
Le Webinaire « pneumopathies interstitielles diffuses associées aux connectivites » a été diffusé le 28 février 2024 en collaboration avec l’Association des Jeunes Internistes (AJI) que nous remercions vivement pour l’organisation. Il s’est déroulé en 3 parties : sémiologie clinique et aspects immunologiques (Pr PUGNET, médecine interne, CHU de Toulouse), sémiologie scanographique (Dr TRAN BA, radiologie, CHU Avicenne) et enfin, complications et exacerbations des PID (Dr TANDJAOUI-LAMBIOTTE, pneumologie, CH Saint-Denis). Le replay est désormais disponible sur le site web de l’AJPO2.
Sémiologie clinique, aspects immunologiques
Pr PUGNET (médecine interne, CHU de Toulouse)
Sclérodermie systémique Polyarthrite rhumatoïde (PR) Lupus érythémateux disséminé Dermatomyosite Gougerot-Sjögren Prévalence des atteintes pulmonaires 47 % 1 % 1ère cause de PID associées aux connectivites du fait de sa prévalence 0.6 % 41 % 17 % Atteintes pulmonaires PID (PINS ++) HTP PID (PIC ++) Bonchiolite Pleurésie Toutes les structures pulmonaires peuvent être atteintes dans la PR. Coexistence de plusieurs atteintes chez le même patient Pleurésie Shrinking lung syndrome (atteinte restrictive post sérite)PID PID PID Bronchiolite Phénotype Femme de 50 ans atteinte cutanée, digestive, pulmonaire et phénomène de Raynaud Femme ménauposée Polyarthrite périphérique symétrique et destructrice Femme jeunes atteintes cutanées, Rhumatisme articulaires Femme de 50 ans Syndrome myogène Atteinte cutanée et pulmonaire Femme ménauposée Asthénie Syndrome sec Clinique Autoanticorps
Anticorps antinucléaires (ANN) de spécifi cité :
Anti centromère Anti Scl70
Anti RNA Pol III
• Sclérodermie Cutané Diff use : anti RNA pol 3 et Anti Scl70 (HTAP)
• Sclérodermie cutané limitée : Anti centromère (PINS)
AAN de spécifi cité :
• Anti Sm
• Anti ADN double brin Consommation du complément
• Syndrome des antisynthétase : anti JO1+
• Polymyosite : pas d’autoanticorps
• Connectivite mixte : Ac U1 RNP
• Myosite nécrosante : anti HMGCoAréductase AAN de spécifi cité :
• anti SSA
• anti SSB
La clinique a vraiment une place centrale pour orienter le bilan étiologique d’une pneumopathie interstitielle diffuse (PID), notamment dans un contexte de connectivite :
→ PID + rhumatisme inflammatoire : polyarthrite rhumatoïde, sclérodermie, lupus, Gougerot-Sjögren, syndrome des anti-synthétases, sarcoïdose.
→ PID + phénomène de Raynaud : sclérodermie, myosite (syndrome des anti-synthétases, polymyosite, myosite nécrosante), Gougerot-Sjögren, lupus.
→ PID + syndrome sec : Gougerot-Sjögren, sclérodermie, polyarthrite (sans syndrome de Gougerot-Sjögren secondaire). En présence d’un syndrome sec secondaire : sarcoïdose, lupus, dermatomyosite.
→ PID + manifestations digestives : sclérodermie (rechercher une dilatation œsophagienne au scanner).
Focus sur les atteintes respiratoires de polyarthrite rhumatoïde
→ Parenchyme : PID, exacerbation aiguë, nodules pulmonaires.
→ Voies aériennes : bronchiolite folliculaire ou constrictive, dilatation des bronches.
→ Plèvre : pleurésie lymphocytaire, épanchement pleural chronique avec hypoglycopleurie, pachypleurite, fibrothorax.
→ Circulation pulmonaire : vasculaire pulmonaire, hémorragie intra-alvéolaire diffuse.
Focus sur les myosites inflammatoires idiopathiques
Le diagnostic repose sur la clinique, les autoanticorps, l’IRM musculaire et les biopsies musculaires.
