle imprégnation œstrogénique. De plus, on peut examiner la présence et l'apparence des ovaires.

• L'importance de la densitométrie osseuse réside dans son rôle d'évaluation du degré de minéralisation osseuse et de détermination du moment approprié pour commencer le traitement hormonal.

• Si une cause centrale est suspectée, il est impératif de réaliser une IRM hypophysaire (recherche des lésions hypothalamo-hypophysaires ou d'une aplasie des bulbes olfactifs).

• En cas d'argument en faveur d'une cause gonadique, un caryotype sanguin est obligatoire (syndrome de Turner, dysgénésie gonadique).

Caractéristiques du retard pubertaire simple

• Facteurs familiaux : Antécédents de puberté tardive dans la famille. 

• Croissance : Infléchissement statural progressif, pas de cassure de courbe de croissance, âge osseux retardé (inférieur à 11 ans). 

• Absence d'argument en faveur d'une cause congénitale :

• Absence d'infertilité ou d'anosmie familiale. Absence d'argument en faveur d'une cause syndromique : Examen clinique sans particularité, pas d'anosmie, pas d'obésité, …

• Hormones gonadotropes : Taux normaux ou légèrement abaissés de FSH et LH. 

• Pronostic : Puberté spontanée sans intervention médicale dans la majorité des cas.

Caractéristiques de l'impubérisme organique 

1. Hypogonadisme hypergonadotrope : Taux élevés de FSH et LH.

Étiologies fréquentes : Syndrome de Turner, dysgénésie gonadique, ou autres causes d'insuffisance ovarienne prématurée 

2. Hypogonadisme hypogonadotrope : Taux bas ou normaux de FSH et LH. 

Étiologies fréquentes : Syndrome de Kallmann (anosmie), processus tumoral hypothalamohypophysaire (ex. craniopharyngiome, germinome, adénome), cause fonctionnelle (maladie chronique, déficit nutritionnel), traumatisme crânien, syndrome de Bardet-Biedl, Prader Willi...

Prise en charge 

Il est conseillé d'écarter les causes traitables de l'hypogonadisme et un retard pubertaire simple avant d'envisager l'induction de la puberté. Conformément aux dernières recommandations (Endo-ERN 2022), une induction personnalisée de la puberté est effectuée :

• À l'âge de 11 ans dans les cas où aucun signe de développement pubertaire n'est observé et où un diagnostic étiologique d'hypogonadisme est identifié ;

• À l'âge de 13 ans si un retard constitutionnel est suspecté.

On préconise l'usage du 17β-oestradiol pour induire ou conserver la puberté. Les œstrogènes peuvent être utilisés par voie orale ou transdermique. On peut administrer des patchs d'oestradiol pendant la nuit, avec des doses initiales qui pourraient être aussi faibles que 0,05-0,07 µg/kg, dans le but de simuler les niveaux d'oestradiol pendant la puberté. Pour les filles plus âgées, si le développement du tissu mammaire est l'objectif principal, la dose initiale pourrait se situer entre 0,08 et 0,12 µg/kg. L'ajout d'un traitement par progestérone est conseillé après induction de la puberté et lors de la mise en place d'un traitement hormonal substitutif après une période minimale de traitement par œstrogènes de deux ans.

Il est recommandé d'effectuer un contrôle au moins tous les 3 à 6 mois lors de l'induction pubertaire afin de surveiller cliniquement l'évolution de la puberté chez les filles.

Références

• Pubertal induction and transition to adult sex hormone replacement in patients with congenital pituitary or gonadal reproductive hormone deficiency: an Endo-ERN clinical practice guideline Eur J Endocrinol . 2022 Apr 21;186(6):G9-G49.   doi: 10.1530/EJE-22-0073. 

• Constitutional delay of puberty versus congenital hypogonadotropic hypogonadism: Genetics, management and updates https://doi.org/10.1016/j.beem.2019.101316

• An Approach to the Patient With Delayed Puberty PMID: 35100608 DOI: 10.1210/clinem/dgac054

• Delayed Puberty: N Engl J Med 2012;366:443-453 , DOI: 10.1056/NEJMcp1109290  

•https://archives.uness.fr/sites/campus-unf3s2015/UNF3Smiroir/campus-numeriques/pediatrie/enseignement/puberte_normale/site/html/3.html  

•https://archives.uness.fr/sites/campus-unf3s-2014/endocrinologie/enseignement/puberte/site/html/cours.pdf 

• Retards pubertaires de la fille. diagnostic et prise en charge, https://doi.org/10.1016/S0987-7983(97)80097-7 

Stéfania FOTEINOU
Interne en endocrinologie
Paris

Dr Camille GOSSEAUME
Cheffe de clinique à l'hôpital
Saint-Antoine
Paris

Publié le 1749041782000