Dermatomyosites Polymyosites Myosite autoimmune nécrosantes Syndrome des antisynthétases Myosite de chevauchement Prévalence 31 % 27 % 3 % 17 % 12 % Phénotype Femmes de 50 ans Syndrome myogène des ceintures proximal et symétrique Peau Poumon (40 % de PID) Syndrome myogène pur des ceintures Syndrome myogène des ceintures Atteinte myocardique Prise de statines ? Sex ratio 2/1 Âge moyen : 50 ans Syndrome myogène des ceintures Peau Poumon (17 % de PID) Syndrome myogène asymétrique proximal et distal Atteintes associéesErythème lilacé des paupières Erythème des mains : maculeux en bandes Papules de Gottron : pathognomoniques Signe de la manucure Rash héliotrope Ulcérations à l’emportepièce des mains
Défaut de la clairance du gadolinium = myocardite associée
Mains de mécaniciens Hyperkératose palmaire et bord latéral des doigts
Anticorps Anti Mia2 Anti TIF1g Anti MDA5 AntiNXP2 calcinose Anti HMGCO reductase (50 % lié à une prise de statines) Anti JO1+ 72 % AntiPL7+ 11 % AntiPL12+ 10 % AntiEJ+ 7 % AntiOJ+ 2 % AntiRNP pol 3
Sémiologie clinique, aspects immunologiques
Dr TRAN BA (radiologie, CHU Avicenne)
Généralités
Point vocabulaire
Un « pattern » est un ensemble de lésions histologique ou radiologique formant une entité histologique/radiologique (par exemple les PINS (pneumopathies interstitielles non spécifiques), PIC (pneumopathies interstitielles communes), PO (pneumopathie organisées…)).
Il est important de distinguer le pattern de l’étiologie et de la maladie. Par exemple, un pattern peut être secondaire (amiante pour l’asbestose) ou idiopathique (PIC idiopathique = FPI, fibrose pulmonaire idiopathique).
Dans les PID liées aux connectivites, tous les compartiments intrathoraciques peuvent-être atteints : l’interstitium pulmonaire, les voies aériennes, la plèvre, les vaisseaux et le diaphragme. On rappelle que les PID ne représentent qu’une seule partie du spectre de l’atteinte thoracique des connectivites (cf. partie 1). Dans les PID liées des connectivites, la biopsie pulmonaire chirurgicale a une part moins importante dans le diagnostic car le pattern anatomopathologique est moins spécifique avec un impact thérapeutique plus restreint que dans les PID idiopathiques. Les patients atteints d’une PID liée à une connectivite ont une meilleure survie comparativement aux patients atteints de PID idiopathiques. Néanmoins, plus la PID est fibrosante, moins la survie est bonne (rayon de miel = mauvais pronostic) (1).
Lésions élémentaires (2)
Les pièges à éviter lors de l’interprétation du scanner
→ Vérifier que le scanner est bien en inspiration car l’aspect de verre dépoli sur un scanner réalisé en expiration peut amener à surinterpréter des lésions.
→ Faire un scanner en inspiration et en expiration dans le même temps afin de dépister un piégeage éventuel (pouvant orienter vers une PHS (pneumopathie d’hypersensibilité) ou une PID dans un contexte de syndrome de Gougerot-Sjögren).
→ Faire un scanner thoracique en procubitus s’il existe doute sur des lésions présentes aux bases (troubles de ventilations des bases en décubitus).
→ Renouveler l’exploration à distance d’un évènement aigu.
• Par ordre de fréquence : Sclérodermie, SGS, myosite, PR, lupus • Moins fréquente
• PID la plus fréquente dans la PR
• Idiopathique > secondaire • Rare
• Exceptionnellement idiopathique
• Associée au SGS
• Penser au lymphome Se retrouve dans toutes les connectivites • Tableau aigu et bruyant
• Évolution : Fibrose, disparition/ migration des condensations • Association avec le syndrome des antisynthétases Lésions élémentaires Verre dépoli Réticulations Bronchectasies +/- Rayon de miel (peu étendu) Réticulations Bronchectasies Rayon de miel Épanchement pleural (dans la PR, pas dans la FPI) Verre dépoli (toujours présent) Kystes (présent dans 50% des cas) + /- nodules et condensations Condensations migratrices (très évocateur) Images arciformes (signe du halo inversé / atoll = très évocateur) Bronchogramme aérique Condensations (péribronchovasculaires, périphériques et lobulaires) Verre dépoli Topographie des lésions Basales et symétriques Péri-bronchovasculaires Épargne sous pleurale (très évocateur si présente) Basales et symétriques Périphériques et souspleurales Bilatérales et symétriques Périphériques Péri-bronchovasculaires Péri-lobulaires Postéro-basales Images
PINS = pneumonie interstitielle non spécifique, PIL = pneumopathie interstitielle lymphocytaire, PO = pneumopathie organisée, PINS-PO = pneumonie interstitielle non spécifique et pneumopathie organisée, PR = polyarthrite rhumatoïde, SGS = Syndrome de Gougerot-Sjögren
Quand évoquer une connectivite devant une PID scanographique ?
→ La présence d’une dilatation œsophagienne peut orienter vers une sclérodermie.
→ La présence d’un épanchement pleural ou péricardique peut orienter vers un lupus ou une PR.
→ Une pathologie diaphragmatique associée peut orienter vers un lupus ou une myosite.
→ Une hypertension pulmonaire discordante avec des lésions minimes de PID doit faire évoquer une sclérodermie ou un lupus.
→ La présence d’anomalies ostéo-articulaires peut orienter vers une PR.
→ La présence de calcifications sous-cutanées peut faire évoquer une sclérodermie.
→ Des kystes peuvent orienter vers un syndrome de Gougerot-Sjögren.
→ Une bronchiolite obstructive peut orienter vers un syndrome de Gougerot-Sjögren ou une polyarthrite rhumatoïde.
→ Enfin, une superposition de plusieurs patterns ou une topographie supérieure.
PIC de connectivite ou FPI ?
Signes évocateurs de PIC liés aux connectivites :
→ Rayon de miel exubérant (> 70 % de rayon de miel dans les zones de fibrose).
→ Straight-edge sign = démarcation nette entre la fibrose et le poumon sain, pas d’extension latérale le long de plèvre.
→ Signe du lobe antérieur-supérieur : atteinte antérieur des lobes supérieurs.
→ Signes des 4 coins = épargne des bases.
À noter que la FPI a tendance à débuter aux bases puis à s’étendre vers les sommets.
IPAF (Interstitial Pneumonia With Autoimmune Features) :
→ Critères définis en 2015 (3, 4).
→ À évoquer devant une PID associée à des signes extra-pulmonaire, des auto-anticorps et un tableau radiologique/ histologique évocateur.
→ La présence d’une PIC ne fait pas partie des critères (n’élimine pas une IPAF mais n’augmente pas la probabilité de connectivite).
Complications et exacerbations des PID
Dr TANDJAOUI-LAMBIOTTE (pneumologie, CH Saint-Denis)
Les PID sont à l’origine d’une distorsion architecturale du parenchyme pulmonaire. Cette atteinte est caractérisée par une rétraction avec une perte du volume alvéolaire (syndrome restrictif), une perte d’élasticité et une perte de la fonctionnalité. De manière générale, les exacerbations de PID liés aux connectivites ont une bonne réponse aux corticoïdes.
Quelles informations extraire des EFR dans un contexte de PID ?
Dans un premier temps, il est nécessaire de toujours s’assurer de la qualité de réalisation du patient afin d’avoir un résultat interprétable. Le diagnostic de restriction se fait sur la capacité pulmonaire totale (CPT) mais la gravité de la restriction sur la capacité vitale forcée (CVF) et la capacité de diffusion du monoxyde de carbone (DLCO).
→ Si la DLCO est abaissé de manière disproportionnée par rapport à la CVF, il faut évoquer une hypertension pulmonaire (HTP).
→ Si la volume résiduel (VR) est inférieur à la CV, il faut évoquer une participation de l’obésité dans le syndrome restrictif.
→ Si la CVF est inférieur à la CVL, il faut évoquer une atteinte musculaire, en particulier une atteinte diaphragmatique.
→ Si la DLCO est supérieure à la CV, il faut évoquer une hémorragie intra-alvéolaire.
Le test de marche de 6 min est le test le plus sensible pour suivre l’évolution et le retentissement d’une PID.
Complications des PID : HTP et connectivite
Il existe un lien fréquent entre HTP et connectivite. Le dépistage de l’HTP se fait par la réalisation d’une échographie cardiaque avec mesure de la Vmax IT (insuffisance tricuspide). Le diagnostic est confirmé par la réalisation d’un cathétérisme cardiaque droit. Si l’HTP est en rapport avec une PID liée à une connectivite, le traitement de l’HTP repose sur celui de la PID, c’est-à-dire dans la plupart des cas des immunosuppresseurs.
Exacerbation de PID
Il faut toujours éliminer les causes aiguës de PID, facilement réversibles (y compris chez les patients avec une PID connue), comme une infection pulmonaire, une insuffisance cardiaque gauche, une embolie pulmonaire ou un pathologie pleurale comme un pneumothorax. Les exacerbations peuvent survenir suite à un facteur déclenchant ou être idiopathique (5, 6).
Lors d’une exacerbation, le pourcentage de parenchyme atteint augmente de façon exponentielle et très rapidement. Il faut donc toujours se questionner sur le potentiel de récupération quand un patient est hospitalisé pour une exacerbation de PID. Il existe une théorie du « blast inflammatoire » selon laquelle, au-delà d’un certain seuil inflammatoire, une réaction en chaîne se produit indépendamment du stimulus initial (apparition d’un dommage alvéolaire diffus). Parmi les facteurs déclenchants, on retrouve les contraintes biomécaniques (chirurgie, réalisation d’un lavage broncho-alvéolaire (LBA), intubation...), la pollution atmosphérique, un reflux gastro-œsophagien (RGO), certains médicaments, des agents chimiques et les infections (7).
La réalisation d’un LBA est généralement impossible dans un contexte d’exacerbation de PID, d’autant plus que ces patients peuvent être limités pour la réanimation en cas de dégradation.
Lorsqu’il est réalisé, voici quelques clés d’interprétation du LBA :
→ Une alvéolite neutrophilique peut évoquer une infection, un SDRA ou une exacerbation.
→ Un LBA hémorragique peu évoquer une hémorragie intra-alvéolaire.
→ Une alvéolite lymphocytaire peut évoquer une pneumocystose, une PHS ou une PIL.
→ Une alvéolite panachée peut-être en lien avec une infection ou une PO.
→ Une alvéolite éosinophilique peut évoquer une pneumopathie aiguë à éosinophiles.
→ Un lavage de couleur marron peut évoquer une pneumopathie interstitielle desquamative.
Concernant les traitements, il est nécessaire de garder à l’esprit que les immunomodulateurs ont des délais d’actions variable. Les corticoïdes et les échanges plasmatiques agissent en quelques heures à quelques jours. Le cyclophospamide, l’azathioprine, le mycophénolate mofétil, le rituximab et les anti-calcineurines agissent en quelques semaines. Les immunoglobulines intraveineuses n’ont pas leur place en cas d’atteinte pulmonaire mais sont efficaces sur les atteintes ORL, ou cardiaques. Cependant, de nouvelles perspectives de traitement sont à venir avec l’arrivée des anti-JAK.
Enfin, les exacerbations de PID liées aux connectivités ont globalement un meilleur pronostic que les exacerbations de PID idiopathiques (8). En cas d’intubation et de complications, le sevrage de l’ECMO veino-veineuse est possible jusqu’à 40 % des cas (meilleur pronostic si lié aux connectivites). En cas d’échec de sevrage, la transplantation pulmonaire peut être discutée.
Références
- Joy GM, Arbiv OA, Wong CK, Lok SD, Adderley NA, Dobosz KM, et al. Prevalence, imaging patterns and risk factors of interstitial lung disease in connective tissue disease: a systematic review and meta-analysis. Eur Respir Rev [Internet]. 31 mars 2023 [cité 1 mai 2024];32(167). Disponible sur : https://err.ersjournals.com/content/32/167/220210
- Walsh SLF, Kolb M. Radiological diagnosis of interstitial lung disease: is it all about pattern recognition? Eur Respir J [Internet]. 1 août 2018 [cité 1 mai 2024];52(2). Disponible sur : https://erj.ersjournals.com/content/52/2/1801321
- Fischer A, Antoniou KM, Brown KK, Cadranel J, Corte TJ, Bois RM du, et al. An offi cial European Respiratory Society/ American Thoracic Society research statement: interstitial pneumonia with autoimmune features. Eur Respir J. 1 oct 2015;46(4):976-87.
- Mackintosh JA, Wells AU, Cottin V, Nicholson AG, Renzoni EA. Interstitial pneumonia with autoimmune features: challenges and controversies. Eur Respir Rev [Internet]. 31 déc 2021 [cité 1 mai 2024];30(162). Disponible sur : https://err.ersjournals.com/ content/30/162/210177
- Martins MR, Barros-Coelho D, Ribeirinho-Soares P, Terras-Alexandre A, Melo N, Caetano-Mota P, et al. Clinical outcomes of patients with acute exacerbations in interstitial lung diseases. Eur Respir J [Internet]. 4 sept 2022 [cité 1 mai 2024];60(suppl 66). Disponible sur : https://erj.ersjournals.com/content/60/suppl_66/4266
- Faverio P, Cerri S, Pellegrino MR, Dei G, Clini E, Luppi F, et al. Diff erences of acute exacerbations in idiopathic pulmonary fi brosis compared to other fi brotic lung diseases. Eur Respir J [Internet]. 28 sept 2019 [cité 1 mai 2024];54(suppl 63). Disponible sur : https://erj.ersjournals.com/content/54/suppl_63/PA1725
- Guerra SIS, Conceição M, Cunha Â, Correia J, Vale J, António C, et al. Acute exacerbation admissions of fi brosing interstitial lung diseases – 3 years study. Eur Respir J [Internet]. 28 sept 2019 [cité 1 mai 2024];54(suppl 63). Disponible sur : https://erj.ersjournals.com/content/54/suppl_63/PA4739
- Krishnan A, Janz DR, Lammi MR. ICU Management of the Patient With Fibrotic Interstitial Lung Disease. CHEST Crit Care [Internet]. 1 déc 2023 [cité 1 mai 2024];1(3). Disponible sur : https://www.chestcc.org/article/S2949-7884(23)00020-5/fulltext
Adrien OTT
Interne de pneumologie
Tours
Claire LE DREAU
Interne de pneumologie
Tours
Relecture
Dr Marion FERREIRA
Tours

